vendredi 17 novembre 2017

De l'influence de David Bowie sur la destinée des jeunes filles, Jean-Michel Guenassia

Jean-Michel Guenassia s'est fait connaître en 2009 avec le Club des incorrigibles optimistes, qui a reçu le prix Goncourt des lycéens, et que je n'ai jamais lu. En revanche, j'ai lu La valse des arbres et du ciel il y a tout juste un an, dont j'avais plutôt gardé un bon souvenir, en dépit du fait que le titre est impossible à retenir (il me vient sans cesse la valse du ciel et de la terre, la valse des fleurs et des arbres, bref, ça ne sort jamais correctement). 
Bref, son dernier roman me tentait bien, au titre cette fois ésotérique à souhait, et parce qu'il faut un certain panache à passer de Van Gogh à Bowie sans se dégonfler. 


Libres pensées...

Paul est un jeune homme androgyne, qui se plaît à cultiver le doute sur son identité sexuelle, à ne pas se révéler, à faire jouer l'ambiguité. Sa mère, Léna, vit avec Stella, auprès de laquelle Paul a grandi, ignorant tout de son père. Le quotidien auprès d'elles ne ressemble pas à l'image d'Epinal de la famille classique, car Léna a un caractère bien trempé, elle rejette fermement les conventions et les bienséances, et nourrit l'espoir affiché que son fils soit homosexuel, voyant dans l'hétérosexualité une manière de se conformer aux attentes de la société plutôt que de s'affirmer. Mais Paul, en dépit des avances répétées de son meilleur et seul ami Alex, est bien hétérosexuel.

Attention, excellent roman de Jean-Michel Guenassia, qui m'a bien plus convaincue que La valse des oiseaux et de la mer, et qui change complètement d'époque, de style... Bref, on peine à croire que le même auteur se cache derrière les deux oeuvres !

De l'influence de David Bowie est un récit très actuel, tant dans le cadre ancré dans notre époque, comme le titre l'indique très à propos, que dans le ton.
Une connivence se crée immédiatement avec le personnage de Paul, dont on saisit rapidement l'ambiguité des relations qu'il entretient avec sa mère, et avec sa propre identité. L'auteur ménage des personnalités intriguantes pour ses personnages secondaires, qu'il s'agisse, bien entendu, de Léna, ou même de Stella, d'Alex, et des amies de Paul, de passage ou non. Dès lors, l'intrigue, principalement centrée sur la relation entre Paul et Léna, intègre des dimensions supplémentaires qui l'étoffent et la colorent. Les interrogations qui agitent Paul rappellent les incertitudes adolescentes, le poids des carcans, la difficulté d'établir un dialogue avec les adultes.

L'auteur prend les clichés à contrepied, en imaginant une mère qui rejetterait farouchement l'hétérosexualité, espérant profondément que son fils soit homosexuel, y voyant la preuve d'une liberté intrinsèque et d'une personnalité assumée. Le rejet vécu par Paul est, partant, tout à fait incongru, mais il fait naître néanmoins des sentiments analogues, peut-on se figurer, à ceux d'un adolescent qui, au contraire, se découvrant homosexuel, verrait son orientation sexuelle rejetée par ses parents.

Enfin, le roman converge vers une résolution inattendue et tout à fait cocasse, qui le rend plus inédit encore, voire, si c'était possible, encore plus audacieux.

Bref, une lecture épatante, que je vous recommande chaleureusement.


Pour vous si...
  • Vous non plus, vous n'aimez pas choisir

Morceaux choisis

"Moi, en une seconde, je décide d'être un homme ou une femme, mais je refuse de choisir entre les deux parties de moi-même et, quand ça me chante, je suis l'un ou l'autre, le temps qu'il me plaît. J'ai la chance de pouvoir me soustraire à ces poncifs qui nous écrasent, à ce marquage indélébile, la chance de bénéficier d'un doute. Je tiens à garder ce luxe."

"Je crois que c'est elle qui a raison, nous sommes tous bisexuels, que cela nous plaise ou non, nous avons l'équipement, mais pas forcément le mode d'emploi. C'est lui qui pose problème, nous ne savons pas le lire, comme s'il était rédigé dans une langue inconnue, et nous mettons une partie de notre vie à le déchiffrer."

"- Quand j'étais au collège, j'ai eu des problèmes avec des petits cons parce que j'avais pas de père, mais c'était eux mon problème, pas l'absence de père.

- Et cela ne t'a vraiment pas manqué de ne pas avoir de père ?

- Non, c'est ma mère qui conduisait la moto."

Note finale
4/5
(très bon)

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