mercredi 21 octobre 2015

La petite barbare, Astrid Manfredi

Le premier roman d'Astrid Manfredi s'est retrouvé presque par hasard entre mes mains.
Impossible, une fois ouvert, de m'en détacher.
Laissez-moi vous raconter.


Le synopsis

La petite barbare, c'est la protagoniste, une jeune fille qui, à 22 ans, raconte son parcours et ce qui l'a menée là où elle est, en prison, alors qu'elle devrait être en train de boire du champagne et de séduire des hommes. Elle nous dit son enfance, son père avachi sur le canapé, un ancien anarchiste qui a fait sienne la stratégie de l'inertie, sa mère qui était belle et qui s'est laissé bercer d'illusions, les regards des garçons avec les débuts de l'adolescence qui annonce la convoitise des hommes, la prise de conscience de ce pouvoir dont elle est maîtresse, pour une fois, elle dit sa rage, ses envies, ses goûts, ses dégoûts, l'humiliation, l'ambition, les rêves peut-être aussi, cette haine des bourges, de tous ceux qui lui rappellent qu'elle est née au mauvais endroit, et qu'elle y restera toujours, comme sa mère, comme les autres, alors qu'elle ne veut pas être comme les autres. Elle ne dissimule pas, elle dit la violence extrême qui l'a conduite là. Et puis, aussi, peu à peu, les livres, sa seule liberté.


Mon avis

Dès la première ligne, dès le premier mot, La petite barbare m'a immergée dans un monde qui existe, le nôtre, la France et ses laissés-pour-compte, ceux que l'on taxe de toutes sortes de quolibets plus ou moins haineux, plus ou moins chargés de pitié et de condescendance.
L'horreur se pressent dès les premières pages, que le titre laissait entendre, mais celle que la narratrice nous raconte est toute aussi réelle, la violence qu'elle a eue sous les yeux toute sa vie durant, qui l'aurait presque anesthésiée, endormie, dernier recours pour survivre et continuer.
Le style est d'une vitalité folle, il y a un rythme qui prend, emporte, exalte. Le bling-bling qui fait pétiller la petite barbare palpite entre les lignes, son vocabulaire gifle et danse, elle a beau avoir fait n'importe quoi, elle n'est pas n'importe qui.
Au tournant, bien sûr, on retrouve des personnages écorchés eux aussi, mais qui se gardent bien de le laisser paraître : la figure d'Esba est troublante, grand-frère, ami, proxénète, il destabilise toute tentative de discours bien-pensant, de sentance un peu rapide.
Ce roman n'est pas un plaidoyer, il n'a rien d'un essai, ou d'un documentaire, en dépit du sujet qu'il porte.
Ce sont des bouts de vie, une plongée dans la tête d'un personnage qui a tout d'une personne réelle, ses paradoxes et ses pulsions. Fascinant.

Pour vous si...
  • Vous aimez dans la lecture la vérité nue, la vérité crue
  • Vous aimez l'écriture vive, qui gigote toute seule et qui ne vous lâche pas
  • Vous en avez assez des histoires sans saveur qui se ressemblent toutes. La petite barbare pourrait bien vous plonger dans un bac d'acide.

Morceaux choisis

"J'ai huit ans. Le temps passe comme le jambon dans la trancheuse du charcutier. On a huit tranches et on n'a rien remarqué. Drôle de métier."

"Je sais déjà que tout s'achète. De la machine à laver jusqu'au désir. Le désir, un beau mot, ça claque. Comme la jalousie de la mère sur ma joue."

"Oui, voilà ce que nous sommes, de grands fauves qui se gavent d'ultraviolence pour encaisser l'ineptie d'un monde fabriqué sans notre avis."

"Rien que des gosses enragés nés au mauvais endroit qui ont tiré la carte du religieux comme alibi de leur misère et ont tout mélangé dans le mixeur de la haine. Mauvais casting."

"Je veux du champagne et de l'amour". (Est-ce qu'on n'en est pas toutes là? ;) )

"Il n'est pas si méchant, il a de la peine, n'aime pas sa vie et me raconte ça, à moi, kidnappée par l'Etat pour payer ma dette. Je ne suis même pas sûre qu'il aime ses enfants, qui sont arrivés les uns à la suite des autres parce que ça se fait d'avoir une famille pour la photo. Les boules, non?"

"Elles sont tendres, avec leurs cheveux gras, leurs culs avachis et leurs  illusions de gamines. C'est ce qu'elles sont, c'est pour ça qu'on les a bouclées à double tour : des gamines. A elles les hommes ont tout fait, sauf l'essentiel."


Note finale
5/5
(coup de coeur)

1 commentaire:

  1. Ton descriptif me fait un peu penser au coup de poing Pour en finir avec Eddy Bellegueule... Un premier roman qui fait mal, dans un Nord apocalyptique de haine et de médiocrité. Je m'en vais donc lire ce livre à grands pas :)

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