lundi 20 août 2018

Le maître des illusions, Donna Tartt

Donna Tartt est de ces auteurs fascinants qui ont réussi le coup de maître de se faire un nom en un seul roman, sans verser dans une production prolifique mais en se concentrant sur quelques rares publications qui deviennent attendues, et qui ne déçoivent pas. J’avais lu le Chardonneret il y a quelques années, et je dois dire que la perspective de me plonger dans un autre de ses foisonnants romans m’intimidait un peu. Mais j’avais un peu de temps pour moi, cet été, si bien que mon dévolu s’est porté sur le maître des illusions.


Libres pensées...

Richard, étudiant issu d’un milieu modeste, vient d’obtenir une bourse pour étudier au sein de l’université de Hampden, dans le Vermont. Lors de son inscription, il fait la rencontre de Julian Morrow, un enseignant charismatique qui lui propose de rejoindre la classe de cinq élèves spécialisés en lettres classiques dont il est l’unique professeur. Intrigué et fasciné, Richard accepte et rejoint le cercle très fermé des étudiants de Morrow. A ses côtés, les jumeaux Charles et Camilla, le dandy Francis, le brillant Henry, et Bunny, provocateur et sulfureux. Dissimulant ses origines sociales, Richard tâche de s’intégrer dans ce microcosme élitiste et exigeant, où certaines relations sont plus malsaines qu’il n’y paraît.

Le maître des illusions est une lecture qui essouffle et bouscule. Ce roman de 600 pages, où le suspense imprègne une atmosphère lugubre, réussit la gageure de maintenir le lecteur en haleine tout en ne répondant pas aux codes classiques des polars ou des romans policiers. Il y a, bien sûr, les nombreux effets d’annonce, à l’occasion desquels Richard, qui est le narrateur, laisse entrevoir qu’un drame se trame, l’atmosphère particulière qui tient du huis clos, la figure envoûtante de Julian Morrow, et celle, tout aussi magnétique, bien que d’une manière très différente, de Henry, cet étudiant atypique aux facultés et à l’intelligence remarquables. Difficile, pour Richard, de se faire une place. Il se donne pourtant du mal, et lorsque l’intrigue se dévoile peu à peu, le lecteur ne peut que se demander où il a mis les pieds.

Car les jeunes adultes qui l’entourent sont bien plus dangereux qu’ils n’en ont l’air, et sont capables de se comporter avec toute la bestialité des animaux sauvages, la cruauté en-sus.

Habile, Donna Tartt ne dit pas tout, et si nous avons le loisir d’analyser les caractères et les situations aux côtés de Richard, chacun garde aussi sa part d’ombre, sa part de mystère, nous poussant à prendre le risque d’une interprétation. Faut-il voir en Henry un jeune homme manipulateur et sadique? Ou plutôt en quête de sens et de sensations, amoureux et tragique ? Bunny est-il capable de plus de profondeur que ce qu’il donne à voir, a-t-il vraiment une grandeur d’âme, ou seulement l’étrange capacité à pousser à bout ceux qui l’entourent ? Richard est-il victime des événements, au mauvais endroit au mauvais moment, ne se plairait-il pas à faire enfin partie d’un groupe, quel qu’en soit le prix ?

Le récit est de ceux qui abîme son lecteur au passage, le laissant avec ce sentiment de malaise, de dégoût, guettant en lui-même tout ce qui pourrait le rapprocher de ces protagonistes qu’il a suivis tout en les détestant, qu’il appréhendés sans parvenir à les comprendre vraiment. Confronté, sans doute, à ses propres démons.

Un roman qui ne laisse pas indemne…

Pour vous si...
  • Vous êtes amateur d’expériences extrêmes
  • Vous ne vous lassez pas de chercher les visages cachés derrière les masques
Note finale
4/5
(excellent)

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