lundi 14 novembre 2016

Ouragan, Laurent Gaudé

Un Gaudé de temps en temps, voilà qui fait le plus grand bien!
(Les anciens d'écoles de commerce pourront sourire -> et voilà une blague qui contribue à faire de ce blog du grand n'importe quoi, après le sérieux de ma précédente lecture)


Le synopsis

Alors qu'un ouragan menace la Nouvelle-Orléans, les habitants s'enfuient, laissant derrière eux quelques naufragés, qui s'apprêtent à affronter la tourmente.
Parmi eux, une "négresse depuis presque cent ans", Joséphine Linc. Steelson, Rose et son fils Byron, un homme à la recherche de son passé, un prêtre en transe, et des prisonniers de l'Orleans Parish Prison. 

Mon avis

Laurent Gaudé fait partie de ces auteurs que l'on identifie aisément, de par leur style.
Dans Ouragan, on retrouve la construction qui lui est chère, alternant des paragraphes qui se centrent chacun sur un protagoniste, de sorte que le récit progresse en parallèle pour tous les personnages que l'on apprend à connaître.

Personnages qui, à mon sens, ne sont pas égaux, dans ce roman multiple : Joséphine Linc. Steelson a une envergure incroyable, servie par une rhétorique qui imprègne le lecteur ("Moi, Joséphine Linc. Steelson". Toute ressemblance avec un débat hors contexte est fortuite, car Ouragan a été publié en 2010... Ou alors... Mais...François se serait-il inspiré de Laurent??...), et une voix qui domine l'oeuvre.

L'atmosphère, pesante, apocalyptique, en serait presque érigée en personnage à elle seule, tant elle joue un rôle central dans l'intrigue, et se transforme à mesure que se rapproche la tempête.

Si Laurent Gaudé excelle à peindre les états d'âme et les troubles intérieurs, à l'instar de ceux qui habitent Rose ou Keanu, le décor qu'il plante nous projette dans un cadre de plus en plus présent dans la littérature, un milieu urbain qui pourrait sembler familier, et qui soudain révèle un nouveau visage, à la faveur d'un événement qui dérègle l'organisation sociale. Cette vision proposée dépasse l'individu en mettant en lumière les inégalités sociales qui imprègnent la collectivité : alors que la tempête menace, les plus riches s'enfuient, ne restent que les plus démunis, ceux qui ne sont pas en mesure de partir et qui devront donc affronter le chaos. Pour la majorité d'entre eux, au cœur de la Nouvelle-Orléans, ils sont noirs, pauvres, infirmes, détenus, isolés, et alors qu'ils semblent être les moins à même de survivre à l'épreuve, ils n'ont pas d'autre choix que d'errer dans les rues, se terrer chez eux, attendre que vienne l'ouragan.

Le récit bénéficie de cette menace grandissante et inévitable, de son actualité brûlante, de ce que l'on sait des enjeux humains qu'elle engage, si bien que l'on se laisse facilement gagner par son étau, ce qui est favorisé par le rythme et les péripéties rencontrées par les personnages.

Ouragan est un roman qui ébranle, met le doigt sur des réalités sociales dérangeantes mais néanmoins indéniables, et se caractérise bien entendu par le talent littéraire de Laurent Gaudé.
J'ai sans doute été moins marquée que par d'autres de ses livres, habituée à présent à cette structure et à cette verve, mais il n'en reste pas moins que le roman séduira, à n'en pas douter, un large public.

Pour vous si...
  • Vous êtes acquis à la prose de Laurent Gaudé
  • Les contextes apocalyptiques constituent pour vous le meilleur cadre pour un roman

Morceaux choisis

"Je ne suis rien qu'une vieille chose. Tout est difficile puisque nous avons perdu le petit négrillon. Il court Dieu sait où. Nous ne sommes plus capables de rien et nous laissons l'ouragan manger nos enfants."

"Honte à ce pays que je porte sur les épaules et qui nous a oubliés. [...] Je suis Joséphine Linc. Steelson. [...] Et la Louisiane monte avec moi, les bayous, les jacinthes et leur odeur écœurante, le corps jamais retrouvé de Marley, les regards d'insulte dans le bus, l'ivresse de la victoire après des années de lutte et même le vent, tout monte, je ne laisse rien derrière moi. Je suis la Louisiane, les flots et l'ouragan, les hommes me laissent passer, bouche bée."

Note finale
3/5
(cool)

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