Cet été, on a vaguement suivi les démêlés entre Irina Ionesco et Simon Liberati devant la justice, concernant la publication du roman de ce dernier, intitulé Eva, dédié au parcours de sa compagne, et évoquant notamment son lien avec sa mère Irina (rappelons que Madame Ionesco mère a fait faire à sa progéniture, et dès son plus jeune âge, des photos dénudées laissant peu de place à l'imagination).
Le roman s'est ensuite retrouvé en lice pour de nombreux prix de la rentrée. Entre scandale et concupiscence, Eva est-il, oui ou non, le roman de cette rentrée?
Chronique.
Le synopsis
Le roman retrace la rencontre du narrateur avec Eva, puis avec Eva, la première constituant l'image éternelle de la Lolita, la figure sulfureuse hypermédiatisée et insaisissable, et la deuxième, la femme derrière ce qui, aux yeux de l'auteur, a la puissance d'un mythe. Au-delà de leur relation, c'est le parcours d'Eva que l'on découvre, sa personnalité étrange, fantasque, une femme-enfant, une femme fatale, une femme magicienne, tous les visages d'Eva transfigurés par l'art puis par l'amour.
Mon avis
La lecture d'Eva m'a emplie de sentiments paradoxaux.
Il m'a fallu du temps pour me faire à l'ambiance, au registre, au ton parfois guindé, et puis, surtout, à ce personnage. La petite fille offerte aux regards ne leur échappe toujours pas adulte, puisque l'entreprise de son conjoint, sous couvert de romanesque et d'amour, reste somme toute de saisir son essence et de la livrer à ses lecteurs.
Il faut lui accorder, cependant, qu'il le fait avec un certain brio, avec goût et maîtrise.
Je retiendrai du roman cette langue riche, foisonnante de références qui noient parfois, cet art de conter que j'ai jugé revêche au premier abord, et qui a révélé au fil de la lecture toute sa subtilité, toute sa sophistication. Il n'y a qu'à lire, ci-dessous, les quelques morceaux choisis : leur combinaison sonne juste, tout y est distingué.
Ce qui sombrera dans l'oubli, en revanche, c'est le personnage d'Eva.
La volonté de l'auteur d'en faire un mythe en prétextant tout ce qu'il y a de sulfureux dans l'enfance et l'adolescence de cette femme en serait presque dérangeante.
Ce qui est intéressant, c'est la peinture de son amour qu'il offre autant que celle de la femme aimée. Eva, elle, n'a rien de profond. Lorsqu'on lui donne la parole, elle la gâche, le narrateur se complaît à ne pas explorer réellement les tréfonds de son être, il flotte dans un univers fait des effluves, des images d'Eva, de tout ce qui l'entoure et de ce qui la pare, mais elle, elle est la grande absente. Y compris lorsqu'on nous rapporte ses paroles, ses réactions, ses affections, le factice rode et menace, tant on voit l'effort de l'auteur à ériger le mythe, à faire de sa matière un personnage littéraire.
Le livre est refermé, et mon dernier sentiment est que cette Eva dont on m'a parlée 300 pages durant ne méritait pas tant d'égards.
Il m'a fallu du temps pour me faire à l'ambiance, au registre, au ton parfois guindé, et puis, surtout, à ce personnage. La petite fille offerte aux regards ne leur échappe toujours pas adulte, puisque l'entreprise de son conjoint, sous couvert de romanesque et d'amour, reste somme toute de saisir son essence et de la livrer à ses lecteurs.
Il faut lui accorder, cependant, qu'il le fait avec un certain brio, avec goût et maîtrise.
Je retiendrai du roman cette langue riche, foisonnante de références qui noient parfois, cet art de conter que j'ai jugé revêche au premier abord, et qui a révélé au fil de la lecture toute sa subtilité, toute sa sophistication. Il n'y a qu'à lire, ci-dessous, les quelques morceaux choisis : leur combinaison sonne juste, tout y est distingué.
Ce qui sombrera dans l'oubli, en revanche, c'est le personnage d'Eva.
La volonté de l'auteur d'en faire un mythe en prétextant tout ce qu'il y a de sulfureux dans l'enfance et l'adolescence de cette femme en serait presque dérangeante.
Ce qui est intéressant, c'est la peinture de son amour qu'il offre autant que celle de la femme aimée. Eva, elle, n'a rien de profond. Lorsqu'on lui donne la parole, elle la gâche, le narrateur se complaît à ne pas explorer réellement les tréfonds de son être, il flotte dans un univers fait des effluves, des images d'Eva, de tout ce qui l'entoure et de ce qui la pare, mais elle, elle est la grande absente. Y compris lorsqu'on nous rapporte ses paroles, ses réactions, ses affections, le factice rode et menace, tant on voit l'effort de l'auteur à ériger le mythe, à faire de sa matière un personnage littéraire.
Le livre est refermé, et mon dernier sentiment est que cette Eva dont on m'a parlée 300 pages durant ne méritait pas tant d'égards.
Pour vous si...
- Vous nourrissez le moindre intérêt pour la figure d'Eva Ionesco, ou pour les photos d'enfants nus.
- Vous vous délectez de romans truffés de références en tous genres, artistiques, mythologiques, et j'en passe!
- Les femmes qui jurent comme des poissonnières exercent sur vous un attrait que vous n'assumez pas trop (cela dit, si vous l'assumez, il n'y a pas de contre-indication à lire ce livre).
Morceaux choisis
"Eva avait treize ans, j'en avais dix-neuf, elle était mon aînée."
"Les yeux, toujours magnifiques, m'inspirèrent à l'instant où je les croisai l'idée des larmes, de larmes à l'état pur, comme si l'âme d'Eva en avait contemplé la forme originelle dans quelque éther platonicien cinq minutes avant d'entrer chez Louis Vuitton."
"Pour des raisons qui ont trait à ma peur de la prison, je n'avais jamais eu affaire avec des enfants, quoique j'adore les petites filles."
"Nouveau dîner, nouvelle occasion, il fallait la saisir. Un mois de flirt, c'est beaucoup."
"Eva - je ne me lasserai jamais de ce prénom -, Eva, qui fut une figure allégorique, qui souffrit et aima jouer les poupées sous l’œil de l'imagière perverse qui lui a donné le jour, a éclairé pour moi les choses à la lumière de l'allégorie."
"Il est des êtres en qui souffle un certain esprit, une inspiration propre, une charge qui ne leur est pas étrangère mais qu'ils ne dominent pas non plus tout à fait, même s'ils sont complices de la plupart des enchantements qu'ils procurent. Cette essence inhumaine s'affirme parfois au cours de leur existence par des manifestations physiques : lévitation, polyglottisme, ubiquité, émanation d'odeurs, phosphorescence. Eva m'a raconté à plusieurs reprises qu'enfant il lui était arrivé pendant son sommeil de devenir phosphorescente."
"Les yeux, toujours magnifiques, m'inspirèrent à l'instant où je les croisai l'idée des larmes, de larmes à l'état pur, comme si l'âme d'Eva en avait contemplé la forme originelle dans quelque éther platonicien cinq minutes avant d'entrer chez Louis Vuitton."
"Pour des raisons qui ont trait à ma peur de la prison, je n'avais jamais eu affaire avec des enfants, quoique j'adore les petites filles."
"Nouveau dîner, nouvelle occasion, il fallait la saisir. Un mois de flirt, c'est beaucoup."
"Eva - je ne me lasserai jamais de ce prénom -, Eva, qui fut une figure allégorique, qui souffrit et aima jouer les poupées sous l’œil de l'imagière perverse qui lui a donné le jour, a éclairé pour moi les choses à la lumière de l'allégorie."
"Il est des êtres en qui souffle un certain esprit, une inspiration propre, une charge qui ne leur est pas étrangère mais qu'ils ne dominent pas non plus tout à fait, même s'ils sont complices de la plupart des enchantements qu'ils procurent. Cette essence inhumaine s'affirme parfois au cours de leur existence par des manifestations physiques : lévitation, polyglottisme, ubiquité, émanation d'odeurs, phosphorescence. Eva m'a raconté à plusieurs reprises qu'enfant il lui était arrivé pendant son sommeil de devenir phosphorescente."
Note finale
3/5
(cool)
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