lundi 21 décembre 2015

Les amants du n'importe quoi, Florian Zeller

J'ai découvert Zeller il y a quelques mois, à la faveur d'une nouvelle rencontre.
La fascination du pire m'avait semblé justement fascinant tout en étant un peu glauque, La jouissance m'avait laissé un arrière-goût amer sur le couple et ses espoirs de bonheur; Les amants du n'importe quoi vient en remettre une couche, au cas où j'aurais depuis conçu de nouveau de l'attrait pour cette forme institutionnalisée du vivre-ensemble, celle qui consacre un adulte et semble seule signifier qu'il a déjà réussi l'essentiel. 



Le synopsis
Amélie est entrée dans la vie de Tristan comme un voleur, et peu à peu, ils se sont enlisés dans un quotidien qui a élimé les éclats des premiers temps de leur amour : Tristan n'a pu se retenir d'aller voir d'autres femmes pour supporter de ne vivre qu'avec Amélie, et Amélie, pressentant son infidélité, souffre continuellement de maux de ventre atroces et inexplicables, qui la confortent dans sa position de femme faible, et emprisonnent Tristan dans la compassion et l'attendrissement qu'il ressent pour elle, incapable de l'abandonner, puisqu'il doit la protéger. (non non, on ne nage pas du tout dans un stéréotype du couple au XXIe siècle - Ah, c'est même un peu plus vieux, semble-t-il)

Mon avis

Pas si bizarrement que ça, le roman porte bien son nom : c'est un peu n'importe quoi, cette histoire d'amour qui prend l'eau. Et pourtant, ça ressemble à pas mal d'histoires d'amour, d'un point de vue extérieur. J'espère que les gens de l'intérieur ne se disent pas aussi cela, sinon je ne comprends vraiment pas pourquoi ils persistent. Enfin, j'ai bien une idée, mais je ne vais pas entreprendre de la développer ici, après on va me taxer de dureté.
Je pense que le récit de Florian m'aurait intéressée davantage si les rôles ne s'étaient pas retrouvés pris dans des projections un peu traditionnelles et pour cela, "faciles". Si l'homme avait été faible et à protéger, et la femme dotée d'un instinct protecteur, il y aurait déjà eu plus de sel.
Florian Zeller s'escrime à produire matière à réflexion, et au détour de certaines phrases, il y parvient; cependant, il perd d'emblée en crédibilité, à mon sens, en se contentant d'une configuration un peu "cliché", à laquelle je n'ai pas cru, ou en tout cas, par laquelle j'ai peiné à être captivée.
Ce point mis de côté, il y a un certain effort à développer les deux protagonistes, et à les rendre ainsi un peu plus denses que s'ils n'existaient que par leur - pathétique - histoire d'amour. Bien entendu, le rapport au père est rapidement brandi pour expliquer la personnalité pas si compliquée d'Amélie, alors que Tristan, s'il ne peut s'empêcher d'aller voir à droite à gauche, bah c'est comme ça, après tout c'est un homme, non?
Bref, quelques légèretés à mon sens, et c'est très dommage, parce qu'il y a aussi des passages que j'ai appréciés, sur l'obsession à garder ouvertes toutes les potentialités, par exemple, qui est, comme le défend noblement Florian, un trait singulier qui pousse à vouloir tout désirer, au risque de ne rien désirer du tout pour finir.
Intéressant donc, à condition de ne pas tenir rigueur à l'auteur pour certaines facilités qui ôtent de la substance plus qu'elles ne lui en confèrent.

Pour vous si...
  • Vous avez lu La jouissance, et que cela ne vous a pas rebuté, au contraire : vous y avez trouvé l'expression des tracas qui vous traversent sempiternellement à l'égard du couple, loin de toute forme de célébration de cette forme de vie contre-nature et vouée à l'échec (et vous êtes aussi un brin pessimiste voire cynique voire nihiliste)
Morceaux choisis

"Aujourd'hui, j'ai le sentiment qu'il ne me reste plus que mon passé à vivre". (Et attention, mesdames et messieurs, cette phrase figure sur la première page du livre. Ambiance ambiance, ce qui suit s'annonce être une grosse marrade!)

"L'amour eût été la délivrance, mais il s'agit là d'une vieillerie incompatible avec le fonctionnement actuel du monde. On a lentement évincé la gratuité de nos vies. Quant à la tendresse dont on se contente généralement, cela ne pouvait suffire. L'attendrissement non plus. L'attendrissement prend la forme de l'amour, alors qu'il n'en est que la caricature. On est attendri par une femme quand on la trouve digne d'être aimée - mais qu'on ne l'aime pas." (On me signale que L'amour souhaite répondre: "Sympa pour la "vieillerie". Je te revaudrai ça, petit con")

"Un bébé est probablement plus proche de Dieu que n'importe quel homme, fût-il saint. Car il est une pure potentialité : il peut encore tout devenir, puisque rien n'a encore commencé. La modernité, me semble-t-il, est hantée par le fantasme de se maintenir dans cet état de pure possibilité. Je voudrais tout devenir. Ne fermer aucune porte sur l'infini des possibles. Nous en venons à tout désirer, tout et son contraire."


Note finale
2/5
(pas mal)

1 commentaire:

  1. Je rejoins tout à fait ton analyse concernant Florian! Je n'ai lu que la Fascination du pire et je l'ai apprécié mais je lui ai trouvé également des facilités. Je vais sans doute m'abstenir pour le reste... Trop cool, le blog n'est pas en vacances :D

    RépondreSupprimer