lundi 23 octobre 2017

L'écliptique, Benjamin Wood

J'ai découvert Benjamin Wood avec son premier roman très percutant, Le complexe d'Eden Bellwether, paru en 2014. Sa dernière parution, L'écliptique, nous propose des protagonistes hauts en couleurs, et un univers angoissant... Parfaite lecture à l'approche d'Halloween !


Libres pensées...

Knell est peintre, et elle a rejoint un programme très particulier destiné à encourager l'inspiration des artistes, en les isolant sur une île au large de la Turquie. Là, elle bénéficie de l'amitié et du soutien de trois autres artistes, MacKinney, Quickman et Pettifer. L'arrivée d'un adolescent visiblement très talentueux va bouleverser la sérénité de la communauté.
En parallèle, nous est relatée l'histoire de Elspeth Conroy, que l'on comprend être Knell, de ses débuts en peinture et de son accession à la notoriété.

Il m'a été agréable de retrouver la "touche" de Benjamin Wood, qui se dévoile dans la façon dont il brosse certains portraits, notamment de personnes sortant de l'ordinaire, et dans son art de la fiction. L'effort fait pour créer l'illusion pour le lecteur est incontestable, c'est pourquoi l'intrigue est appréciable, en dépit d'une certaine densité de l'oeuvre.

Car on peine parfois à recoller les morceaux qui nous sont présentés : le lien entre les différents bouts d'intrigue mettent du temps à se coordonner, à s'éclairer, et l'issue finale, soignée même si on la pressent quelques pages avant de la découvrir, laisse le lecteur un peu assommé, à se demander comment comprendre tout ce qu'il a lu jusque-là. A cet égard, je me prends à penser qu'une deuxième lecture ne serait peut-être pas de trop, afin de démêler la trame enchevêtrée, et bien saisir les tenants et les aboutissants de l'histoire que nous raconte l'auteur.

Les personnages, quant à eux, constituent la grande force de l'oeuvre, tant ils ont de cachet, suscitant par là même la sympathie, la compassion du lecteur. L'auteur n'hésite pas à nous plonger dans le monde des galeries d'art, dans le quotidien d'une peintre qui traverse des affres pesantes, et est capable de montrer des connaissances qui rendent l'univers plausible, crédible, pour qui n'est pas particulièrement familier mais est soucieux des détails réalistes (quand bien même ils ne seraient pas réels).

Le seul bémol concerne, à mon sens, la nature même de l'intrigue, qui évoque d'autres oeuvres, littéraires ou cinématographiques, se basant sur le même type de "mécanisme", de révélation (je ne les citerai pas néanmoins, afin de ne pas vous mettre sur la piste, il est de mon devoir de préserver votre curiosité, et votre candeur).
Par ailleurs, un peu comme dans Le complexe d'Eden Bellwether, il m'a semblé qu'à un moment donné, l'intrigue échappait quelque peu à l'auteur, qui se laissait dépasser, ce qui se ressentait dans un certain flou expérimenté depuis le point du vue du lecteur, le résultat d'une ambition forte (ce qui est toujours séduisant), parfois peut-être trop.

Je reste donc convaincue que Benjamin Wood va poursuivre sa révélation comme auteur qui compte, car son roman est audacieux et foisonnant, même s'il présente également des faiblesses. 

Pour vous si...
  • Vous aviez été conquis par Le complexe d'Eden Bellwether.
  • Le monde de l'art vous fascine.
  • Le monde des reclus aussi. 

Morceaux choisis

"Elspeth Conroy, c'était pour moi un nom de débutante ou de femme d'élu local, pas celui d'un peintre sérieux ayant des choses fondamentales à dire sur le monde. Mais le destin en avait décidé ainsi et je devais l'accepter. Mes parents croyaient qu'un nom écossias raffiné comme Elspeth me permettrait d'épouser un homme d'une classe sociale supérieure (c'est-à-dire un homme riche) ; théorie que j'aurai finalement réussi à réfuter à tout point de vue. Mais j'ai toujours eu le sentiment que mon travail pâtissait de cette étiquette, Elspeth Conroy. N'était-ce pas en remarquant mon nom dans les galeries que les gens me jugeaient ? N'était-ce pas mon sexe qu'ils voyaient sur le mur, ma nationalité, ma classe, mon type, ce qui les empêchait d'entrer en contact avec la vérité de ma peinture ? Impossible de le savoir."

"_Mon beau, mon génial Tif... J'aurais dû le savoir.
_C'est ce physique ravageur, tu comprends. Il masque mon intelligence."

"Bien que tous les artistes soient en quête de reconnaissance, ils ne peuvent pas prévoir sous quelle forme elle se présentera ni les compromissions qu'ils seront prêts à faire pour prolonger leur succès. Ils ne peuvent que se cramponner aux rênes et s'efforcer de braver les aléas sans dévier de leur cap. Mais aucune femme ne peut améliorer sa condition sans sacrifier un peu de son identité."

"Il y a autre chose que vous n'apprendrez pas aux Beaux-Arts : la véritable inspiration ne se manifeste que quand votre invitation est arrivée à expiration. [...] Elle vous trouvera dans votre sommeil, ou occupé à des tâches ménagères, ou encore en train de recevoir ces idiots de voisins, que vous aurez laissés entrer, faute de mieux. Et quand elle finira par se montrer, il faudra vous réveiller rapidement, tout abandonner, virer les imposteurs pour lui faire bon accueil, parce qu'elle mettra moins de temps à disparaître que vous n'en aurez passé à l'attendre."

Note finale
3/5
(cool)

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