lundi 26 septembre 2016

La folle allure, Christian Bobin

A la recherche d'un peu de poésie, je n'ai pas pu résister à l'appel de Christian Bobin...


Le synopsis

Lucie aime les loups, choisir son prénom et en changer à sa guise, et fuguer tandis que ses parents, circassiens, s'efforcent toujours de la retrouver et de la ramener dans leur foyer ambulant. Son père est un perfectionniste jamais rassasié ou satisfait, sa mère rie à gorge déployée et distille légèreté et bonne humeur dans le cercle familial, et ses deux frères jumeaux échangent à loisir leur identité de sorte que nul ne puisse plus les distinguer.
La folle allure raconte Lucie, et Prune, et Marilyn, toutes celles qu'elle est alors qu'elle sillonne les routes dans la plus folle liberté.

Mon avis

Je suis toujours subjuguée par le sentiment d'authenticité et de singularité qui m'envahit à la lecture de Christian Bobin. Il s'agit précisément du genre de connexion que, en tant que lecteur, on recherche éperdument, cette impression tenace qu'une oeuvre nous est destinée, parmi tous, et sans que cela n'ait rationnellement le moindre sens.

La force des images est époustouflante. Dès les premières pages, il nous est conté le premier amour de Lucie, pour un véritable loup. Par la suite, on se laisse charmer par sa témérité, sa folie douce, ses fugues nombreuses et insensées, le milieu du cirque dans lequel elle grandit et qu'elle fuit en permanence, le regard insolite et désaltérant qu'elle pose sur le monde.

Les personnages sont incarnés, on se mêle à eux et l'on plonge dans l'illusion sans réserve et sans scrupule. J'ai eu un plaisir incroyable à retrouver la délicatesse qui m'avait éblouie dans Noireclaire, cette fois dans un contexte tout autre, et qui cependant m'a pareillement envoûtée.

Je pourrais continuer longtemps, tant je suis conquise par le style de Bobin, et sans doute vous lasseriez-vous.

Nous avons tous un panthéon d'auteurs, parmi eux il en est qui vous ressourcent plus qu'aucun autre remède. Bobin figure bel et bien dans mon panthéon personnel, et ne me déçoit pas.


Pour vous si...
  • Vous êtes sensible à la poésie de Christian Bobin. Ou à la poésie, tout court.
  • Le loup peuple également votre imaginaire depuis l'enfance. 

Morceaux choisis

"Je n'ai pu, à cause du ciel noir comme cendre, cueillir que des fleurs de fossé, moins éclatantes que celles espérées. Quant aux fruits, je les volais dans les jardins le long de la route, provoquant à chaque fois un concert d'aboiements.
Les morts sont de grands voyageurs. Ils ont besoin de nourriture. Mon loup, je ne voulais pas qu'il mange seulement des coquelicots. Tout ce qui pouvait fleurir sur mon chemin lui redonnerait des forces."

"Il souffrait de mélancolie. Tu sais ce que c'est, la mélancolie? Tu as déjà vu une éclipse? Eh bien c'est ça : la lune qui se glisse devant le cœur, et le cœur qui ne donne plus sa lumière. La nuit en plein jour. La mélancolie c'est doux et noir."

"Ma mère est folle, je crois. Je souhaite à tous les enfants du monde d'avoir des mères folles, ce sont les meilleures mères, les mieux accordées aux cœurs fauves des enfants." (Bojangles avant l'heure)

"Donner un nom vierge c'est comme transfuser du sang neuf : un acte d'amour, le privilège des amants. Pour vous je choisirai ce nom d'ensemble, je viens de l'essayer au miroir de la page et je trouve qu'il me va : Fugue. C'est le nom le plus proche de mon cœur et puis, entre nous, il permet d'écrire des phrases magnifiques. Imaginez : "La petite Fugue se mit à courir entre les herbes hautes"."

"L'expérience de l'humiliation est comme celle de l'amour, inoubliable. Je ne sais pas ce qu'est l'âme. Je sais très précisément dans quelle partie du corps elle s'évapore, jusqu'à s'anéantir : un minuscule point sombre dans la prunelle des yeux - le mépris. [...] Les yeux des hommes sont plus changeants que les yeux des loups. Ce qu'on y voit est beaucoup plus terrible."


Note finale
4/5
(excellent)

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