Après mon coup de coeur pour Tout cela n'a rien à voir avec moi, et mon coup de froid pour Crans-Montana, j'étais plus impatiente que jamais de découvrir le dernier roman de Monica Sabolo, qui se maintient pour l'instant honorablement dans les sélections des prix littéraires de l'automne.
Libres pensées...
Benjamin se souvient de sa soeur Summer, qui a disparu au bord du lac Léman l'été de ses dix-neuf ans. Il était alors un enfant, mais se souvient de la beauté solaire qui émanait de sa soeur, des regards qu'elle attirait toujours, de l'amour qui les liait. Devenu un homme, il demeure hanté par ce qui s'est passé cet été-là, la disparition inexpliquée, le halo de mystère qui entoure depuis vingt-cinq ans l'absence de Summer.
Ce dernier roman de Monica Sabolo m'a laissé un sentiment mitigé.
Parmi ses atouts, on note bien sûr l'atmosphère créée par l'auteur, la description acide d'un milieu fermé où l'entre-soi est cultivé avant toute chose, où les apparences sont reines. L'intrigue est habilement menée, la progression maîtrisée, il m'est arrivé de ressentir à la lecture une sensation d'étouffement, tant les visions du jeune frère sont incarnées.
Dans ce tableau, les jeunes filles apparaissent comme des icônes, des anges déchus, des êtres colorés qui captent l'attention de tous, qui traversent l'existence avec grâce.
Monica Sabolo excelle à dépeindre les affres adolescentes, elle décrit précisément la fascination ambiguë provoquée par les belles jeunes filles de bonne famille.
Néanmoins, en dépit de ces attraits évidents, certains éléments m'ont gênée.
En premier lieu, et de manière persistante, j'ai eu l'impression de lire une autre version de Crans-Montana. De la même manière que certains peintres créent des séries, il semblerait que certains auteurs soient hantés par une histoire qu'ils disent en boucle, et c'est malheureusement ce à quoi m'a fait penser Summer. On retrouve le même milieu social que celui présenté dans Crans-Montana, des protagonistes ressemblants, la même fascination exercée par de belles jeunes filles sur leur entourage, la même chute aussi, qui rend l'introgue très, trop proche à mon goût, de celle du précédent roman de l'auteur, bien qu'il soit aussi, selon moi, plus réussi.
Cette impression de déjà vu est gênante, bien entendu, elle dessert le récit qui aurait été plus appréciable sans cela.
Par ailleurs, je pense qu'il serait très intéressant pour l'auteur de s'éloigner de sa zone de confort, et de s'essayer à un autre milieu, pour asseoir ses évidentes qualités littéraires, et sortir du carcan qui la bride - à titre personnel, le milieu dans lequel elle se complaît est justement particulièrement dénué d'intérêt, voire exaspérant.
En fin de compte, Summer est un roman qui pourra ravir ceux qui n'ont jamais lu Monica Sabolo, et, qui, pour les autres, manquera cruellement d'audace, à l'issue un peu décevante (l'intrigue appelait à mon sens une résolution plus détaillée, elle est presque bâclée ici).
Dommage!
Pour vous si...
- Vous aimez le style Sabolo, et n'êtes pas réfractaire à la redite
- Vous êtes obsédé par les lacs
Morceaux choisis
"Ma mère disait qu'à sa naissance ses cheveux étaient si clairs qu'on aurait dit qu'ils étaient constitués de lumière.
Ma mère qui ne parlait pas anglais et n'a jamais fait preuve du moindre romantisme, avait choisi pour sa fille un prénom de pom-pom girl, de pop star californienne. Un prénom qui évoquait un champ de fleurs, ou volettent des papillons écarlates. Ou une corvette rutilante, fonçant sur une corniche le long de l'océan."
"Je sais aussi que la ville de Genève est reconstituée, quelque part, là où le lac atteint plus de 300 mètres de profondeur, chaque bâtiment s'y dresse à l'identique, mais les façades y sont couvertes d'algues et de coquillages, des stalactites de boue pendent aux fenêtres.
Il y a là-dessous tout un monde, comme le nôtre en négatif."
"Plus terrifiant encore : la désinvolture, l'arrogance avec laquelle nous, les humains, considérons que cet espace est le nôtre. Nous oublions que nous nageons dans une gigantesque mare, une flaque d'eau croupie, ou tout ce qui y est balancé pour être oublié - des machines à laver, des vélos, des cadavres? - y demeurera pour toujours, aucun courant ne les emmènera au loin, pour les polir et les dissoudre. Nous vivrons avec, pour toujours, ils seront fossilisés dans la boue, et avec le temps, ils deviendront plus imposants encore."
"Un soir, elle avait dit, sans rire, à une de ses amies penchée au-dessus du meuble, une coupe à champagne contre son coeur : "Sacrée collection, non ? Il suffit de les compter pour connaître mon âge."
Note finale
3/5
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