vendredi 2 octobre 2015

Seppuku, Richard Collasse

Richard Collasse est habituellement un pourvoyeur de merveilles.
Il y a quelques années, Nombre Premier m'a fait découvrir Saya, qui m'avait beaucoup troublée, et que j'ai dû laisser distiller en quelque sorte, avant de me faire un avis.
Après quoi, j'ai lu naturellement La trace, son premier accomplissement qui lui a valu d'acquérir une belle renommée. 
Tombée par hasard sur Seppuku dont la publication n'a pas fait grand bruit, je me suis empressée d'aller à la rencontre de ce nouveau roman.

Un visuel éloquent

Pour la petite histoire, Richard est PDG de Chanel au Japon. Comme quoi, on peut avoir plusieurs vies en une (pensée pour ceux qui galèrent déjà à en cultiver une digne de ce nom). 

Le synopsis

Le roman s'ouvre sur une scène de Seppuku : un homme, Emile Monroig (de son vrai prénom Maurice), se donne la mort selon le rituel traditionnel.
Lorsqu'un de ses proches reçoit de sa part la lettre l'informant de son projet de se donner la mort accompagnée de trente-six carnets relatant son histoire, nous nous plongeons dans son passé pour le moins sinueux : fils d'un médecin allemand et d'une pianiste française, il a vécu de près l'horreur nazie, puisque son père a fait partie des médecins qui ont mené toutes sortes d'expérimentations sur les juifs d'Auschwitz, au nom de la science et du progrès. Adolescent, il rencontre un japonais, Gensuku, collègue de son père, qui accomplit sur lui-même le rituel du Seppuku lorsqu'il réalise l'impossibilité d'obtenir une absolution pour les actes qu'il a commis. Il rencontre aussi Emile, dont il empruntera plus tard le nom, un jeune garçon juif que son père ramène du camp pour lui fausser compagnie, et qui lui apprendra la réalité du sort réservé aux juifs, et la signification véritable de l'étoile jaune.
Devenu orphelin, Maurice rallie la France, puis rejoint la Corée pour se battre. Il y découvre le quotidien des soldats, mais aussi l'amitié puis l'amour, en la personne de Sun-Hi, jeune femme d'une beauté lumineuse, qui a été amputée des deux jambes par l'armée japonaise dans le cadre d'expérimentation. Mais les communistes ne se montrent pas plus humanistes que les nazis et les japonais lorsqu'Emile conduit l'armée américaine jusqu'à une découverte majeure.

Mon avis

Très honnêtement, le synopsis reflète assez bien le fait que le récit parte un peu dans tous les sens.
Il s'agit de suivre le parcours d'un homme qui a traversé des époques sombres, et le protagoniste ne manque pas de susciter l'empathie. Pour autant, je n'ai pas trouvé au roman l'intérêt que j'avais perçu dans les précédentes oeuvres de Collasse : à mon sens, le sujet quant à la deuxième guerre mondiale a déjà été amplement exploré, y compris de ce côté-là de la ligne Maginot, et je crains qu'il n'y ait pas d'apport majeur sur le thème.
La deuxième partie aurait dû être plus intéressante, mais m'a laissée relativement insensible. Le personnage de Sun-Hi tombe à point, et redynamise l'intrigue en levant le voile sur les exactions commises par l'armée japonaise, et en permettant de faire le parallèle avec l'enfance de Maurice et la mission de son père, en revanche tout ce qui se noue autour m'a semblé assez peu convainquant, un peu comme si cela avait été construit pour converger vers une fin convenue, qui terrasse la petite lueur d'espoir qui avait soudain pris corps.
Le style est pourtant là, mais il s'exprime de manière plus éclatante dans ses romans japonais.
Une petite déception donc, au regard de Saya et La trace, mais le roman n'est pas mauvais je pense pour les lecteurs qui ne les auraient pas lus.


Pour vous si...
  • Vous collectionnez les personnages de roman aux prénoms cocasses : entre Maurice et sa mère Emerence, on est servi!
  • Les scènes d'éviscération ne vous débectent pas, bien au contraire (les quatre premières pages donnent le ton)
  • Vous détestez les happy endings

Morceaux choisis

"Il n'y a pas de place dans la morale dans ce que nous faisons. La morale entrave la marche du progrès. Tout ce qui importe, mon ami, c'est le bond en avant que nous faisons faire à nos disciplines. Je suis persuadé que l'Humanité nous en sera reconnaissante." (le papa du protagoniste est un touchant naïf de médecin nazi)

"Je ne pourrais jamais me pardonner d'être la perpétuation du criminel tranquille qu'avait été mon père et de la complaisante linotte qu'avait été ma mère.
Je venais de découvrir, qui couvait depuis ma naissance attendant son moment, la haine de soi." (pauvre Maurice)


Note finale
2/5
(pas mal)

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