lundi 27 février 2017

Les jolies choses, Virginie Despentes

Chaque année son Despentes, en attendant le tome 3 de Vernon Subutex, je me suis plongée dans l'historique de Virginie, et j'ai déterrée (sur des conseils avisés), Les jolies choses.


Libres pensées...

Claudine et Pauline, les jumelles maudites.
Bousillées chacune à leur tour et à leur manière par la vie, à commencer par leur père, qui choie tantôt l'une puis l'autre, n'est jamais avare d'humiliations et d'insultes, ancre la peur du rejet profondément en chacune d'elles.
Petite, Claudine était la paria, celle qui était bête, moins brillante que sa jumelle. Adolescente, elle se transforme, joue de sa féminité naissante, devient la favorite, tandis que Pauline expérimente le mépris et les quolibets dont elle a toujours vu sa sœur affublée.
Naturellement, elles s'éloignent, se haïssent pour cette préférence qui les sépare, et grandissent à l'écart l'une de l'autre.
Claudine devient une femme séductrice, excessive, très sensuelle et sexuelle, tandis que Pauline considère avec dédain les atours dont se pare sa sœur, et s'accroche à Sébastien, le seul homme qui ne lui ait pas préféré Claudine.
Un jour, Claudine demande son aide à Pauline, car elle veut faire un disque, mais elle n'a pas la voix. Pauline accepte, la rejoint à Paris, fait la rencontre de Nicolas, l'ami indéfectible de Claudine.
Lorsque Claudine se suicide, elle décide de prendre sa place.

Le style de Despentes...
Identifiable au bout de quelques phrases, si ce n'est quelques mots.

J'ai retrouvé la crudité de Baise-moi, sa clairvoyance aussi, dans la lecture qui est faite du parcours des deux jeunes femmes, de leur rapport à leurs parents, aux hommes, aux femmes aussi.

L'auteur nous donne de la vie brute, brutale, taillée au scalpel, celle de femmes qui n'ont rien à voir avec les modèles de la littérature classique, ni même de la littérature moderne, des femmes comme on en croise dans la rue, de vraies, donc.

Cette franchise sans détour, ce regard acéré porté sur le politiquement correct, les bienséances, les normes sociales.

Cette liberté de ton, direct, sans emphase, qui n'empêche pas l'émotion subite, sauvage.

Les jolies choses donne la parole à des femmes sur lesquelles s'exercent la violence permanente comme le jugement catégorique.
Elles ne sont plus objets, elles deviennent sujets, et devenant sujets, elles ont le pouvoir de remporter une revanche, de se voir belles et importantes, d'exister.
Et elles emmerdent le reste du monde. Comme elles ont raison. 

Pour vous si...
  • Vous savez comme moi qu'il n'y a rien de mieux que Despentes.
  • La gémellité est votre sujet de roman de prédilection (avec l'infanterie, et les pieds paquets). 

Morceaux choisis

"De la même façon qu'il exigeait toute la place dans le lit, sa détresse à lui exigeait toute la place. Il était le plus, par principe. Le plus écorché, le plus sensible, le plus doué d'émotions, le plus raisonnable. Celui des deux qui compte, celui qui est au centre.
Elle n'avait le droit que de l'écouter, car il aimait parler des heures. Elle avait devoir d'écouter, même si ses mots la mangeaient crue à force de sous-entendre qu'elle ne valait rien, même si ses mots l'asphyxiaient à force de ne lui laisser aucun espace."

"En chemin, il est encore à prétendre que c'est pour la raisonner. Mais au fond, il sait qu'il va l'accompagner. Il y a une place en lui pour le tordu des autres, de certains qu'il reconnaît, et il aime se lover tout contre leur bizarrerie."

"Impossible pour Pauline de comprendre pourquoi elle faisait ça, tout ça, avec les hommes. C'est une misère de soi, un malheur de ne pas se préserver. Pour n'avoir rien, en plus, qu'un ramassis de mauvais souvenirs qu'on se trimbale comme une âme perdue."

"L'hostilité massive que ça provoquait chez elle, voir une fille se "manquant de respect". Les choses étaient alors si claires : ce que chacun fait, il le décide. Elle ignorait encore comment c'est facile de se faire entraîner."

"Je voudrais que tu comprennes, et que tu m'aimes encore, que tu me protèges de tout ça, que tu me protèges de moi, que tu m'empêches de le faire, que tu saches bien comment c'est triste, être capable de ça, de s'ouvrir comme je l'ai fait, à un autre que toi, des fois il m'a fait jouir, je préférerais pas le savoir, ce que je suis vraiment."

"Quand elle raccroche, elle en sautille d'aise. Y a rien de meilleur que de se préparer à une grosse journée très chargée et de finalement sécher."

"_Mais tout le monde te cherche! Tu te rends compte? C'est pas professionnel, ça, Claudine.
C'est la pire insulte qu'il connaisse. C'est très très grave, pour lui, quand on n'est pas professionnel. On peut être malheureux, malhonnête, profiteur, imposteur, à peu près tout ce qu'on veut, mais faut rester professionnel."

"C'est une réflexion du père. De l'époque où elle ne se rendait pas compte qu'elle pouvait ressembler à sa sœur, qu'il suffisait d'une panoplie pour qu'un homme vous trouve désirable. Elle croyait que la féminité existait, qu'elle ne pouvait pas l'inventer."


Note finale
4/5
(excellent)

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