lundi 15 octobre 2018

La révolte, Clara Dupont-Monod

Clara Dupont-Monod est journaliste et écrivain. Dans son dernier roman, La révolte, elle revient sur le personnage d'Aliénor d'Aquitaine, qui faisait déjà l'objet de son précédent roman, Le roi disait que j'étais diable, que je n'ai pas eu le plaisir de lire mais auquel je risque de m'atteler très bientôt. 


Libres pensées...

Richard Coeur de Lion fait le récit de sa mère, Aliénor d'Aquitaine, reine de France puis d'Angleterre, mariée à Louis VII dont elle se détourna et obtint le divorce, avant de se remarier à Henri II de Plantagenêt, futur roi d'Angleterre.
Elle lui donna huit enfants.
Mais le roi entendait régner seul, et fit preuve de peu d'égard envers l'Aquitaine, la terre de sa femme, où il se fit des ennemis.
Négligeant ses trois premiers fils, adorant le dernier, Jean, Henri II fut un guerrier écrasant tout sur son passage.
Et puis, un jour, Aliénor ordonne à ses fils de renverser leur père. C'est le point de départ du roman, avant que l'histoire entière ne se déroule, depuis le mariage d'Aliénor et Henri II jusqu'à ce soulèvement, qui donnera lieu à l'emprisonnement d'Aliénor pendant quinze ans, une peine qui ne suffira pas à la soumettre.
Des années plus tard, Richard vient à bout de son père et devient roi. Mais, bien sûr, là n'est pas le fin mot de l'histoire...

Je me suis complètement laissé aspirer par le récit des aventures d'Aliénor d'Aquitaine et de Richard Coeur de Lion.
Les débuts m'ont peut-être fait douter un poil, la narration au présent, depuis le point de vue de Richard, dans une langue très simple, des phrases courtes et neutres, cela m'a un peu déstabilisée. Et puis, peu à peu, l'Histoire prend le pas, les forces en présence sont esquissées, et l'on comprend les enjeux de pouvoir qui mobilisent Aliénor, son mari et ses descendants.

La relation entre Richard et les différents protagonistes sont tour à tour évoquées, parfois au moyen d'apostrophes qui lui sont adressées dans une lettre fictive par exemple, par son père, sa mère, son frère, sa promise Aélis... Approche qui permet de constituer peu à peu la galérie des personnages qui peuplent ce récit épique, et de leur donner la parole, un instant au moins.

Mais le roman est davantage celui d'Aliénor d'Aquitaine que celui de son fils, Richard Coeur de Lion. On devine la fascination que ressent l'auteur pour cette figure historique, fascination qu'elle nous transmet peu à peu à travers le récit de son courage, de ses ambitions, de son inflexibilité.

Ainsi, La révolte est un livre à dévorer pour raviver ses souvenirs de cours d'histoire, et remettre en pièce les pièces du puzzle, mais aussi pour son écriture fluide, abordable, et pour les anecdotes historiques rapportées çà et là, qui contribuent à peindre un tableau de cette époque lointaine, qu'il peut, au premier abord, être difficile de se représenter.

Amoureux des romans historiques avec une touche romanesque, n'attendez pas, La révolte vous tend les bras !

Pour vous si...
  • Vous reconnaissez les noms de certains personnages de Robin des Bois (Richard Coeur de Lion et son frère Jean), et ça vous donne envie de savoir ce qu'ils ont fait d'autre que de respectivement se barrer en croisade et piller le pauvre peuple de Sherwood
  • Vous avez visité l'abbaye de Fontevraud et avez même dessiné les noms d'anarchistes bien connus pour les projeter sur les murs de l'édifice

Morceaux choisis

"Que le Plantagenêt couche avec d'autres, elle n'en a cure. Elle-même ne s'interdit rien. Mais aimer, c'est autre chose. Elle croit profondément en l'honneur, la loyauté, la parole donnée. Ils valent plus que la vie. Je m'oblige à voir son exigence comme un mur épais qui protège ces hautes notions. Les grands rêveurs sont les êtres les plus durs que je connaisse."

"Barberousse met pied à terre. Il a soif. Il se sent faible. Il entre dans l'eau. Il est surpris par le courant. Des mains froides frappent à l'arrière de ses genoux. Il tombe. Le courant pèse sur sa nuque, l'entraîne au fond. Se débattre ne sert à rien. Le poids de l'armure achève le travail. C'est fini."

Note finale
4/5
(très cool)

vendredi 12 octobre 2018

Le club des pauvres types, Jonathan Curiel

Et voilà, j'attaque les archives ! Un roman prêté par Nombre Premier il y a plus de deux ans, et que j'ai honteusement laissé attendre dans ma bibliothèque au lieu de lui restituer après un délai raisonnable, disons, deux à trois mois. Il était franchement temps de m'attaquer au Club des pauvres types


Libres pensées...

Paul vient d'emménager avec Claire. Après quatre ans de relation, il lui était devenu impossible de repousser encore l'échéance. Rapidement, il réalise l'erreur commise, la place prise par Claire, physique ou symbolique, qui voudrait même s'arroger le droit de choisir la déco et de virer ses meubles. Autour d'eux, des couples qu'ils regardent en coin, qui se marient, ont des enfants, et renforcent la pression exercée sur notre malheureux Paul. A la faveur d'une soirée entre "conjoints", les hommes décident de se liguer pour résister à la gente féminine, à son despotisme et aux injonctions sociales dont ils ne peuvent plus : ils fondent le Club des pauvres types, dont l'ambition est de se serrer les coudes entre hommes pour soutenir les plus faibles psychologiquement, et repousser les assauts de leurs compagnes voraces.

On peut sourire du synopsis, et d'ailleurs, la lecture du roman invite très souvent au sourire, au moyen de situations cocasses, et surtout d'une plume décomplexée, qui se plaît à utiliser un jargon très administratif appliqué aux situations de la vie conjugale courante, créant un décalage amusant.

On peut aussi sourire des similitudes que l'on peut trouver entre ce que vivent Paul, Claire et leurs amis, et ce que l'on peut vivre lorsque l'on passe la trentaine et que l'on est issu des classes moyennes d'un pays comme la France.

Pourtant, je dois bien dire que cette lecture n'a pas fait que me faire sourire. Au-delà de la satire sociale, elle m'a naturellement porté à m'interroger sur la part de "vrai" dans ce qui est relaté : faut-il voir les hommes comme des victimes de la pression sociale et de la pression féminine, des êtres voués à renoncer à leur bonheur (qui est rapidement incarné par la possibilité du couple, combiné à un quotidien d'adolescent mal dégrossi vivant dans un taudis et multipliant en parallèle les conquêtes charnelles sans conséquences) pour celui de leur conjointe (rapidement incarné par l'emménagement / demande en mariage romantique au restaurant avec une bague dans une flûte à champagne / mariage dans un cadre bucolique et cependant raffiné / mise en route d'un bébé puis d'un autre), et de la société qui les supplie d'y accéder ?
Est-ce que l'homme qui a déçu sa compagne n'a pour seul moyen de la "récupérer" (comme on récupère un aspirateur cassé qu'on a un peu trop vite mis en vente sur le bon coin et qu'on regrette éperdument) que de lui concéder la demander en mariage en lui promettant de l'engrosser ? Est-ce que ce n'est pas censé être une décision qui se prend à deux de plein gré et qui s'assume, plutôt qu'une monnaie d'échange ?

D'une certaine manière, le récit fait des pérégrinations d'un trentenaire peu stimulé par le schéma social classique est sinistre.
En le lisant, la colère couvait en moi, envers l'un et l'autre des protagonistes, et je n'avais envie d'être ni Paul ni Claire, aucun n'avait gain de cause, ils m'apparaissaient tous deux comme des gamins capricieux ayant la maturité d'un bouchon de liège, insoutenablement auto-centrés et puérils (Paul en particulier, il faut bien le dire, car c'est lui dont on suit plus précisément les tribulations).

Alors, l'idée d'un club des pauvres types, ou des pauvres nanas, on ne peut que la prendre au deuxième degré et la trouver drôle, révélatrice des questionnements que l'on se pose à trente ans quand on n'a vraiment aucun problème dans sa vie.

Sinon, on peut aussi se dire que, si c'est ce qui représente l'état actuel de notre civilisation, et bien pourquoi ne pas s'organiser pour s'éteindre au plus vite, parce que perpétuer une espèce qui en arrive à ce genre de comportements fuyants et égoïstes, je vous avoue que c'est au-delà de mes forces.

Pour vous si...
  • Vous aimez rire du milieu petit-bourgeois parisien dont vous êtes un digne représentant, sans trop réfléchir à ce qu'il y a derrière
  • Vous aimez secrètement les récits de vie qui vous semblent affligeantes
Note finale
2/5

jeudi 11 octobre 2018

Debout-payé, Gauz

Je vous parlais il y a quelques jours d'un réjouissant nouveau club lecture entre copines dans le cadre duquel j'ai pu lire Les amnésiques, et dont le deuxième livre du mois est Debout-payé, écrit par Gauz, photographe, scénariste et directeur d'un journal en Côte d'Ivoire. 


Libres pensées...

Debout-payé raconte le quotidien des hommes exerçant en tant que vigiles. Ils sont le plus souvent immigrés, noirs, disposant de peu de ressources, et le métier de vigile est l'un de ceux qui leur ouvre les bras. Dans les grandes surfaces comme dans les petites boutiques parisiennes, ils sont payés pour passer la journée debout, doivent traquer les vols et l'ennui, et n'ont guère de perspectives d'amélioration de ce quotidien répétitif et morne. Certains, comme Ossiri, étudiant ivoirien sans papiers, sont arrivés là en suivant le mirage d'une vie meilleure, où ils pourraient devenir quelqu'un, gagner de l'argent et subvenir aux besoins de leur famille restée au pays. Arrivés en France, ils s'entassent dans des logements insalubres, se contentent de petits boulots quand ils en trouvent, voient leurs espoirs s'éteindre, alors qu'ils côtoient, depuis la boutique Camaïeu de Bastille jusqu'au Sephora ou au Virgin Megastore des Champs-Elysées, une certaine image luxueuse de la France.

La forme du roman est inattendue : après avoir assisté à l'entretien de recrutement de nouveaux vigiles, l'auteur nous propose un florilège des moments du quotidien d'un vigile : des bribes d'une conversation entendue chez Camaïeu, une ébauche de typologie des clients, la radio qui défile en boucle, toutes sortes de petites choses qui distraient le vigile, qui s'accumulent et forment sa journée que menace un ennui cuisant.

Puis, on fait la rencontre de Ferdinand, et d'Ossiri, tout juste arrivé de Côte d'Ivoire, qui trouve un poste de vigile aux Grands Moulins de Paris, et croise la route de Kassoum.
De nouveau, l'auteur nous plonge dans des petits paragraphes qui constituent ensemble la mosaïque de l'expérience de vigile, cette fois dans le magasin Sephora des Champs-Elysées.

Le récit de Gauz rejoint ceux qui donne à voir la cohorte des invisibles, ceux auxquels on ne donne pas la parole, les oubliés de la représentation sur l'espace public. Nous avons tous déjà croisé le chemin d'un vigile, intériorisé qu'il s'agissait fréquemment d'hommes noirs, sans doute immigrés, sans vraiment nous arrêter à leur sort, sans nous demander comment l'on peut faire, pour rester debout toute une journée, engoncé souvent dans un costume, à tâcher de devancer les combines des voleurs en cabine ou en rayon, à se fondre dans un décor sans âme, à attendre la fin de la journée et la fin du mois.

Le ton employé par l'auteur est satirique, créant un drôle de sentiment parfois à la lecture, dans la mesure où il serait facile, au contraire, d'adopter un ton grave pour relater certains pans du parcours des hommes dont on suit l'histoire. Cette approche présente cependant l'intérêt de rendre tangible cette réalité, de montrer comment se traduit le métier de vigile, à travers ces mille petites choses qui occupent l'esprit un instant, qui reflètent l'habitude de la façon dont s'organisent les magasins où travaille le vigile. D'une certaine façon, elle crée une proximité entre le lecteur et les protagonistes, car l'on reconnaît des mécanismes, des réflexes de pensée communs, ainsi le vigile prend corps devant le lecteur qui n'a peut-être jamais vraiment fait attention à lui, dans la vie réelle.

Debout-payé est un récit à la fois mordant et sensible, une satire sociale qui révèle le sort de ceux qui sont là sans qu'on ne les voie vraiment, de ceux qui n'apparaissent jamais en héros, et pour lesquels il n'existe guère de perspectives de changement. Derrière ses airs humoristiques, c'est une peinture de l'injustice sociale dans un pays qui se targue d'être celui de la méritocratie.


Pour vous si...
  • Vous vous demandez ce qu'il y a à dire sur les vigiles
  • Vous n'êtes pas un grand fan d'Anna Gavalda

Morceaux choisis

"Entrés chômeurs dans ces bureaux, tous ressortiront vigiles. Ceux qui ont déjà une expérience du métier savent ce qui les attend les prochains jours : rester debout toute la journée dans un magasin, répéter cet ennuyeux exploit de l'ennui, tous les jours, jusqu'à être payé à la fin du mois. Debout-payé. Et ce n'est pas aussi facile que ça en a l'air."

"Le vigile est toujours à la recherche d'une épithète pour qualifier le mélange d'odeurs que donne un pet nauséabond lâché dans le rayon des parfums pour femmes."

"Sur les Champs-Elysées, le Virgin Megastore [RIP] se trouve au-dessus du Monoprix. Le plafond des surgelés est le plancher du rayon des livres. Le filet de cabillaud surgelé d'Alaska prédécoupé Queens Oceans, juste en-dessous d'un Anna Gavalda : rencontre des fadeurs."

"Dans les milliers de films d'action et de séries B réalisés depuis L'Arrivée d'un train en gare de la Ciotat, aucun vigile n'a jamais été un héros. Au contraire, ce sont eux qui meurent très vite et de façon anodine dans les plans d'attaque que monte le héros pour arriver à la grande bataille contre le méchant dans la scène finale.
Dans le Scarface de Brian DePalma, la scène finale l'attaque de la maison de Tony Montana, est un parfait exemple de massacre de vigiles au cinéma."


Note finale
3/5
(édifiant)

mercredi 10 octobre 2018

Une mère modèle, Pierre Linhart

Une mère modèle est le dernier premier roman de la session de début d'année des 68 premières fois, reçu cet été, et qui m'attendait gentiment dans ma bibliothèque.
L'auteur, Pierre Linhart, est scénariste et réalisateur. 


Libres pensées...

Florence est répétitrice de chant. Son conjoint, William, est professeur de littérature, et vit six mois par an aux Etats-Unis. Pendant cette période, elle s'occupe seule de leur fils Joachim, avec lequel elle entretient une relation complexe. Le jour où Joachim rencontre Moussa, qui devient son ami, Florence projette sur cet enfant de 10 ans une foule de sentiments qu'elle n'a pu projeter sur son fils, entreprend de lui apprendre le piano, de lui faire des présents, sous l'oeil accusateur de son fils, et bientôt de William.

Drôle d'histoire que celle d'Une mère modèle !

Le récit s'ouvre sur une famille confrontée à un choix - quitter Paris pour s'installer à New York, ou garder une vie partagée entre les deux continents -, mais qui semble tout avoir pour être heureuse, et à mesure que les pages se tournent, elle apparaît de plus en plus fragile, de guingois.

L'intrigue est vécue depuis le point de vue de Florence en particulier, qui s'interroge, se sent seule, a des élans envers Moussa qu'elle analyse après-coup, elle devine cette envie de le sauver, son incompréhension du caractère capricieux et gâté de son fils, elle peut démontrer par moment une certaine clairvoyance à l'égard de la situation et de ses propres actes.

Mais elle agit aussi inconsidérément : s'engage dans un adultère alors qu'elle donne l'impression d'être très amoureuse de son mari, réagit parfois vivement, a des mots durs envers son fils...

On devine rapidement la double personnalité de cette protagoniste déchirée par la voix intérieure qui la pousse à compromettre ce qui constitue son équilibre.

Face à elle, deux petits garçons avec leurs propres maux, leurs propres égoïsmes et leurs propres besoins d'amour et d'attention, qu'il s'agisse de Joachim, sur lequel Florence pose un regard défiant, ou Moussa, auquel elle donne raison d'instinct.

Le lecteur peut être dérouté par cette histoire atypique, d'une mère qui se défie de son propre enfant, qui lui en préfère un autre, et qui est consciente de l'injustice de la situation, qui fait sa propre introspection et se condamne la première.

En arrière-plan, la dislocation d'une famille actuelle où chaque membre est en proie aux affres de l'éloignement et de la solitude. Ce roman m'a laissé de l'amertume, comme un goût de tristesse qui ne s'explique pas.


Pour vous si...
  • Vous vous demandez bien qui a décidé qu'il fallait aimer ses enfants, et les préférer aux autres
  • Vous seriez du genre à laisser sa chance à Michel

Note finale
3/5
(cool)

mardi 9 octobre 2018

Quand Dieu boxait en amateur, Guy Boley

Guy Boley a eu le privilège d'intégrer la sélection d'automne des 68, alors que son livre est un deuxième roman, après le foudroyant Fils du feu qui m'avait époustouflée. Tant mieux, car les règles sont aussi faites pour être contournées quelquefois (sauf celles du code de la route, on ne plaisante pas avec ça). 


Libres pensées...

Le narrateur nous raconte son père, né et mort à la même adresse, à quelques étages d'écart. Il raconte l'enfance de cet homme, son amitié avec un autre enfant très différent, mais que l'intérêt pour la lecture avait réunis un temps, le premier étant passionné par la boxe, l'autre se découvrant sur le tard une vocation et entrant dans les ordres.
Le récit se centre autour d'un épisode particulier, lorsque l'abbé propose au boxeur de participer à l'adaptation d'une pièce de théâtre religieuse.

Le roman de Guy Boley déborde de tendresse, de jolis mots et compose une peinture du milieu rural susceptible de créer un sentiment de nostalgie à l'égard d'une période proche, et pourtant révolue (ce que je considère toujours avec vigilance, en tant que farouche détractrice du "c'était mieux avant").

Et puis, bien sûr, il y a la plume de Guy Boley, qui est d'une délicatesse absolue. Dans Fils du feu, les mots fusaient, crépitaient de toutes parts, c'était un spectacle éblouissant, un feu d'artifice, un travail de forge sous nos yeux. Quand Dieu boxait en amateur a sans doute plus de réserve, de retenue, il n'y a pas la même exubérance et la même fougue jouant des mots, on y trouve une prose plus paisible, qui prête à sourire, qui berce. J'ai goûté cette écriture moins luxuriante, au cachet plus bucolique, plus discret, même si, in fine, elle n'a pas provoqué chez moi la même émotion que celle de Fils du feu, qui m'avait profondément marquée.

Quand Dieu boxait en amateur est un texte plus mesuré, l'auteur y joue du langage avec de l'entrain, bien entendu, mais les images qu'on y trouve sont moins  grandioses, à mon sens. Mais il coule, il est très agréable, ouvre une page de passé où il fait bon vivre, et l'on s'y plaît. Et, surtout, l'amour du père porte le roman avec douceur et sensibilité.


Pour vous si...
  • Vous êtes amateur de textes poétiques
  • Vous vous demandez comment conjuguer boxe, théâtre et religion

Morceau choisi

"Il faut que les gens meurent pour que leur linceul devienne ce palimpseste où leur vie fut écrite avec eur destinée, et non avec celle qu'on leur avait, de leur vivant, forgée."


Note finale
3/5
(cool)

lundi 8 octobre 2018

L'homme de la montagne, Joyce Maynard

Je ne vous présente plus Joyce Maynard (sisi, souvenez-vous, Baby love, Un long weekend...), dont Nombre Premier a eu la gentillesse de me prêter un des derniers petits. Direction la montagne californienne !


Libres pensées...

Californie du Nord, 1979. Rachel et sa soeur Patty passent l'été à baguenauder dans la montagne à côté de laquelle elles habitent avec leur mère, lorsqu'un tueur en série assassine plusieurs jeunes femmes dans la dite montagne.
Leur père, Anthony Torricelli, est inspecteur de police, et chargé d'arrêter le coupable. Mais les mois passent, les meurtres se poursuivent, la police s'éreinte sans piste, et Rachel bascule dans l'adolescence, qui sera à toujours marquée par la menace de ce tueur.

L'homme de la montagne est un étrange roman. Joyce Maynard s'y adonne à un exercice très différent de ce à quoi elle nous avait habitué, révélant une nouvelle facette de son art, à travers ce récit inspiré de faits réels, dans lequel on observe à la fois la transformation adolescente et une intrigue policière qui ne suit guère les codes du genre.

Il faut dire que l'intrigue est suivie depuis les yeux de la narratrice, Rachel, qui admet être souvent plus préoccupée par l'avènement de sa vie sociale - être la fille de l'inspecteur chargé de l'enquête lui confère une aura dont elle profite avidement -, ses premiers émois amoureux, ses relations avec sa soeur Patty qu'elle délaisse au profit de ses "nouveaux amis" désireux d'approcher l'enquête par son intermédiaire, que par les mises en garde que lui adresse son père, qui connaît le goût de ses filles pour les errances dans la montagne et redoute qu'elles ne deviennent des proies à leur tour.

Ainsi, on ne sent pas vraiment comme dans un polar classique, bien que les ingrédients soient réunis, car le rythme est souvent moins soutenu, suivant les tribulations de Rachel plus que les faits d'armes du tueur en série.

Il faut atteindre la fin du roman pour que la dimension "polar" prenne le pas sur le roman plus sociologique et intime mené par Rachel.
L'homme de la montagne est en conclusion un roman que l'on lit sans peine, qui déroute car il a deux visages, mais qui est l'occasion pour Joyce Maynard de s'aventurer dans un nouveau registre et d'y apporter sa touche très particulière.


Pour vous si...
  • Vous avez toujours rêvé de vous faire mousser en inventant des détails sordides sur des faits divers à vos camarades de collège
  • Vous accordez de l'importance aux détails, et aux lacets, en particulier. 

Note finale
3/5
(cool)

vendredi 5 octobre 2018

Les amnésiques, Géraldine Schwarz

Attention, nouveau club de lecture à l'horizon, ô joie, et les deux premiers livres retenus sont Les Amnésiques de Géraldine Schwarz, dont je vous parle aujourd'hui, et Debout-payé, de Gauz ! 
Géraldine Schwarz est une journaliste franco-allemande, qui vit aujourd'hui à Berlin. D'après mes rapides recherches, il semblerait que Les Amnésiques soit son premier ouvrage. 



Libres pensées...

Dans les années 1930, le grand-père de l'auteur rachète un commerce à une famille juive, qui, lors de la guerre, sera déportée et mourra à Auschwitz. A la fin de la guerre, un héritier survivant, étant parvenu à rejoindre les Etats-Unis, demandera réparation.
C'est le point de départ de l'enquête menée par Géraldine Schwarz autour des conditions de consolidation du régime nazi avant et pendant la guerre, qu'elle attribue aux Mitlaufer, le peuple qui a "marché avec le courant".

La lecture des Amnésiques a été violente et salutaire. En clair, j'ai pris baffe sur baffe. A terre, mon petit ego qui croyait bien connaître les dessous de la Seconde Guerre Mondiale, depuis sa fomentation jusqu'à son issue en 1945, et à ses conséquences. Dès les vingt premières pages, Géraldine Schwarz nous annonce la couleur : son livre n'est pas un n-ième livre sur la guerre, il est un plaidoyer pour la vérité sans concession, et pour la poursuite d'un travail de mémoire qui n'a rien eu d'aisé, et ne s'est mis en place que timidement, des décennies après la fin de la guerre.

Si le cas anecdotique de son grand-père est passé au crible, là aussi sans concession, l'oeuvre est loin de se résumer à cela.

On y trouve des passages frappants sur la dénazification manquée mettant en cause les Alliés eux-mêmes.

Sur la partialité des condamnations qualifiées de crimes contre l'humanité, qui n'ont considéré que les crimes commis par les forces de l'Axe, et qui n'ont concerné qu'une poignée de ceux qui étaient par exemple impliqués dans le génocide juif.

Sur le déni dans lequel a vécu le peuple allemand dans les années d'après-guerre, entretenant une nostalgie de la chute du Führer, et sur le maintien dans des postes de pouvoir de très nombreux anciens nazis qui n'avaient pas été inquiétés.

Sur l'aveuglement de nombreux pays désireux de construire rapidement un mythe, comme le mythe résistencialiste en France, répandu dans les ouvrages scolaires, et qui n'a été érodé qu'à la parution de l'ouvrage de Paxton en 1972, La France de Vichy, révélant que seuls 2% des Français avaient été résistants.

Sur l'amnisie des capitaines d'industrie allemands avec lesquels les Alliés en particulier étaient désireux de commercer à l'aube de la guerre froide (ceux officiant dans l'armement en particulier), dont les noms, pour certains, ont également été mis à jour par l'enquête menée par Vuillard, l'Ordre du jour.

Sur le rejet par la communauté internationale des juifs cherchant à fuir l'Allemagne, peu avant le début de la guerre, rappelant le sort fait aujourd'hui aux migrants dont les vies sont ballotées d'un bout à l'autre de la Méditerranée, et auxquels des puissances mondiales refusent de venir en aide.

Ces analyses, fondées sur une documentation vaste, sont entrecoupées par la reconstitution de l'histoire familiale de Géraldine Schwarz, disséquant les différents comportements provoqués par la demande de réparation adressée au grand-père, lequel oppose un total déni à cette demande, ou encore par la reconstruction et le difficile travail de mémoire dans l'Allemagne d'après-guerre.

La matière produite est riche, elle alerte sur le glissement dans lequel les démocraties peuvent sombrer, à la faveur de l'immobilisme, de la passivité des foules, qui se contentent de marcher avec le courant, de se conformer à la loi du moment, de ne pas réagir aux atteintes aux libertés fondamentales.
La lecture est glaçante, parce qu'elle évoque une lâcheté collective, une impunité insoutenable, mais aussi parce qu'on devine les contours de mouvements, de faits qui couvent de nouveau aujourd'hui, auxquels nous assistons silencieusement : la montée de l'extrême-droite, en Italie, au Brésil à présent, dans de nombreux pays où ces mouvances se rapprochent de l'exercice du pouvoir, et l'indifférence face aux misères humaines, à l'égard des migrants en provenance de zones où les pays occidentaux sont régulièrement accusés de faire du commerce d'armes.

Les amnésiques est un livre courageux, documenté, rationnel, qui nous met, tous citoyens européens (voire même au-delà des frontières de l'Europe), face à nos responsabilités. C'est un livre qui devrait se trouver entre toutes les mains.


Pour vous si...
  • Vous vous dites que l'Histoire du XXe siècle, c'est de l'histoire ancienne, et qu'il n'y a pas d'écho à trouver avec l'actualité.
  • Vous êtes sensible à l'importance du travail de mémoire, et à la façon dont il a été mené dans les différents pays d'Europe. 

Morceaux choisis

"Mais au lendemain de la guerre, personne ou presque en Allemagne ne se posait la question de savoir ce qu'il serait advenu si la majorité n'avait pas marché avec le courant, mais contre une politique qui avait révélé assez tôt son intention de piétiner la dignité humaine comme on écrase un cafard. Avoir marché avec le courant comme Opa, mon grand-père, était tellement répandu que la banalité était devenue une circonstance atténuante de ce mal, y compris aux yeux des forces alliées qui s'étaient mis en tête de dénazifier l'Allemagne."

"J'imagine ces représentants de la "communauté internationale", aux mines contrariées et faussement navrées, prendre des rafraîchissements entre deux discours de convenance à l'ombre de l'élégante pergola de cet hôtel où Marcel Proust, fils d'une juive alsacienne, dreyfusard convaincu, avait écrit des passages de La Recherche, un chef-d'oeuvre littéraire qui faisait la fierté de la France. La future ministre israélienne Golda Meir, qui avait été invitée à Evian en tant "qu'observatrice juive de Palestine" écrira plus tard : "Etre assise dans cette salle magnifique et entendre comment ces responsables de 32 Etats expliquaient l'un après l'autre à quel point ils aimeraient accueillir des réfugiés mais qu'ils étaient terriblement désolés de dire que c'était impossible... fut une expérience traumatisante." " (L'auteur précise que l'on parlait alors d'environ 20 000 personnes à accueillir par pays)

"La préoccupation n'était pas de savoir quels crimes le Reich avait commis, mais pourquoi il avait perdu la guerre, c'est cela qui traumatisait les gens, dit-il. Ils se disputaient pour savoir laquelle des décisions prises par Hitler avait été la mauvaise, comme s'ils pouvaient, rétroactivement, changer le cours de l'Histoire."

"Mais ces moqueries demeuraient bien inoffensives comparées à la suspicion [dans les années quatre-vingt] assez répandue en France que derrière chaque Allemand se cachait un nazi potentiel, ou du moins une espèce de robot obéissant mécaniquement aux ordres, exempt de sentiments et incapable de rébellion envers la hiérarchie, une conception qui avait l'avantage d'expliquer un succès économique qu'on jalousait secrètement."


Note finale
5/5
(coup de coeur)

jeudi 4 octobre 2018

Une femme simple et honnête, Robert Goolrick

Ah, Robert.... Depuis que je l'ai découvert avec Nombre Premier en 2015, on n'a de cesse d'explorer sa bibliographie, et s'il y a une chose à dire, c'est qu'on n'est pas déçues. Une femme simple et honnête a naturellement rejoint la liste des "pépites de Bob". 


Libres pensées...

Au tout début du XXe siècle, une annonce est publiée dans un journal de Chicago : un homme recherche une femme pour la prendre pour épouse. Cet homme est Ralph Truitt, un notable local qui vit dans le Wisconsin voisin. La femme qu'il a choisie est Catherine Land, qui s'est présentée comme une femme simple et honnête, et débarque un beau jour sur le quai de la gare, pour entrer d'un pied incertain dans sa nouvelle vie.
Mais Catherine Land n'est peut-être pas celle qu'elle prétend être.

Je préfère ne pas vous en dire plus ! Car, comme souvent avec les romans de Goolrick, la trame romanesque est savamment agencée, ménage des rebondissements savoureux, et mêle toutes sortes de sentiments.

Pourquoi lire Une femme simple et honnête ?

Tout d'abord, pour ses personnages. Les protagonistes portent tous leur part d'humanité et leur part d'ombre, et alors que l'intrigue pourrait y inviter, ils ne reflètent pas de manichéisme. Ralph Truitt est un homme mûr, qui, après s'être montré froid et cruel, est devenu paisible, indulgent, aimant.
Catherine Land est difficile à cerner : ce sont ses aventures que l'on suit en premier lieu, elle dont on devrait se sentir le plus proche, et pourtant, ses motivations ne se dévoilent qu'en chemin. Elle est un point d'ancrage incertain qui pourtant incite à ce qu'on s'y accroche.
Antonio, le fils de Truitt, est un homme capricieux, avide de vengeance, futile, derrière lequel on devine un enfant blessé à la recherche d'un amour et d'un paradis perdus.
Les personnages secondaires apportent eux aussi une touche personnelle à l'histoire, et la rendent complète.

Une fois les personnages en place, il y a le suspense, les faux semblants sur lesquels se fonde l'intrigue. On devine que l'on ne nous dit pas tout, le mystère plane que l'on voudrait résoudre, et peu à peu, la lumière se fait, renforçant encore notre attrait pour cette histoire et notre curiosité à l'égard du devenir des protagonistes.

Tout cela est servi par une écriture qui est la marque de fabrique de Robert Goolrick, une écriture qui sait créer avec brio l'illusion romanesque, loin des autofictions, des romans réalistes et sociologiques ou des épisodes historiques qui envahissent les étals des librairies. Goolrick assume d'écrire de la fiction, et il le fait à merveille. Cette simplicité d'approche et de ton me rappelle d'autres grands auteurs, dont le style diffère mais dont l'intention est à mes yeux similaires, comme Sepulveda. La littérature, avant tout, est faite pour divertir, mais peut à l'occasion conduire le lecteur à réfléchir sur certains thèmes de la vie quotidienne : le mariage, ici, ou encore le pardon.

Une femme simple et honnête m'a complètement transportée, occultant tout ce qui pouvait en troubler la lecture, proposant une expérience absolue d'immersion dans une histoire fictionnelle. Un véritable péché mignon, auquel il n'y a pas de bonne raison de résister.


Pour vous si...
  • Vous déplorez un peu que le titre ne soit pas plus sulfureux, par exemple : Un homme compliqué et menteur.
  • Vous vous demandez bien ce que quelqu'un pourrait bien aller faire dans le Wisconsin. 

Morceau choisi

"Elle avait accepté de l'épouser sans imaginer une seconde que le mariage apportait un plaisir simple, le plaisir de la compagnie constante d'un autre être humain, le plaisir de prendre soin de l'autre, de porter en soi la présence de quelqu'un d'autre. Elle supposait qu'elle ne le verrait plus vieillir, et lesura l'immense tristesse dans laquelle la plongeait cette perspective."


Note finale
5/5
(coup de coeur)

mercredi 3 octobre 2018

Einstein, le sexe et moi, Olivier Liron

Je poursuis avec la sélection d'automne des 68 premières fois, avec un premier roman au titre on ne peut plus accrocheur...


Libres pensées...

En 2012, le narrateur est sur le plateau de Questions pour un Champion, face à Julien Lepers, pour lequel il nourrit la plus grande sympathie, à trois adversaires, Renée-Thérèse, Jean-Michel et Caroline, et à un super champion, Michel. A ses côtés, nous revivons cette course semée d'embuches.

Einstein, le sexe et moi présente l'intérêt rare de pouvoir, à mon sens, ravir un très large public.
Quels sont donc les ingrédients pour cela ?
En premier lieu, le cadre est connu, de près ou de loin, du lectorat français : on entend immédiatement le grain de voix de Lepers, le buzzer, la petite musique du générique.

Ensuite, le roman est écrit à la manière d'un thriller, ou presque : l'issue n'est pas connue d'avance, on progresse laborieusement aux côtés du narrateur, conscient des obstacles qui vont se dresser entre la victoire et lui, et de l'affrontement inéluctable avec des stratèges à sang froid, à savoir, les autres participants, tous visiblement plus chevronnés, et, partant, redoutables.

Comment, alors, s'assurer que l'on ne sombre pas dans un récit mécaniste, à la manière d'un Thilliez ou d'un autre maître du polar ? Grâce aux nombreuses digressions, ces moments où le narrateur se replie en lui-même, nous invite dans son intériorité, où il poursuit le dialogue qu'il entretient avec lui-même autour des événements et des pensées qui lui viennent. Le lecteur a alors la possibilité de l'approcher, de découvrir des bouts de son histoire, d'entrevoir le champ de ses connaissances. Le récit prend alors un tour beaucoup plus personnel au travers de cette introspection, de ce monologue intérieur.

Enfin, dernier ingrédient, et non des moindres, l'humour qui ponctue la prose vive et charmante de l'auteur. Sous l'oeil acéré du narrateur, les autres candidats deviennent des combattants épiques, capables de rouerie et de coups bas sans vergogne, tantôt à la peine et tantôt à la gloire, ils sont sans pitié, d'étranges alliances se nouent, on découvre les coulisses d'une compétition où l'on fait bonne figure, mais où l'on est prêt à tout pour gagner.

J'en ai assez dit ; filez-vous vous délecter de ce roman court mais intense, où l'on se gausse et l'on se félicite de vivre à une époque où une émission télévisée peut donner lieu à un roman savoureux. 

Pour vous si...
  • Depuis que vous avez lu le titre de ce roman, votre cerveau crée toutes sortes de projections impliquant les trois principaux ingrédients cités, et ce n'est pas beau à voir.
  • Vous ne connaissiez pas la première vie de Julien Lepers. 

Morceaux choisis

"Jean-Michel l'ingénieur aéronautique était triste comme la mort. Il a reniflé comme s'il avait perdu son nez et qu'il le cherchait partout avec sa bouche." (et oui, dans tout l'excellent livre d'Olivier Liron, c'est cet extrait-là que j'ai choisi. Ahah)


Note finale
4/5
(très cool)

lundi 1 octobre 2018

Femme prenant plaisir à ses fureurs, Marie Billetdoux

Marie - ou Raphaële, de son véritable prénom - Billetdoux est un écrivain français, connue notamment pour le roman Mes nuits sont plus belles que vos jours. Elle a publié une quinzaine de romans, et a également écrit pour le théâtre. Femme prenant plaisir à ses fureurs est un récit autobiographique. 


Libres pensées...

L’auteur livre un roman autobiographique distancié, en se distinguant de son propre personnage (qui devient « elle », à la troisième personne du singulier), et en se centrant tant sur sa mère, Evelyne Colin, que sur sa propre personne, Raphaële Billetdoux.

Le récit, comptant près de 400 pages, a pour atout majeur une prose et une voix inédites, dont on se délecte à la lecture. Et c'est indispensable, car la structure du roman ne suit pas une approche linéaire ou chronologique, et ressemble à la reconstitution d'une série d'anecdotes et d'états d'âme pris dans le conflit sans fin opposant une mère à sa fille, relation ambivalente et inextricable.
En effet, le roman explore en particulier les personnages d’Evelyne Colin, et celui de sa fille, Raphaële Billetdoux,et si de nombreux personnages interviennent en second plan - Mitoux, la grand-mère, François Billetdoux, O. la sœur de Raphaële, Paul son conjoint, mais aussi Jean Prat, et d’autres qui ont croisé le chemin de la mère -, on en revient sans cesse à ce noyau d'origine, à ce lien que la narratrice analyse, revisite, éclaire, dissèque avec fureur.

Pour ma part, c'est le style qui m'a tenue en haleine, bien plus que la structure ou les faits relatés, s'apparentant bientôt à des digressions, à des frustrations ressassées qui n'ont pas été dites ou comprises, et, en tout état de cause, jamais résolues. Les dialogues rapportés sont nombreux et apportent un souffle au texte, le rendant dynamique et varié.

Le contexte m'a aussi paru intéressant – en particulier l’enfance et l’adolescence d’Evelyne, qui devient une jeune femme ambitieuse et libre, avant de choisir de se mettre en ménage avec François Billetdoux, et par là même de se consacrer à une vie d’épouse et de mère. Cette partie est cependant mineure dans l’intégralité du roman, qui par suite aborde plus précisément la vie d’adulte d’Evelyne puis de Raphaële, leurs désaccords et les frustrations de Raphaële.

Pour vous si...
  • Vous n'êtes pas particulièrement attaché à l'idée d'une intrigue ou d'une trame
  • Explorer une relation mère-fille sous toutes ses coutures vous interpelle en revanche vivement
Morceaux choisis

"Ma mère, elle a toutes les qualités que je n'ai pas [...]. Je sens combien je ressemble davantage à Mr Colin dans cette manière que j'ai de prendre plaisir à mes fureurs et à me monter la tête sur tout ce que je n'ai pas eu dans mon enfance. De plus j'aime ma colère. Dons il ne faut pas prendre au pied de la lettre tout ce que j'expulse de moi..."

"Peu après Mitou développait le "cancer de ceux à qui on a fait une crasse", bien connu en décodage biologique : le cancer du pancréas."

Note finale
2/5
(pas mal)