mardi 20 octobre 2015

Nos âmes seules, Luc Blanvillain

Le site lecteurs.com est une source de réjouissance continuelle.
Après l'aventure des Explo-lecteurs cet été est venu le temps des 68 premiers romans de la rentrée littéraire, et j'en suis ravie. Ankylosé, le premier roman d'Isaac Franco-Cohen, m'avait laissé un sentiment mitigé. Nos âmes seules  était le suivant sur la liste, et un livre que je traque depuis cet été; ce n'est pas sans impatience que je l'ai enfin ouvert.



Le synopsis

Clément a 25 ans, il travaille pour la société Vogal Software dans la tour Eole de la Défense, et chaque instant de sa vie en entreprise est précisément minuté et converge vers un but : réussir. Sa première alliée est sa compagne Myriam, qui décrypte pour lui les arcanes politiques de l'environnement dans lequel il évolue, tandis que chaque mot, chaque fait est pensé et calculé. Un jour, il croise une jeune femme bizarre, Meryl. Elle est étudiante, elle n'est pas spécialement belle, et surtout, elle semble souffrir d'étranges névroses. Malgré cela, un lien singulier se noue entre eux.


Mon avis

Les retours dithyrambiques des Explo-lecteurs concernant le roman de Luc ont créé, je dois le reconnaître, des attentes. Par bonheur, elles n'ont pas été déçues.

Le lecteur est happé par l'univers décrit, et les personnages qui le composent. Clément, en particulier, est très intéressant : son goût pour le carriérisme y compris fondé sur des bases peu reluisantes devrait le rendre exécrable, sa facilité à se fondre dans un cadre comme celui de la Défense est difficilement compréhensible, et sa vie bien ordonnée de toutes parts agacerait, pourtant, sa rencontre avec Meryl et certains de ses traits sont dépeints au moment opportun pour lui donner des aspérités et créer une proximité inattendue.
Lorsque le contrôle qu'il exerce sur chaque aspect de sa vie commence à s'effriter, il devient impossible de lâcher le livre, car on rentre dans le jeu avec lui qui a quelque chose de grisant bien sûr.

J'ai grandement apprécié la façon dont la trame progresse, et les rebondissements que rencontre Clément, sur lesquels il n'a pas toujours prise, qui confèrent une vraisemblance à l'ensemble : l'existence habilement agencée tient parfois à peu de choses, et peut prendre un visage tout autre en l'espace de quelques heures, sous le coup d'une décision impulsive; elle continue pourtant.

Le personnage de Meryl m'a toutefois laissé perplexe. J'aurais préféré une confrontation avec un être plus écorché, quand Meryl n'est au final qu'une jeune fille un peu paumée, pétrie de névroses, c'est certain, mais qui traverse la vie avec une passivité qui fait peine, et qui cadre mal parfois avec le discours qu'elle adopte, sa façon de vouloir être pour Clément une sorcière. Elle n'est pas, in fine, très intéressante, mais c'est sans doute aussi ce qui donne du caractère à l'intrigue : Clément ne se détourne pas de Myriam sous le coup d'une attraction sensuelle folle, ou pour une femme fascinante, avec une personnalité plus captivante : c'est inexplicable, mais c'est Meryl qui devient son secret, alors même qu'il n'y a pas de sexualité entre eux, alors même que Meryl est un peu fade et très solitaire. En y pensant, je sais gré à l'auteur de ne pas faire d'elle en cours de route une sorte de femme éblouissante jusque-là incomprise du monde : elle reste cohérente avec l'image que l'on a d'elle dès le début, elle est entière à sa manière.

Un roman qui réussit donc à dérouler une intrigue haletante avec des personnages réalistes, sans verser dans la facilité : c'est à lire!

Pour vous si...
  • Vous avez un avis sur l'environnement si particulier de la Défense. Qu'il soit favorable ou non, d'ailleurs.
  • Pour vous, la vie en entreprise est un jeu politique permanent.
  • Vous êtes sensible aux névroses bizarroïdes et diverses : la palette de celles de Meryl est confondante!

Morceaux choisis

"Il s'est passé quelque chose.
C'était une rencontre. Elle n'est pas habituée aux rencontres. Dans sa vie, les gens ont toujours été là. Ou disparaissent. Elle ne rencontre personne. Le garçon l'a regardée. Elle a nettement senti sa gorge se desserrer. Pendant quelques secondes, la vie est revenue."

"Le plus difficile, devant le corps de sa mère morte, c'est de renoncer à la sollicitude qu'on a pour les corps vivants."

"La foirade semble signaler le chef-d'oeuvre. La littérature n'est qu'une école de la résignation."


Note finale
4/5
(très bon)

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