mardi 28 février 2017

Un président ne devrait pas dire ça... Gérard Davet et Fabrice Lhomme

C'est bientôt mars, je vous propose une excursion printanière dans la politique française, avec le livre qui a fait le plus parler de lui en cette fin 2016, et pour cause, puisqu'il se base sur les entretiens mensuels qu'ont eus deux journalistes du Monde avec le président Hollande depuis son élection en 2012 jusqu'à 2016...
Explosif, vous avez dit? La promo l'était suffisamment, en tout cas, pour piquer ma curiosité... 


Libres pensées

Si ce n'est pas son but premier, je dois concéder que ce livre propose un bilan intéressant de la présidence de François Hollande, à travers une rétrospective des cinq dernières années.

Néanmoins, à l'image du bilan, la compilation constituée par les auteurs est, à mon sens, contrastée.

En effet, l'essai proposé n'échappe à une approche qui peut, par moment, verser dans le marketing, et qui, sous prétexte de dire la vérité, se hasarde sur des thèmes qui m'ont semblé entacher sa pertinence. Les quinquennats sont marqués par les événements qui ponctuent la vie personnelle des présidents successifs, il est dommage de faire dans le sensationnel et d'avaliser cet intérêt supposé des foules pour les frasques sentimentales des hommes et des femmes politiques, ou plutôt, des représentants du peuple. Donc, exit le passage sur le déchaînement incontrôlable de Valérie et les escapades de François sur son scooter rejoignant Julie, en un mot comme en cent : OSEF.

Si l'on évacue donc cet aspect, reste encore l'angle du mystère, privilégié par nos amis journalistes : pour eux, l'énigme est posée (pourquoi le président Hollande est-il vu comme impuissant et inactif en dépit des actions menées?), et la mission qui leur incombe est bien celle de percer ce qui ne peut être autre chose qu'un mystère, dont la clef est à trouver.
C'est aussi, à mon sens, un procédé un peu trop visible, qui manque de pertinence. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à l'affaire Kerviel, et à la question du président du tribunal correctionnel, demandant s'il n'y avait pas de mystère Kerviel, et déçu de la réponse par la négative. Nous avons beau raffoler de romanesque, il faut aussi savoir se confronter à la réalité, qui est, dans les deux cas fort dissemblables, celle de deux hommes et non de deux énigmes.

Bref, on évacue aussi, donc, le halo de mystère dont les journalistes veulent parer Hollande.
Que nous reste-t-il?
Un récit qui pourrait fort ressembler à une biographie, mais qui n'en est pas une.
Car si les origines de François Hollande et son parcours sont évoqués, en particulier pour donner du relief à ses positions et à sa personnalité actuelles, on se concentre bien entendu sur les années du quinquennat, et l'on revisite les hauts et les bas, les moments qui ont marqué les années 2012-2017, en appréhendant cette fois le côté du pouvoir, là où les choses se décident : la présence sur la scène internationale, la loi sur le mariage pour tous, la loi Travail, les attentats de janvier et novembre 2015, l'épisode Léonarda, Florange, le mouvement des frondeurs, l'Europe...

Et les journalistes ont tôt fait de mettre le doigt sur le manque d'assurance, l'impréparation, ainsi qu'ils la nomment, de Hollande et de son équipe. On pourrait croire, à la lecture, que les dirigeants du pays sont finalement assez incertains de l'impact de leurs décisions, font des hypothèses, tranchent, et ajustent comme ils peuvent en fonction des résultats obtenus. Ne nous méprenons pas, dès lors que l'on a affaire à des phénomènes sociaux et économiques, il y a sans doute là une part de vrai. Toutefois, j'ai été sceptique devant l'image d'amateurisme qui est prêtée aux différents ministres et au président. Adeptes des formules qui font mouche, les auteurs sont généreux en commentaires, en jugements qui m'ont parfois surprise, et qui ont diminué la portée de leur entreprise à mes yeux : j'ai eu le sentiment qu'il était primordial pour eux de démontrer qu'ils n'étaient pas à la botte de Hollande, que leur projet n'était pas de défendre son bilan, qu'ils n'avaient pas participé à un quelconque complot, et pour cela, ils n'hésitent pas à se montrer très durs, parfois même injustes, comme cela transparaît dans la toute dernière page, qui est d'une violence, voire d'une mauvaise foi, à couper le souffle : attribuer à Hollande des responsabilités qui ne sont pas les siennes, voilà qui n'était pas nécessaire, il y avait assez à faire avec celles qui le sont réellement. C'est d'autant plus regrettable que certaines questions posées sont tout à fait pertinentes, et suffisaient à bâtir la légitimité de l'essai.

J'ai donc un sentiment mitigé à l'égard de ce livre : la matière ne manque pas d'intérêt, mais je n'ai pas adhéré à la façon dont elle avait été traitée, qui manque à mon sens de hauteur de vue et de neutralité.
Dommage dommage, mais bien essayé quand même. Repassez dans cinq ans!
Oups, je doute qu'on vous laisse repasser les portes de l'Elysée, les gars... :/


Pour vous si...
  • Vous avez un côté People qui ne s'exprime jamais aussi bien que lorsque le sujet est politique (petit coquin)
Morceaux choisis

"C'est souvent le souci des gens venant de loin, faits de peu, il leur faut prouver toujours plus que les autres, s'attacher aux moindres détails, ne rien laisser au hasard. François Hollande, dont on brocarde parfois le manque de cohérence politique, n'a jamais oublié ses débuts, son parcours balisé et chanceux à la fois."

"Si la présidence Hollande souffre d'un handicap rédhibitoire, c'est bien cette totale incapacité à faire valoir son action.
Mais que lui manque-t-il donc?
Voici une liste non exhaustive des principales réformes mises en place durant ce laps de temps : retour partiel à la retraite à 60 ans, emplois d'avenir, contraception gratuite pour les mineurs, fin du délit de solidarité aux sans-papiers (mais pas aux migrants, coucou Cédric Herrou), crédit impôt recherche pour les PME, pérennisation de la création de mille emplois annuels pour la police et la gendarmerie, contrats de génération, mariage pour tous, adoption pour les couples homosexuels, sécurisation des parcours professionnels, non-cumul des mandats, mesures pour la moralisation de la vie publique, et bien sûr le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et le pacte de responsabilité... Soit une bonne dose de réformes, parmi lesquelles nombre de mesures sociétales dites de gauche, accompagnées de dispositifs économiques destinés à booster l'emploi."

"Le mal français, bien plus que le chômage par exemple, ce serait donc celui-là, cette "désunion nationale" d'autant plus complexe à combattre qu'elle obéit à des pulsions parfois irrationnelles."

Note finale
2/5

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