vendredi 31 août 2018

Concours pour le paradis, Clélia Renucci

Concours pour le paradis est le premier roman de Clélia Renucci. Bienvenu dans la Venise de 1577...


Libres pensées...

Au XVIe siècle, à Venise, un incendie ravage le Palais des Doges. Un concours est ouvert pour choisir la toile qui remplacera la représentation du Paradis qui trônait dans le Palais. Les participants comptent des noms illustres, parmi lesquels le grand Tintoret ou son adversaire Véronèse, tout comme des noms inconnus prêts à tout pour accéder à la notoriété. Pour Tintoret, il s’agit d’affirmer sa suprématie artistique à la barbe des ennemis qu’il s’est fait au fil des ans, alors que Véronèse est prêt à toutes compromissions pour détrôner le maître. Alors que l’Italie et Venise se transforment, les peintres redoublent de créativité, d’audace et de technique pour emporter le concours.

Le premier point saillant du roman - le plus évident - réside dans son cadre et son époque, et le recours à des personnages dont les noms résonnent, à défaut d’être connus, est initialement un atout. Ayant visité l'exposition sur Le Tintoret, "Naissance d'un génie", au musée du Luxembourg en mars dernier, et ayant visité Venise il y a peu, je me suis naturellement montrée particulièrement réceptive aux descriptions, à la documentation riche qui sous-tend l'intrigue, et ai eu parfois le sentiment que cette documentation prenait le pas sur l'intrigue que je peinais à saisir : passée la scène initiale, très visuelle, et l'introduction des différents protagonistes, le temps est devenu long, les années passent, la fin du concours semble lointaine, et il m'a semblé explorer davantage le quotidien de deux artistes vénitiens au XVIe siècle, m'éloignant du concours et de ses enjeux. J'attendais sans doute plus de rythme dans le récit.
Toutefois, découvrir le visage de l'homme derrière l'artiste, en particulier dans le cas du Tintoret, à travers les relations qu'il entretient avec ses différents enfants, était tout à fait intéressant.

Je  suis donc assez partagée sur mon ressenti : certains passages m'ont paru peu importants, bien que le cadre de l'intrigue captive. La progression du texte est peu soutenue, quant au style, il est raffiné et travaillé, le vocabulaire employé est parfois rare, ce que l'on peut apprécier, cependant, ce sera sans doute également un obstacle pour une partie du lectorat.

Je dirais pour finir que ce premier roman est prometteur, l'épisode historique choisi fascine, cependant le texte souffre à mes yeux d'une structure diluée et d'un manque de rythme. Clélia Renucci n'en est pas moins un écrivain à suivre ! 

Pour vous si...
  • La perspective de voir les artistes à l'oeuvre dans la Venise du XVIe vous fait frétiller d'aise
Note finale
2/5
(pas mal)

jeudi 30 août 2018

La toile du monde, Antonin Varenne

Antonin Varenne est un auteur français qui n'en est pas à son coup d'essai, ayant déjà publié près d'une dizaine de romans. Sa dernière publication, La toile du monde, prend pour cadre le Paris de 1900...


Libres pensées...

Aileen Bowman est journaliste pour le New York Tribune en 1900, et à bord du paquebot Touraine, elle fait route vers Paris, où elle a obtenu de couvrir l’Exposition Universelle qui s’y tiendra pour les mois à venir. A 35 ans, Aileen est une femme peu conventionnelle, féministe, célibataire, audacieuse, elle porte des pantalons et refuse de rester cantonnée aux activités féminines mondaines. A Paris, elle pose nue pour son ami le peintre Julius Stewart, bouscule les habitudes vestimentaires, se fraie un chemin dans les milieux masculins et séduit de sa plume les lecteurs de la Fronde, qui publie ses chroniques. Elle fait la rencontre de l’ingénieur Jacques Huet, qui travaille à la réalisation de la ligne 1 du métropolitain, ainsi que celle de sa femme Agnès, douce et prude. Ses relations avec Joseph, un indien faisant partie de l’Exposition qui la considère comme sa sœur tout en lui vouant des sentiments ambigus, menacent de conduire à un drame...

La toile du monde intéresse de par son cadre : Paris durant la Belle Epoque. Le récit est documenté, ce qui donne le sentiment d’être plongé dans l’année 1900 aux côtés des protagonistes, et rend la lecture vibrante.
Parmi les autres atouts du roman, j'ai été sensible à sa structure (chronologique, suivant l'évolution d'Aileen dans le monde parisien de l'époque), ses personnages (Aileen Bowman est très intéressante, mais il faut noter que les personnages secondaires sont également travaillés et intriguent, qu’il s’agisse de Joseph, pour lequel on ressent une compassion mêlée de crainte, de Julius, dont l’art culmine avant de lui échapper, de Jacques, que l’on devine tiraillé entre son attirance pour Aileen et sa loyauté envers sa femme, ou encore Agnès, qui est bien davantage que la pâle épouse de l’ingénieur. Cette richesse des portraits permet au spectateur d’être à l’aise dans ce roman coloré) et le style, variant entre le lyrisme de la prose d'Aileen dans les articles qu'elle rédige, et un abord plus simple dans le reste du récit.

En fin de compte, j'ai presque eu le sentiment de rester sur ma faim : représenter une femme américaine et anticonformiste en France au début du XXe siècle est très intéressant et interpelle, néanmoins les évolutions de l’intrigue, inattendues, peuvent laisser le lecteur perplexe, et lui donner l’impression que l’intensité de l’intrigue diminue au fil des pages.

La lecture n'en est pas moins agréable et rythmée, et propose une figure féminine et féministe passionnante.

Pour vous si...
  • Vous êtes friands de récits sur la Belle Epoque, et intéressé en particulier par les transformations liées à l'Exposition universelle de 1900
Note finale
4/5
(excellent)

mercredi 29 août 2018

Le cactus, Sarah Haywood

Le cactus est le premier roman de Sarah Haywood, écrivain britannique. Adorateurs des anti-héroïnes, vous serez comblés, car après le roman d'hier, il semblerait que nous ayons à faire à un nouveau spécimen intéressant...


Libres pensées...

Susan Green a 45 ans, elle vient de tomber enceinte accidentellement, décide de garder le bébé et de sortir de la vie de son amant par la même occasion, lorsqu’elle apprend la mort de sa mère. Elle laisse son frère Edward, qu’elle considère comme un raté paresseux, organiser les funérailles. Mais quand elle apprend que sa mère, dans son testament, a laissé l’usufruit de sa maison à Edward sans contrepartie, elle est ébranlée par l’injustice de ce choix, et entreprend de contester le testament.

Le cactus est un roman inégal. Il est fantaisiste et divertissant par moment, bien qu’abordant pourtant des sujets qui peuvent sembler graves, néanmoins les traits des différents personnages sont souvent caricaturaux, au point que le récit peut perdre en crédibilité.
En cause, une structure peu équilibrée : les 150 premières pages sont longues, et si elles permettent de dresser un portrait de Susan en anti-héroïne, l'on s'ennuie vite... Cette première étape passée, l'intrigue devient enfin plus rythmée et intéressante.

Les personnages secondaires ont une véritable place dans l’intrigue, malheureusement, tout comme la protagoniste,  ils versent dans la caricature, sans pour autant que cela ne soit franchement drôle : la tante Sylvia obsédée par son désir de plaire, Rob qui s’enlise dans sa bienveillance naïve, et bien entendu Susan qui apparaît rapidement comme une femme pénible, persuadée d’avoir tout réussi à la force du poignet, peu empathique et très encline à juger, à être rigide. A cet égard, on ne s’attache guère aux personnages du roman, qui contribuent à en faire une satire plus qu’autre chose.

Ainsi, l'intrigue en elle-même n’est pas dénuée d’intérêt, explorant le sujet de l’héritage, de la transmission, et les conflits que cela peut générer au sein d’une fratrie, ainsi que les divergences qui se sont construites entre un frère et une sœur tout au long de leur vie, quelques secrets familiaux venant arroser le tout. Le choix d’une anti-héroïne avait du potentiel, cependant Susan reste antipathique la plupart du temps, du fait de jugements à l’emporte-pièce, et son acharnement apparaît rapidement vain. Le récit aurait pu être proprement humoristique, mais ne m'a malheureusement pas fait sourire, les ficelles étant sans doute trop visibles. Enfin, le dynamisme retrouvé du récit sur les cent dernières pages n'a pas suffi à me convaincre... Dommage!

Pour vous si...
  • Vous êtes patient. Très patient.
  • Vous vous délectez de faux-héros et êtes prêts à prendre pelle et pioche pour aller gratter sous un vernis rebutant. 
Note finale
1/5
(flop)

mardi 28 août 2018

La vie sauvage des femmes, Bénédicte Brézillon

Derrière cette couverture acidulée et ce titre tapageur se cache un premier roman ! Partons donc explorer un pan insoupçonné de l'existence des femmes...


Libres pensées...

Agathe a une vie rangée, et tout pour être heureuse : un mari dévoué, deux enfants, une situation confortable, et un groupe de copines solide et fantaisiste. Reine de l’équilibre, Agathe jongle entre les obligations professionnelles et personnelles, elle est la mère idéale, jamais en retard, n’oublie pas les activités des enfants et les détails logistiques du quotidien, elle est un monstre d’organisation. Mais, peu à peu, la mécanique parfaite semble s’enrayer, Agathe se laisse séduire par un inconnu et s’énerve à tout-va.

La vie sauvage des femmes présente l’intérêt de prendre pour cadre la période actuelle, et d’aborder le quotidien d’une femme surmenée, qui tient à maintenir une apparence de maîtrise et de réussite. Débutant par une journée comme une autre, le récit monte peu à peu en puissance, à mesure qu’Agathe semble sombrer, et perdre la maîtrise de ce quotidien pourtant précisément organisé.
L'intrigue repose en grande partie sur la personnalité très affirmée d'Agathe, qui peut se révéler ambivalente : la proximité immédiate induite par ces traits peut être par la suite remplacée par un agacement nourri par les réactions parfois désagréables et le visage antipathique de la protagoniste, qui montre un comportement égoïste et excessif. Cela est d'autant plus prégnant que les personnages secondaires n’existent qu’en pointillés, vampirisés en quelque sorte par une Agathe envahissante.

Néanmoins, le style vif et d'abord simple permet au lecteur de rester dans la course, et de nourrir une curiosité pour le sort qui sera celui de cette anti-héroïne très moderne. En effet, l'intrigue, bien qu'entravée par certaines digressions visant à démontrer la confusion qui s'empare peu à peu d'Agathe, permet de mettre en lumière la pression subie par une femme qui tâche de mener de front toutes ses responsabilités : celles d’épouse, de mère, d’amie, et de femme épanouie, car Agathe semble ne pas avoir le droit de montrer autre chose qu’un visage heureux. Le traitement du sujet est original, car en lieu de compassion, le choix de la narration à la première personne donne à voir le monde à travers les yeux de cette femme, qui se rengorge de son excellente organisation, de sa belle vie, et se montre irascible et désagréable à mesure qu’elle perd le contrôle, qu’elle doute, qu’elle se comporte de manière inhabituelle. Là où on s’attendrait à trouver des questionnements intérieurs et une authenticité de ton, on trouve une suite d’actions désordonnées et de la suffisance.

C'est certainement ce qui m'a le plus déroutée dans cette lecture, qui reste cependant intéressante de par le tableau détaillé qu'elle peint des attentes sous lesquelles ploient les femmes, à l'heure des débats autour de la charge mentale.

Pour vous si...
  • Vous avez adoré Camille Cottin dans la série Connasse
Note finale
2/5
(pas mal)

lundi 27 août 2018

Funambules, Charlotte Erlih

Charlotte Erlih est l'auteur de plusieurs romans, notamment de romans jeunesse. Elle est également réalisatrice, ce qui a sans doute influencé son dernier roman, Funambules...


Libres pensées...

Ada est scénariste, et a rendez-vous avec un producteur, Denis Moucheteux, pour le convaincre de porter son film à l’écran. Judith veut devenir reporter, et, alors qu’elle se retrouve sur la touche, entreprend de réaliser un documentaire sur le monde du cirque, où elle fait la rencontre de Julien, funambule. Le projet de film d’Ada, justement, porte sur le funambulisme.

Funambules raconte deux histoires en une, et est à cet égard un roman très original, fantaisiste et sensible. Ada cherche à capturer l’intérêt du producteur comme l’auteur celui du lecteur, introduisant tour à tour des rebondissements ou des évolutions attendues, tâchant de maintenir le producteur en haleine, et l’auteur dessine en cela la personnalité attachante et créative d’Ada.

Assez rapidement, le lecteur s'interroge : quel lien y a-t-il entre Judith, Julien et Ada ?
Difficile d'établir des hypothèses, tant on est distrait par les embardées créatives d'Ada qui fait tout son possible pour captiver le producteur...
Pour autant, on ne lui en tient pas rigueur : Ada suscite la sympathie de par son manque d'assurance, et sa volonté de mener à bien son projet à l'issue de plusieurs échecs. De manière intéressante, l'auteur joue avec les caractères des personnages inventés par Ada, soulignant les tentatives du producteur de les faire rentrer dans des cases, tandis que Ada revendique leur unicité.

Si le roman distrait autant, c'est bien sûre grâce à son intrigue cocasse, mais aussi grâce au style, fluide, qui facilite l'immersion du lecteur et ménage des effets de suspense, d’attente, de sorte que le roman se lit comme une aventure dont on trépigne de connaître la fin.

Enfin, il n'est pas dénué d'intérêt de réfléchir, à travers ce texte, au processus créatif, à l’histoire en train de se faire, l'auteur créant une mise en abyme qui interpelle, et qui dépayse.  Les personnages, dont les motivations sont claires, n’hésitent pas à se pousser mutuellement dans leurs retranchements pour créer ensemble un projet de film susceptible de plaire au grand nombre.

Funambules forme donc un roman coloré, inattendu, qui sort des sentiers battus tout en proposant une intrigue amusante et intrigante dans un style facile d’accès.
Je vous conseille vivement d'aller à sa rencontre ! 

Pour vous si...
  • Vous êtes friand de romans divertissants mais tout de même originaux
Note finale
4/5
(très cool)

dimanche 26 août 2018

Les déraisons, Odile d'Oultremont

Les déraisons figurait dans la sélection de printemps des 68 premières fois.
Avec un peu de retard, je vous livre mon ressenti sur ce roman bourré de fantaisie...


Libres pensées...

Adrien et Louise se sont rencontrés dans des circonstances cocasses, et depuis, leur quotidien est un joyeux désordre. Aussi, lorsqu'une tumeur est découverte dans les poumons de Louise, leur vie prend un tournant inattendu, et Adrien décide de délaisser son emploi - sans n'en rien dire à son employeur - pour prendre soin d'elle. Lorsque la supercherie est découverte, son employeur l'assigne en justice.

Je dois commencer par louer le style de l’auteur et sa fantaisie, qui sont les deux principaux atouts du roman, lequel cependant pâtit du fait que ces ingrédients en question rappellent à s’y méprendre le premier roman d’Olivier Bourdeaut, En attendant Bojangles, qui lui ont valu le succès fulgurant que l’on sait.
Au fur et à mesure de la lecture, on se sent véritablement étreint par cette impression de déjà-vu, et c’est très dommage, car le roman a ses propres qualités et mérite d’être lu.

Cependant, il est heureux que je me retrouve à parler des Déraisons plusieurs mois après l'avoir lu, car le sentiment qu'il a laissé n'est pas celui de l'agacement, ou du déjà-vu ci-dessus évoqué, mais plutot de l'atmosphère étrange, joyeuse, aigre-douce qui s'en dégageait, et la drôle de confrontation entre Adrien et son employeur, qui permet de dépasser la simple dimension du couple, et rend au protagoniste son aspect social, l'inscrivant dans un environnement plus large, tantôt hostile, tantôt neutre, pour de nombreuses raisons.

Ainsi, alors qu'à l'issue de la lecture, je me détournais plutôt du roman, je le recommande aujourd'hui fermement, car le temps m'a permis de voir ses qualités et de me détacher de la ressemblance avec Bojangles qui m'avait alors gênée. 
N'hésitez pas à aller à la rencontre de Louise et d'Adrien, pour vous faire votre propre avis sur la question...

Pour vous si...
  • Vous avez été conquis.e par En attendant Bojangles, et reprendriez bien une tasse d'originalité

Note finale
3/5
(cool)

samedi 25 août 2018

Mille jours en Toscane, Marlena de Blasi

Nostalgique d’une excursion automnale l’an passé, j’ai eu envie de m’offrir une balade en Toscane.
Parfois, c’est quand même mieux de s’en tenir à ses souvenirs.


Libres pensées...

Marlena et Fernando se sont rencontrés à Venise, où ils se sont mariés.
Plus tard, ils décident de s'installer en Toscane. Leur quotidien est fait d'échanges au café du village avec les villageois d'abord suspicieux, puis franchement amicaux, d'habitudes peu à peu instaurées, des inévitables turpitudes de la vie conjugale, de bonne humeur et de douceur.

Le topo attire par sa fraîcheur, toutefois je dois vous confier que Mille jours en Toscane ne m’a pas offert ce que je m’étais imaginée. Est-ce, pour autant, un roman décevant ? Je n’irais pas juste là ; il s’agirait plutôt d’un rendez-vous manqué.

Après réflexion, je pense que la raison pour laquelle je n’ai pas été convaincue par ce roman réside principalement dans le fait que je ne me suis pas sentie proche de ses protagonistes, et de leurs préoccupations. La légèreté du ton est agréable, tout comme le cadre qui invite au voyage et à la dolce vita, cependant la sauce n'a pas pris, ce qui m'a laissé fort surprise, étant une amoureuse de l'Italie et de la Toscane en particulier.
Tant pis pour moi, mais pour votre part, ne vous privez pas, un moment en Italie est toujours précieux...

Pour vous si...
  • Vous n'attendez pas du roman une intrigue en tant que telle, et une succession de saynètes de la vie ordinaire peut tout aussi bien vous séduire

Note finale
2/5

vendredi 24 août 2018

Arrive un vagabond, Robert Goolrick

Il y a quelques années, j’avais été fort émue par Féroces, un roman de Goolrick qui m’avait prise par surprise.

Il y avait un moment qu’un deuxième opus dormait dans ma bibliothèque.


Libres pensées...

Charlie Beale débarque un jour à Brownsburg, et trouve du travail en tant que boucher. Il n'a pas de passé, et son arrivée intrigue, dans ce bourg paisible où il se passe si peu de choses. A force de travailler dur, Charlie se fait une place, attire la clientèle, et devient apprécié. Mais lorsqu'il rencontre Sylvan Glass, sa vie prend un tournant inattendu, car la passion qui naît entre eux est aussi entière que destructrice.

Goolrick est décidément un conteur hors pair !

La fiction fonctionne à merveille, en un instant l’on se retrouve projeté dans la bourgade américaine qu’il décrit, et l’on ressent la présence des barrières sociales entre les habitants, tout comme le poids des rêves et des aspirations que nourrissent certains.

Par ailleurs, ce que j'apprécie chez Goolrick, et qui le distingue à mes yeux de la majorité des écrivains américains contemporains, c'est son sens de l'intrigue : il nous raconte bel et bien une histoire, dont on s'inquiète de connaître l'issue, et il ne s'agit pas uniquement de se plonger dans le quotidien d'un milieu social en portant sur ses protagonistes un oeil et un intérêt presque sociologiques. Le personnage de Charlie Beale, qui inquiète tout d'abord un peu - que voulez-vous, difficile de se débarrasser de certains réflexes... - en ce que son passé est absolument obscur, suscite rapidement de l'empathie, tout comme Sylvan Glass, à sa manière. Entre eux, Sam, l'enfant de Will et Alma, qui ont accueilli Charlie et lui ont offert un toit et un travail. Sam est enjoué, il adule Charlie, et devient un témoin étrange de la romance qui se noue entre Charlie et Sylvan, rendant la situation malsaine.

J'ai donc été conquise par ce roman rondement mené, moins grave sans doute que Féroces dans la mesure où ce roman-là, écrit à la première personne, donnait le sentiment glaçant d'un témoignage, néanmoins Arrive un vagabond est très réussi, et stimule encore davantage mon envie de découvrir un troisième opus, Une femme simple et honnête!

Pour vous si...
  • Vous aimez les histoires, plus que les peintures d'une époque
  • Les trios improbables constituent votre marotte littéraire

Note finale
3/5
(cool)

jeudi 23 août 2018

L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pélerinage, Haruki Murakami

Un butin d’un précédent salon du livre, voilà de quoi occuper mes soirées d’été !


Soyons honnêtes, cette couverture n'a absolument rien d'engageant, mais ne nous fions pas aux apparences. 

Libres pensées...

Tsukuru Tazaki se juge très ordinaire. Lorsqu’il fait la rencontre de Sara, à 35 ans, et envisage de construire un foyer avec elle, elle lui intime de se confronter à un événement de son passé qu’il a toujours obstinément fui : adolescent, il formait avec quatre amis un groupe uni. Pourtant, du jour au lendemain, ses amis d’antan ont tous coupé les ponts avec lui, refusant de lui fournir une explication. Si Tsukuru a fait de son mieux pour passer à autre chose, cette blessure, des années après, le hante encore.

Avec l’aide de Sara, il parvient à localiser trois de ces quatre comparses, et décide d’aller à leur rencontre, pour enfin comprendre ce qui s’est passé il y a près de vingt ans.

Une nouvelle fois, l’art de Murakami opère, et l’on est complètement captivé par l’étrange histoire qu’il entreprend de nous raconter, et d’où il émane une impression de « vrai », d’authentique, comme souvent dans ses œuvres, alors même qu’il est parfois question de phénomènes peu naturels, mais simplement de par son talent à décrire précisément les tourments humains.

Tsukuru n’est que doute, et est attachant en cela : lui qui se voit si banal, si insignifiant, est en réalité perçu bien différemment par ses anciens amis comme par la femme qu’il aime. Au cœur de l’intrigue, l’histoire tragique de Blanche, qui avait provoqué le rejet de Tsukuru, et divisé les amis.

Bleu, Rouge, Noire, sont autant de personnages qui ont leur propre parcours, leur propre personnalité, et qui partagent tous la même culpabilité à l’égard du traitement infligé à Tsukuru.

Aux côtés du protagoniste, on démêle les fils du passé, la complexité des sentiments de chacun, et la crainte de l’abandon qui a ensuite obsédé Tsukuru.

Le roman se lit avec plaisir et intérêt, et, comme souvent avec Murakami, l’on en ressort avec l’impression d’en savoir plus sur soi comme sur ses congénères.

Qui a dit que la littérature n’était qu’égoïsme ?

Pour vous si...
  • Vous n'avez pas non plus digéré vos traumatismes de jeunesse

Note finale
4/5
(très cool)

mercredi 22 août 2018

Eleanor Oliphant va très bien, Gail Honeyman

Nouvelle recommandation de Nombre Premier, l’histoire pas banale d’Eleanor Oliphant m’a prodigué un bon coup de fouet, et je ne peux pas dire que je m’y attendais.


Libres pensées...

Eleanor Oliphant est une femme peu ordinaire. Misanthrope affichée, elle ne s’encombre ni de bonnes manières ni de tact, et mène sa vie comme bon lui semble, dans le confort d’une routine bien établie à l’écart des conventions sociales et de ses pairs. Son quotidien suit un schéma cartésien, qui la mène de chez elle au travail, une agence de design où elle est en charge de la comptabilité, et enfin au supermarché où elle achète la précieuse vodka en compagnie de laquelle elle passe ses samedi soirs. Un rendez-vous hebdomadaire régule ses semaines, ses discussions téléphoniques avec sa mère, une femme à la personnalité vorace qui ne cache pas les faibles attentes qu’elle a envers sa fille, et les déceptions qu’elle nourrit.
Mais tout bascule le jour où Eleanor tombe sous le charme du chanteur d’un groupe de rock en vogue, et décide de se consacrer à un projet : le séduire.
Son chemin est semé d’embûches, mais elle peut compter sur Raymond, un collègue d’abord jugé envahissant avec lequel elle vient en aide à un vieux monsieur renversé par une voiture, et auquel elle s’habitue peu à peu.

Ce roman à l’abord humoristique cache quelques surprises, et c’est ce qui en fait le cachet. Nous commençons par rencontrer Eleanor, la protagoniste, qui a les traits d’une anti-héroïne assumée, et dont les maigres facultés sociales nous frappent d’emblée : l’observer dans la moindre interaction sociale devient rapidement un péché mignon, tant elle se montre franchement décalée. Sa mère, elle, nous fait moins rire : c’est une femme capricieuse, méchante, imbue d’elle-même, et l’on comprend qu’Eleanor vit complètement sous son emprise, renforcée à chaque nouveau coup de téléphone.

Puis, interviennent deux événements : la décision d’Eleanor de partir à la conquête d’un chanteur de rock, et la rencontre de Sammy, un vieil homme qu’elle secourt avec l’aide de Raymond, un collègue auquel elle n’avait jamais prêté attention.
Sa vie commence alors à prendre une drôle de tournure, Eleanor troquant sa solitude pour de nouvelles expériences. A mesure qu’elle s’achemine hors de ses sentiers battus, on est pris d’un étrange pressentiment, et l’on en vient à voir Eleanor sous un jour nouveau.

Les péripéties se succèdent, et l’on s’attache véritablement à Eleanor, car il y a une tendresse dans l’écriture de l’auteur, et les éléments peu à peu révélés nourrissent une indulgence, avant de créer un trouble plus profond, à la limite de l’effroi.

J’ai été conquise par ce roman bien mené, à l’écriture fluide, au ton drolatique et aux sujets parfois graves qu’il aborde, mine de rien. Pour finir, c’est un pincement au cœur que j’ai dû dire au revoir à Eleanor et Raymond.

Pour vous si...
  • Vous savourez l’humour anglais
  • Vous aimez dévoiler ce que cachent les apparences, car vous savez qu’elles sont trompeuses
Note finale
4/5
(très bon)

lundi 20 août 2018

Le maître des illusions, Donna Tartt

Donna Tartt est de ces auteurs fascinants qui ont réussi le coup de maître de se faire un nom en un seul roman, sans verser dans une production prolifique mais en se concentrant sur quelques rares publications qui deviennent attendues, et qui ne déçoivent pas. J’avais lu le Chardonneret il y a quelques années, et je dois dire que la perspective de me plonger dans un autre de ses foisonnants romans m’intimidait un peu. Mais j’avais un peu de temps pour moi, cet été, si bien que mon dévolu s’est porté sur le maître des illusions.


Libres pensées...

Richard, étudiant issu d’un milieu modeste, vient d’obtenir une bourse pour étudier au sein de l’université de Hampden, dans le Vermont. Lors de son inscription, il fait la rencontre de Julian Morrow, un enseignant charismatique qui lui propose de rejoindre la classe de cinq élèves spécialisés en lettres classiques dont il est l’unique professeur. Intrigué et fasciné, Richard accepte et rejoint le cercle très fermé des étudiants de Morrow. A ses côtés, les jumeaux Charles et Camilla, le dandy Francis, le brillant Henry, et Bunny, provocateur et sulfureux. Dissimulant ses origines sociales, Richard tâche de s’intégrer dans ce microcosme élitiste et exigeant, où certaines relations sont plus malsaines qu’il n’y paraît.

Le maître des illusions est une lecture qui essouffle et bouscule. Ce roman de 600 pages, où le suspense imprègne une atmosphère lugubre, réussit la gageure de maintenir le lecteur en haleine tout en ne répondant pas aux codes classiques des polars ou des romans policiers. Il y a, bien sûr, les nombreux effets d’annonce, à l’occasion desquels Richard, qui est le narrateur, laisse entrevoir qu’un drame se trame, l’atmosphère particulière qui tient du huis clos, la figure envoûtante de Julian Morrow, et celle, tout aussi magnétique, bien que d’une manière très différente, de Henry, cet étudiant atypique aux facultés et à l’intelligence remarquables. Difficile, pour Richard, de se faire une place. Il se donne pourtant du mal, et lorsque l’intrigue se dévoile peu à peu, le lecteur ne peut que se demander où il a mis les pieds.

Car les jeunes adultes qui l’entourent sont bien plus dangereux qu’ils n’en ont l’air, et sont capables de se comporter avec toute la bestialité des animaux sauvages, la cruauté en-sus.

Habile, Donna Tartt ne dit pas tout, et si nous avons le loisir d’analyser les caractères et les situations aux côtés de Richard, chacun garde aussi sa part d’ombre, sa part de mystère, nous poussant à prendre le risque d’une interprétation. Faut-il voir en Henry un jeune homme manipulateur et sadique? Ou plutôt en quête de sens et de sensations, amoureux et tragique ? Bunny est-il capable de plus de profondeur que ce qu’il donne à voir, a-t-il vraiment une grandeur d’âme, ou seulement l’étrange capacité à pousser à bout ceux qui l’entourent ? Richard est-il victime des événements, au mauvais endroit au mauvais moment, ne se plairait-il pas à faire enfin partie d’un groupe, quel qu’en soit le prix ?

Le récit est de ceux qui abîme son lecteur au passage, le laissant avec ce sentiment de malaise, de dégoût, guettant en lui-même tout ce qui pourrait le rapprocher de ces protagonistes qu’il a suivis tout en les détestant, qu’il appréhendés sans parvenir à les comprendre vraiment. Confronté, sans doute, à ses propres démons.

Un roman qui ne laisse pas indemne…

Pour vous si...
  • Vous êtes amateur d’expériences extrêmes
  • Vous ne vous lassez pas de chercher les visages cachés derrière les masques
Note finale
4/5
(excellent)

jeudi 16 août 2018

Nous ne sommes pas nous-mêmes, Matthew Thomas

Roman Premier m'avait prêté ce roman fleuve il y a belle lurette, rien de tel que le soleil danois pour en égrener les pages. 


Libres pensées...

Issue d'un milieu humble, Eileen a tout fait pour s'en extraire, et obtenir la vie dont elle rêve, dans une belle demeure victorienne attestant de sa réussite sociale, et partant, de son bonheur. Elle mène des études d'infirmière, et rencontre Ed, qu'elle épouse. Enseignant universitaire, Ed n'a pourtant pas l'ambition de sa femme, et préfère rester auprès de ses élèves plutôt que d'accepter un poste dans l'industrie pharmaceutique qui leur aurait assuré un train de vie infiniment plus confortable. Ed et Eileen deviennent les parents de Connel, un garçon simple qui n'a pas la pugnacité de sa mère, laquelle se contente d'une condition acceptable, dans un quartier correct, à l'écart des lieux les plus huppés, à son grand désarroi. Eileen ne renonce cependant pas à son rêve, et lorsqu'un agent immobilier lui fait visiter une grande et belle maison requérant des travaux, mais à un prix compétitif, Eileen voit soudain ses espoirs se réaliser. Elle goûtera quelques années de sérénité, avant que le sort ne frappe et qu'une maladie dégénérative ne se déclare chez Ed.

Le synopsis pourrait être encore davantage détaillé, car le roman fait presque 900 pages, et ne s'arrête pas là.
Ma description ne restitue peut-être pas exactement ce sentiment, mais j'ai apprécié le regard porté sur les protagonistes. Bien sûr, Eileen semble ambitieuse, (trop peut-être ? Soyons honnêtes, chez un homme, cela ne sera pas choquant un instant - ce qui, en pointillés, est reproché à Eileen, c'est d'être une femme nourrissant ce genre d'ambitions), mais elle révèle une personnalité plus complexe, et son histoire familiale est là pour éclairer la crainte qui l'assaille de l'indigence, de l'anonymat. Ed, quant à lui, derrière son allure et sa bonne famille, se désintéresse de la fortune et du prestige, et si leurs divergences entraînent parfois des disputes épicées, il y a dans l'attachement, l'amour qu'ils se portent, quelque chose de très tendre et d'apaisant.

Alors, bien sûr, la vie ne va pas comme on le voudrait. Le roman présente le mérite de dépeindre la condition d'une famille américaine touchée par la maladie, et les conséquences sur sa situation financière et patrimoniale. En filigranes, on saisit combien le système de santé américain est injuste et intraitable. La maladie d'Ed dure des années, conduisant Eileen à l'isolement et à l'épuisement.
Comme elle le peut, elle tâche d'avancer quand même, ses rêves d'antan sont remisés et remplacés par l'impératif et l'imminence de la condition d'Ed, qui devient un autre.

Nous ne sommes pas nous-mêmes est un récit aussi cruel que réaliste, qui donne à voir les espoirs fous, les illusions d'une jeune fille, et la vie qu'elle va mener, ménageant parfois des moments de bonheur, et parfois de longues périodes sombres.


Pour vous si...
  • Vous raffolez du style réaliste que l'on trouve dans les romans américains actuels, de Franzen à Lamb.
Note finale
3/5
(cool)

mercredi 15 août 2018

Comment vivre en héros, Fabrice Humbert

Au hasard de la blogosphère, j'avais lu des avis très enthousiastes au sujet de Comment vivre en héros? J'avais cependant été peu réceptive à un autre roman de Fabrice Humbert, Eden utopie. Bravant la malédiction de la mauvaise première impression, je me suis mise en selle et me suis attelée à ce roman de 2017. 


Libres pensées...

A seize ans, Tristan Rivière abandonne son entraîneur de boxe dans le métro, alors qu'il est agressé par trois jeunes hommes. Dans les yeux de son père, il devient un lâche, et associera cette image à son identité.
Dix ans plus tard, dans un train, il vient au secours d'une jeune femme agressée elle aussi par une bande. Aux yeux de Marie et de son entourage, il est alors un héros.
A l'aune de ces deux événements fondateurs, Tristan tâchera de trancher en faveur de l'héroïsme dans ses choix, mais ne parviendra pas à se tenir à l'écart des désillusions de la vie quotidienne.

J'ai été surprise et conquise par le roman de Fabrice Humbert.
Le thème, il faut dire, m'interpelle particulièrement : devient-on un héros, ou un lâche, selon le comportement que l'on adopte au cours de trente-huit secondes ?
L'époque est-elle aux héros, et de quelle étoffe sont-ils faits ?

Comment vivre en héros peut, à certains égards, ressembler à un récit initiatique, ou à un de ces livres dont vous êtes le héros, car l'auteur nous livre parfois les différentes versions de la vie de Tristan en fonction des options qui s'offrent à lui, et qu'il ne peut évaluer qu'en un très court laps de temps. Intervenir face à une bande de voyous, ou jouer l'ignorant et ne pas se mêler de ce qui ne le regarde pas ? Tendre la main à sa fille qui le déteste mais se retrouve enlisée dans une situation inextricable ? Répondre aux avances de cette femme qui semble le trouver si séduisant ?

Les protagonistes ont cela de particulier qu'ils ne sont pas infaillibles, et nous apparaissent, Tristan le premier, sous l'ensemble de leurs jours, bons comme mauvais, ils ne répondent pas à un adjectif unique, ils peuvent être lâches un jour, courageux le lendemain, ils peuvent changer, ils peuvent faire un autre choix. Si certains événements sont irréversibles, il est possible chaque nouveau jour de décider de qui l'on sera, et c'est ce que tâche de faire Tristan, réalisant que rien n'est acquis, que tout est à refaire chaque jour.
Il y a quelque chose de la détresse de Sisyphe dans ce texte, un noeud serré fait d'espoirs et de résignations humains, et c'est cela, je crois, qui m'a parlé, qui a fait écho à des questions essentielles. Comment peut-on vivre en héros, comment peut-on simplement être quelqu'un de bien ? Fabrice Humbert dessine des hypothèses, des pistes, mais nous laisse maîtres de décider de ce que nous voulons voir.

Pour vous si...
  • Vous avez vous aussi ce projet modeste

Note finale
3/5
(cool)

mardi 14 août 2018

Seuls les enfants savent aimer, Cali

Le premier roman de Cali figurait dans la sélection des 68 premières fois. Je ne savais guère à quoi m'attendre, si bien que, pour finir, j'ai abordé ce récit avec la plus grande neutralité. 


Libres pensées...

Le narrateur, Bruno, est un enfant de six ans lorsque meurt sa mère. Parce qu’il est le plus jeune, on le tient à l’écart des funérailles, mais il se souvient de cette journée grise, de sa maman perdue.
Dans ce récit douloureux où il s'adresse directement à sa mère, Bruno raconte le deuil depuis ses yeux d'enfant, sa compréhension de la fatalité, l'impuissance des autres à combler le vide soudain et abyssal.

Le récit proposé par Cali n'a pas d'intrigue ou de trame à proprement parler, et c'est certainement un reproche que lui feront certains lecteurs, y voyant une tentative littéraire sans prétention ; on s'y  pourtant plonge pour épauler Bruno, pour revivre avec lui la tragédie de sa vie, pour se souvenir de ce que cela fait d'être un enfant et de perdre quelqu'un. Bien entendu, cette tragédie-là est la pire de toutes - perdre sa maman. Aussi, cette douleur qui se propage devient aussi la nôtre, cette première appréhension de l'absence, de l'absurde, de la vanité.

Seuls les enfants savent aimer offre un moment précieux, un moment d'une grande sensibilité qui nous invite à exhumer à notre tour les souvenirs et les maux d'enfance. Pour cette émotion pure, authentique, j'ai été le temps d'une lecture, une enfant de six ans de nouveau, et cette expérience-là vaut à mes yeux beaucoup de grands romans. 

Pour vous si...
  • Vous savez par coeur que la neige c'est l'or des tout petits

Note finale
3/5
(très tendre)

lundi 13 août 2018

Les loyautés, Delphine de Vigan

En début d'année, le dernier roman de Delphine de Vigan est venu se glisser dans ma PAL. Avec sa belle couverture neige et rouge, on ne pouvait que céder à la tentation.


Libres pensées...

Hélène enseigne dans un lycée parisien. Dans sa classe de cinquième, elle repère Théo, un adolescent qui lui semble absent, et chez lequel elle devine les symptômes de la maltraitance, dont elle a elle-même été victime enfant.
Théo dissimule des secrets, en premier lieu celui de son père. Car ses parents sont séparés, et il vit chez chacun selon une garde alternée. Les semaines passées chez son père sont celles où il s'occupe de lui, qui a perdu son emploi et se laisse mourir dans son appartement à petit feu. A sa mère, il ne dit rien, à personne d'autre non plus, d'ailleurs. Avec son camarade Mathis, il a trouvé un exutoire à son quotidien : l'alcool. Dès qu'ils le peuvent, ils se procurent de l'alcool et boivent au-delà des limites.

Je n’ai lu que deux romans de Delphine de Vigan, Rien ne s'oppose à la nuit et D'après une histoire vraie, cependant les deux m’ont fait la plus forte impression. C’est donc armée de certitudes que je me suis plongée dans son petit dernier, Les loyautés.

Nouveau roman, nouvelle histoire. Les voix plurielles des protagonistes forment une partition où l'on devine le drame qui se prépare, et où l'on assiste, impuissant, à l'inévitable.
L'auteur décrit avec une simplicité de ton la violence d'un quotidien silencieux, ses différentes formes, l'isolement qu'elle crée, la solitude dans laquelle chacun est plongé, en dépit des liens qui font croire qu'ils peuvent s'y opposer.
D'une certaine manière, on s'attend à l'issue du récit, ce pressentiment noir s'ancre dans l'esprit du lecteur dès les premières pages. C'est pour cela sans doute que j'ai pensé, en lisant, à la maladroite, à l'échec du système scolaire comme du noyau familial pour aider un enfant qui porte un fardeau trop lourd.

Si j'ai sans doute été moins bouleversée que par Rien ne s'oppose à la nuit, Les loyautés n'en est pas moins un bon roman, dans lequel on a plaisir à retrouver le regard précis et sensible de Delphine de Vigan, qui laisse la voix à ses personnages, mais parvient à tisser talentueusement une tragédie sociale actuelle et redoutable.

Pour vous si...
  • Vous êtes un inconditionnel de Delphine de Vigan
  • Vous n'avez aucune confiance dans les jeunes d'aujourd'hui. D'ailleurs, c'était mieux avant. 

Note finale
3/5
(cool)

vendredi 10 août 2018

Birthday Girl, Haruki Murakami

Petite douceur estivale, cet album de Murakami illustrée par kat Menschik correspondait tout à fait à l’idée que je me faisais de vraies vacances.


Libres pensées...

Le soir de ses vingt ans, une étudiante se retrouve à travailler dans le restaurant italien qui l’emploie habituellement comme serveuse pour remplacer une collègue malade. Ce même jour, le directeur doit être emmené d’urgence à l’hôpital, et lui confie la mission de porter son dîner au propriétaire du restaurant, dans la chambre 604, un homme qu’elle n’a jamais vu, et qui ne reçoit d’ordinaire que le directeur dans ce cadre très formal. A 20h précises, elle se présente devant la porte de la chambre 604. L’homme qu’elle rencontre se montre courtois et attentif, et, sensible aux circonstances particulières de cette soirée, lui propose de faire un vœu, qu’il s’engage à exaucer.

Comme souvent avec Murakami, je me suis sentie déstabilisée par cette lecture, et d’une façon inattendue. La poésie singulière à l'auteur est présente, et fait son oeuvre, presque invisible, et pourtant bien ancrée. Et, comme il lui arrive souvent, ce dernier se décide à un pied de nez déroutant : ce voeu cher au coeur de la jeune fille, le lecteur ne le connaîtra pas.
Nous ne savons ni son nom, ni ce que son coeur désire. Ce qui nous est confié, ce sont quelques bribes de vie, cette soirée d'anniversaire passée à servir des clients, et parmi eux un vieil homme qui, l'espace d'un instant, s'intéresse à elle, lui pose quelques questions, par curiosité.

C'est l'ambiance qui nous envoûte, si bien que le secret que l'on voulait découvrir, par cette habitude de lecteur qui se croit tout permis, qui pense avoir le pouvoir de mettre l'auteur à ses pieds, en l'obligeant à lui dire l'essentiel, cette fois, le secret reste confiné dans la chambre 604, et nous n'en saurons rien.
Agacée, déroutée à la lecture, voilà que, quelques jours après, je trouve à ce procédé littéraire adopté par Murakami un charme infini, une grâce délicate et pudique. Merci Monsieur. 

Pour vous si...
  • Vous acceptez qu'un roman ne soit pas un récit policier, avec déclencheur, développement, résolution, bisous et bonne nuit.
  • L'art de Murakami a tous les droits à vos yeux. 

Note finale
3/5
(cool)

jeudi 9 août 2018

Post scriptum, Alain Claude Sulzer

En 2015, je vous parlais brièvement d'un roman de Alain Claude Sulzer, Un garçon parfait. J'avais gardé un doux souvenir de cette lecture, qui m'a donné envie de lire un autre roman de l'auteur, et mon choix s'est porté sur Post-scriptum


Libres pensées...

En 1933, en Suisse, Walter travaille dans un bureau de poste, et rêve de rencontrer l'acteur Lionel Kupfer, qu'il admire. Aussi, lorsque ce dernier descend en ville et loge dans l'hôtel où travaille sa mère Thérère, Walter met en place un stratagème pour provoquer cette rencontre.
Walter et Lionel deviennent amants, mais alors que Walter porte à Lionel un amour idolâtre, leur romance est brutalement interrompue par l'arrivée d'Eduard, le premier amant de Lionel, qui vient lui annoncer qu'il ne jouera dans le prochain film où on lui avait promis un rôle, parce qu'il est juif. Lionel quittera alors la Suisse pour rejoindre les Etats-Unis.
Des années plus tard, Walter et Lionel se croiseront dans un avion, sans faire mine de se reconnaître.

Je viens de relire le court avis que j'avais rédigé au sujet d'Un garçon parfait, et, étonnamment, je réalise que mon ressenti à la lecture de Post-scriptum est très proche de celui d'alors.

Il y a de très belles choses dans ce texte, qui rendent la lecture vivante : le contexte, tant en termes d'époque que de cadre - Sulzer excelle à peindre cette ambiance faite de luxe à la limite de la décadence, ces manières et ces codes propres au milieu très fermé des nantis, la nonchalence qui se dégage de lieux faits pour l'indolence et l'entre-soi -, les relations et les états d'âmes des personnages, et certains sujets graves, qui sont abordés en filigranes, mais pèsent sur la trame.

Ici, le lecteur touche du doigt d'une part la passion de Walter, un jeune homme entravé par sa condition et son origine sociale, et qui côtoie pourtant un monde dont la porte soudain lui est temporairement ouverte par l'intermédiaire de Lionel, et d'autre part la situation des artistes juifs à la veille de la Deuxième Guerre Mondiale.

L'écriture porte ces sujets avec beaucoup de grâce, en dépit d'une structure qui semble parfois peu maîtrisée et qui, à mon sens, risquera de perdre quelques lecteurs.

Il reste que Sulzer prouve ici encore un art du récit singulier, une voix qui le distingue, et c'est sans doute ce qui est le plus difficile à acquérir, pour un écrivain.


Pour vous si...
  • Vous aussi, si vous existez, votre vie, c'est d'être fan, d'être fan
  • Une protagoniste qui s'appelle Thérère est une raison suffisante pour lire un roman

Note finale
3/5
(intéressant)

mercredi 8 août 2018

Havre nuit, Astrid Manfredi

Pour rappel, nous étions tombés d'accord pour dire que La Petite Barbare était vraiment canon.
Astrid Manfredi a débarqué avec une nouvelle gourmadise.


Libres pensées...

Sur les bancs de la Sorbonne, Laszlo rencontre Alice.
Des années plus tard, Alice est devenue inspectrice de police, et Laszlo meurtrier. Il sème sur les scènes de ses crimes des indices à son intention, qu’elle seule sait lire.

Dès la scène d’ouverture du roman, on retrouve la prose singulière d’Astrid Manfredi, acérée, poétique quand rien d’autre ne semble pouvoir l’être.

Sous sa plume, le désir, la violence, la solitude prennent un étrange visage. L’humanité exsude, ce serait presque de l’empathie que l’on ressent pour Laszlo et Alice voués à se croiser sans jamais pouvoir se regarder vraiment.

Laszlo campe un drôle de Gatsby, incapable d’oublier Alice, déterminé à mettre le monde aux pieds de son amour, d’une bien surprenante façon.

Mais Alice n’est pas Daisy. Comme Laszlo, elle porte les stigmates d’une enfance abîmée, qu’elle a quittée trop vite.

Il y a un fatalisme qui se dégage de ce récit atypique et sensible, où le lecteur se retrouve pris au piège de l’auteur, observant la main meurtrière de Laszlo et espérant pourtant l’espoir d’une rédemption. Les deux protagonistes semblent vaciller entre l’existence, et la chute dans le vide ; des marginaux au cœur à vif, dont il ne reste que la précision et le sang-froid.

L’atmosphère qui règne dans ce court roman imprègne le lecteur, lui propose une expérience troublante, aux confins de la solitude.


Pour vous si...
  • Vous trouvez courageux de situer l'action d'un roman au Havre, et plus encore de le placer dans le titre
  • Vous êtes originaire du Havre et trouvez la remarque ci-dessus absolument injuste et déplacée

Note finale
3/5
(cool)

mardi 7 août 2018

Vie de David Hockney, Catherine Cusset

Mais si, souvenez-vous, je vous ai déjà parlé de Catherine Cusset !


Libres pensées...

Je n'ai certes lu qu'un roman de Catherine Cusset, mais je suis fort fan.
Et en plus, maintenant, avec Vie de David Hockney, ça fait deux.

Pour ce coup-ci, Catherine décide de nimber son récit de mystère dès le choix du titre, qui ne laisse rien présager de ce qui va suivre.
C'est ainsi que, à la surprise générale, son roman retrace le parcours du peintre britannique.
Pour les sinistres ignorants parmi vous, allez vous renseigner par là (en attendant mieux, c'est-à-dire de lire le livre de Catherine Cusset).
Pour les autres, pas la peine de vous la péter, personne n'aime les prétentieux.

Catherine Cusset raconte les origines modestes de l'artiste, son inextinguible soif d'art et sa volonté à toute épreuve pour vivre de sa peinture, le succès rencontré tôt, les affres amoureuses le laissant parfois en manque d'inspiration, le tabou de son homosexualité dans sa famille conservatrice.

J'ai été transportée par ce récit vibrant, qui dépasse la simple biographie de par la perspective apportée à des sujets comme l'homosexualité ou le deuil, ainsi, bien sûr, qu'au sujet de l'art, qui ne quitte jamais le personnage de David Hockney.

L'auteur n'hésite pas à intervenir dans le récit, à s'adresser librement à son lecteur, pour se confier sur son choix d'écrire sur ce peintre qui fascine, ou encore préciser que son travail n'est pas biographique, et qu'elle romance selon son goût, et son interprétation, certains épisodes obscurs de la vie du peintre.

La fraîcheur, l'énergie qui se dégagent du récit contribuent à nourrir l'intérêt du lecteur, qui voudrait en savoir tant et plus sur ce peintre dont il savait si peu, et dont soudain il se sent si proche.
Je n'ai donc qu'un regret : que le roman n'ait pas été plus long...

Pour vous si...
  • Vous vous demandez comment un jeune garçon sans relations, issu des milieux populaires du nord de l'Angleterre peut devenir le peintre que l'on sait.
  • Vous ne vous formalisez pas des libertés prises par un auteur. 

Note finale
4/5
(très cool)

lundi 6 août 2018

24 vues du mont Fuji, par Hokusai, Roger Zelazny

Alors là, mais alors là, je me demande bien ce que je vais pouvoir vous raconter.


Libres pensées...

J'ai le vague souvenir d'une veuve partie crapahuter autour du mont Fuji, pour capturer les vues rendues célèbres par le peintre Hokusaï.
Il y avait aussi une intrigue autour de la mort de son mari, mais c'est trop me demander que de réussir à me remémorer ces détails-là.
Mes excuses à l'auteur, qui mériterait certainement mieux en guise de chronique, je crois qu'à ce stade n'importe quel auteur mériterait mieux, même Michel, ce n'est pas peu dire.

Je vais donc vous parler de tout autre chose : du synospsis sur Babélio, qui semble indiquer que quelqu'un a été profondément outré que la couverture puisse laisser penser que les vues du mont Fuji seraient reproduites dans le roman (je confirme que ce n'était pas le cas) ; de la jeune femme qui a disparu au Japon il y a huit jours et que sa famille espère retrouver saine et sauve, des crevards sur internet qui assènent sans réfléchir des commentaires aussi subtils et pénétrants (comme l'esprit de Rogue) que : "voyager seul, a fortiori quand on est une femme, je comprendrai jamais..." ; de la prochaine fin du monde dont les survivants seront probablement ceux qui l'ont provoquée.

Heureusement, de temps en temps, on tombe sur une raison d'être heureux.

Pour vous si...
  • Pas si vous vous attendez à retrouver des reproductions du mont Fuji par Hokusaï
  • Vous vous demandez bien ce qu'il a pu arriver à cette veuve et à son drôle de projet. 

vendredi 3 août 2018

Ariane, Myriam Leroy

Je n'ai que peu de souvenirs de cette lecture, je vais donc faire de mon mieux. Coquine de mémoire.


Libres pensées...

La narratrice, adolescente, fait la rencontre d'Ariane, collégienne comme elle, et devient son amie. Ariane est belle, sa famille est fortunée, tandis que la narratrice vient d'un milieu petit-bourgeois qui rêve de grandeur et de reconnaissance sociale.
Mais le quotidien des deux jeunes filles semble loin des préoccupations de leurs parents. Leur relation devient fusionnelle, avant de se rompre un beau jour. Alors débutent les affres de l'abandon, les interrogations sans fin, le manque, l'emprise laissée par l'autre, les frontières floues entre réalité et fantasme.

Ariane retrace avec précision les errances adolescentes, la violence et les excès qui régissent des relations éphémères et bancales. Bien entendu, aux prises avec ces intrigues, il est difficile d'avoir ce discernement, c'est pourquoi le sujet est à la fois fascinant et inquiétant. Se peut-il qu'Ariane ait été la démente décrite par la narratrice ? Faut-il plutôt penser que la narratrice n'a pas su faire le deuil de cette amitié absolue, au point de traquer Ariane des années plus tard ?
L'auteur se plaît à maintenir le doute, à l'aviver, si bien que l'on ne sait bientôt plus quoi penser soi-même.

Pour ce jeu autour de la vérité, j'ai été réceptive à cette lecture abordant un sujet pourtant déjà exploré - l'Antéchrista d'Amélie Nothomb en est un bon exemple -, ainsi que pour l'ambiance étrange à laquelle on se laisse prendre. 

Pour vous si...
  • Vous ne vous faites pas d'illusions - les adolescentes sont des garces.
  • Vous êtes un adepte des théories sur l'ère de la post-vérité. 

Note finale
3/5
(cool)

jeudi 2 août 2018

La petite fille sur la banquise, Adélaïde Bon

Le premier roman d'Adélaïde Bon bouscule avant même d'en lire la première page : le synopsis, l'intervention de l'auteur dans la Grande Librairie, on comprend vite qu'il ne va pas être question de la préservation des ours polaires ni d'une sortie avec des chiens de traîneau. Pas facile, en même temps, de trouver un titre poétique quand on s'apprête à raconter un viol.


Libres pensées...

A neuf ans, en rentrant de la fête de l'école, la narratrice est interceptée par un monsieur qui la suit dans la cage d'escalier de son immeuble.
Il lui faudra des décennies pour mettre les mots sur ce qui s'est passé ensuite, pour appeler "viol" ce qui l'a été, affronter ceux qui la suspectent de faire des histoires, d'exagérer.
Grâce à elle, le violeur est identifié et inculpé alors qu'elle est adulte.
Ce roman livre son témoignage.

J'ai souvenir de la douceur de l'écriture, de sa délicatesse, alors que le sujet abordé est absolument grave, et que l'on ressent à chaque ligne le poids de la souffrance personnelle. Il s'agit d'un récit très intime, qui pourrait ressembler à une catharsis : on a par moment l'impression que la narratrice cherche à se libérer d'un poids terrible, à retrouver sa liberté, à confronter ceux qui ne l'ont pas crue, ceux qui ont minimisé les faits, ceux qui l'ont blessée alors qu'elle était déjà profondément meurtrie.
A cet égard, j'ai ressenti parfois comme une volonté de faire justice, un effort éprouvant pour que la voix de l'enfant devenue femme soit entendue.

La narratrice explore le mal identitaire qui semble la ronger depuis des années, et met au coeur du processus de convalescence l'identification du viol, sa qualification, et sa reconnaissance comme telle.

Comme prévu, la lecture chamboule, nous conduit à mettre le doigt sur la façon dont sont traitées les victimes de viol, et donne à voir un exemple de trajectoire brisée par cette violence bien trop répandue. 

Pour vous si...
  • Vous réfléchissez souvent à la meilleure manière de préserver les ours polaires, et les petites filles.
Note finale
3/5

mercredi 1 août 2018

Marina Bellezza, Silvia Avallone

En voilà, une surprise...
Après quelques mois de silence, je reviens joyeusement vous rabattre les oreilles avec mes pseudo-conseils de lecture. Vous pensiez peut-être que j'avais claqué la porte pour me reconvertir dans un domaine plus lucratif - instagrammeuse beauté ou garde du corps d'Emmanuel Macron -, ou que j'avais décidé d'aller faire de la spéléologie en Thaïlande, et je ne vous en veux pas - à votre place, j'en aurais espéré autant.
Hélas, point du tout. Une mission secrète dans le grand nord a eu raison de ma locacité virtuelle, mais toutes les bonnes choses ont une faim, surtout de gnocchis, si bien que je suis de retour, finement décidée à remettre à table !

Notez qu'en plus de me pointer la bouche en coeur avec une explication que même les électeurs de Dupont-Aignan trouveraient suspicieuse, je vais avoir le toupet de vous demander un brin d'indulgence, parce que les prochaines chroniques seront dédiées à des livres que j'ai lus en mars, et que mon souvenir est donc légèrement émoussé.
Ah, j'oubliais : j'espère que tout roule pour vous !

Il y a presque deux ans, je fêtais Halloween en vous parlant d'un roman italien du genre solide, D'acier. Nombre Premier m'avait prêté un deuxième roman de l'auteur, Silvia Avallone, il y a bien trop longtemps, qui dormait sur une des étagères de ma bibliothèque. Partons donc à la rencontre de Marina Bellezza.


Libres pensées...

Il y a plusieurs années, Marina et Andrea se sont aimés follement ; elle était adolescente, il avait quelques années de plus. Lorsqu'ils se recroisent, l'eau a coulé sous les ponts : Marina a vingt-deux ans, et elle est sur le point de devenir une chanteuse connue, une pop star. Andrea vit toujours dans l'ombre de son frère, qui est parti vivre à Tucson aux Etats-Unis et est sur le point de devenir papa. Alors que leurs chemins sont absolument divergents, ils retombent dans les bras l'un de l'autre.

Silvia Avallone sait comment tenir son lecteur à la culotte, comment l'appâter avec un synopsis générique pour finalement le prendre dans son filet et ne plus le lâcher.
Comme dans D'Acier, cela passe avant tout par un milieu : on sait de Marina et d'Andrea leur extraction sociale, elle issue de la classe populaire, lui d'une famille aisée. On se sent à l'étroit dans le quotidien de Marina qui rêve de reconnaissance, qui voudrait être aimée de tous sans exception, et l'on se sent mal à l'aise au milieu des proches d'Andrea, qu'il semble ne pouvoir que décevoir.

Comme toute romance qui se respecte, nos protagonistes sont fort différents, mais Cupidon s'en fout, si bien que leur attraction réciproque revient sans cesse se mettre en travers de leur chemin.
Car si tous deux voudraient concrétiser leurs espoirs d'enfant, ces espoirs sont fort peu compatibles, et posent la question du renoncement, et des choix qui font de nous les adultes que nous devenons.

J'ai le souvenir d'une lecture agréable, de personnages entiers, emportés par leurs humeurs et leurs émotions, de l'énergie qui se trouvait déjà dans D'Acier, combiné à une peinture sociale acérée.
Mon enthousiasme a sans doute été moindre qu'à la découverte du précédent ouvrage de l'auteur, mais Marina Bellezza reste cependant une lecture intéressante.


Pour vous si...
  • Vous avez un faible pour les configurations romantiques de type Roméo et Juliette, quels que soient l'époque et le cadre.
  • Vous vous êtes longtemps imaginé remporter Graines de Star. Si vos parents vous avaient laissé participer, il ne fait pas un pli que vous auriez connu la carrière d'Alizée, et brunché le dimanche avec Mylène. 
Morceaux choisis

"Il y a des moments où tu ne penses rien, tu ne comprends rien et tu n'es personne.
Il y a des moments, à vingt-sept ans, où tu ne connais qu'une seule chose, la plus importante, la plus vraie de toutes. La peur."

"Elle remporterait Cenerentola Rock, dans trois mois, une autre vie. Mais dans celle-ci, qui puait la fumée et l'alcool, elle était seule comme un chien, épuisée et perdue."

"Pourquoi les choses auraient-elles dû mal tourner ?
Parce que ce n'est pas si simple. Et que la vie n'est pas en notre pouvoir.
Et surtout parce que les fautes des autres, et des parents, retombent toujours sur les enfants."

Note finale
3/5
(cool)