jeudi 22 décembre 2016

Éclipses japonaises, Eric Faye

Le précédent roman d'Eric Faye, Il faut tenter de vivre, m'avait fait relativement peu d'effet. Néanmoins, devant l'enthousiasme soulevé chez le lectorat par son tout dernier, Eclipses japonaises, et à en croire les chroniques pâmées fleurissant sur la toile, j'ai jugé qu'il était bon de ne pas se quitter sur un malentendu. 


Le synopsis

Dans les années 1960 à 1980, des disparations étranges sont laissées irrésolues : une jeune japonaise ne rentre jamais chez ses parents après son cours de tennis, une mère et sa fille sont enlevées, et d'autres cas encore qui donnent du fil à retordre aux enquêteurs. En 1987, une espionne coréenne est arrêtée, qui permet de dessiner peu à peu un lien entre ces différents événements : la Corée du Nord (surpriiiiiiiise, et oui, vous auriez préféré un point commun comme : les Maldives? Bali? Le Sri Lanka? Et bah non, pour vous ce sera la Corée, et puis pas le Sud, beaucoup trop facile).

Mon avis

A la lecture du synopsis, j'avais vaguement pensé au phénomène visiblement répandu au Japon et traité par Thomas Reverdy dans l'un de ses romans, Les Evaporés, ces gens qui disparaissent sans laisser d'adresse du jour au lendemain, et partent commencer une nouvelle vie ailleurs, sous une nouvelle identité, de leur propre chef. Le concept est fascinant, malheureusement, le roman l'était, à mon sens, beaucoup moins.

En réalité, le récit d'Eric Faye ne se centre pas du tout sur le dit-phénomène. C'est d'ailleurs heureux, il faudrait quand même pas lire uniquement des romans qui parlent des mêmes sujets, c'est un coup à concevoir des clichés (et j'en ai déjà assez en réserve, merci bien).

Le sujet n'en est pas moins passionnant : il s'agit de ces enlèvements, orchestrés par la Corée du Nord entre les années 1960 et 1980, de sujets étrangers, et instrumentalisés pour former les futurs espions du pays.

Un tel sujet est à double tranchant, car le risque est grand de ne pas en exploiter tout le potentiel. Un écrivain qui décide de raconter la vie de Marie-Marguerite, 16 ans en 1882 dans le Poitou, force est d'admettre qu'il y a moins d'enjeu, et personne ne viendra engueuler Michel (bien sûr, l'écrivain s'appelle Michel) et lui reprocher la licence créatrice qu'il se sera permis. Là, c'est un peu plus compliqué, d'ailleurs Eric doit pas être très très serein quant à son propre sort, rien ne dit qu'il n'est pas actuellement séquestré par nos amis les coréens pas très contents qu'on s'épanche sur leurs méthodes peu orthodoxes (vous me direz, normal, l'orthodoxie n'a jamais fait un tabac en Asie).

Bon point pour l'intrigue : les personnages, dont on tâche de percer l'identité, car ils en revêtent plusieurs qui se superposent ; il y a la jeune fille, la jeune femme, le vieil homme avant leur enlèvement, et celle/celui qu'ils sont une fois que l'organisation les a "incorporés", et leur a assigné une fonction.

Loin de la fadeur que j'avais ressentie à la lecture de Il faut tenter de vivre, ici la sauce prend, on décrypte avec effroi les pièges tissés dans lesquels tombent les protagonistes et dont ils sont condamnés à rester prisonniers des années, si ce n'est leur vie entière. Eclipses japonaises est à mon sens un roman réussi, qui nous présente un pan d'histoire relativement ignoré par le biais de trajectoires individuelles brisées, et l'on se laisse subjuguer, d'autant plus que, comme on dit, "c'est inspiré de faits réels". N'hésitez pas à vous faire peur, et à réveiller vos bons vieux réflexes parano...


Pour vous si...
  • Vous n'avez jamais vraiment bien compris les relations entre les Japonais et les Coréens. Pas sûr que ça vous aide, d'ailleurs, mais j'aime bien semer le trouble.

Morceaux choisis

"Les histoires comme celles-ci sont pareilles au Nil, elles n'ont pas un commencement. Elles en ont une myriade. Et toutes ces sources engendrent des rus qui se jettent, l'un après l'autre, dans le cours principal du récit - le grand fleuve."


Note finale
3/5
(cool)

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