Dans la série des premiers romans de la rentrée sélectionnés par les fées des 68 premières fois, je demande un livre au titre délicatement excentrique, Mademoiselle, à la folie!
Libres pensées...
Catherine est comédienne, elle a passé sa vie sous les projecteurs, et, alors qu'elle vieillit, elle est frappée par une maladie dont elle ne prend pas même conscience. A ses côtés depuis des années, Mina est son bras droit, son employée, mais aussi sa confidente et sa seule amie, son double, sa béquille. Il y a bien Jean, un homme politique avec lequel Catherine entretient une liaison depuis des lustres, mais il s'est toujours montré volage, peu fiable, présent pour Catherine seulement par intermittence. Alors que la maladie gagne du terrain, Catherine sent le monde autour d'elle se diluer, ses repères s'estomper, tandis que Mina fait tout son possible pour la maintenir dans la réalité.
Ce n'est qu'à la fin du roman que j'ai remarqué que ce dernier ne comprenait que trois protagonistes. De plus en plus, les huis clos se font rare dans la littérature : un bon roman doit compter des personnages secondaires, s'appuyer sur deux ou trois personnages est un risque pour l'auteur qui pourrait, imagine-t-on, tourner en rond.
Le risque est élégamment évité par Pascale Lécosse, qui livre un premier roman à la fois pétillant et terrible. Il y a ce charme, cette légèreté qui se dégagent de certains dialogues, contrebalancés par la gravité qui émanent d'autres, lorsque Mina prend conscience de l'ampleur de la maladie, puis Catherine a son tour, qu'elle se retourne sur ce qu'a été sa vie, que l'heure du bilan sonne.
Car, au coeur du récit, se trouve cette maladie dégénérative de Catherine qui sombre dans l'égarement, perd les noms et les visages, et jusque, par moment, à la relation très fusionnelle qui la lie à Mina. Cet état à la dérive donne lieu à une série de confrontations, entre Catherine et Mina, entre Mina et Jean, et le lecteur est ainsi confronté pour sa part à la fin de vie, lorsque la maladie prend possession du corps, avec une pudeur qui rend le texte délicat.
Car le style est vif, l'écriture déliée, et les dialogues donnent par ailleurs de l'élan au récit. A cet égard, Mademoiselle, à la folie ! est un premier roman maîtrisé et subtil. A quoi s'ajoute le thème intelligemment abordé, cette rupture entre la lumière dans laquelle a vécu Catherine toute sa vie durant, et l'impuissance débilitante qui l'envahit chaque jour davantage.
Un premier roman très réussi, en somme.
Pour vous si...
- Vous êtes à la recherche du panache
Morceaux choisis
"_Qu'est-ce que j'ai, Mina ?
_Demande-moi plutôt ce que tu n'as pas.
_Je veux dire, qu'est-ce qui cloche chez moi ?
_Je n'ai rien remarqué.
_Mais si !
_Non, je t'assure.
_Alors, pourquoi est-ce que je n'ai envie de rien ?
_Sans doute, parce que tu as tout.
_Depuis quelque temps, je ressens une immense fatigue.
_C'est parce que tu travailles trop !
_Certains jours, je confonds les visages, pourquoi ?
_Parce que tout le monde se ressemble."
"Je me retiens de lui balancer que, pour se suicider, il lui suffirait de sauter de son ego."
"C'est la forme précoce de la maladie que je développe, la plus dévoreuse, la plus avide. J'ai dans la tête un mal gourmand qui me transforme en rosier stérile. Une saleté qui fait de moi une autre. Je voudrais l'espérance. Les mots me quittent un peu plus chaque jour sans que je puisse les retenir."
"Veinarde, moi, je me perds. A la scène, j'ai joué mille vies pour finalement passer à côté de la mienne... Au fond, je n'ai que toi."
Note finale
4/5
(très bon)
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