mercredi 29 novembre 2017

Les liens du sang, Errol Henrot

Premier roman à la couverture dérangeante, Les liens du sang rebutent au premier abord, mais comme on dit, il ne faut pas se fier aux apparences.
Surtout celles de Gillian Flynn. 


Libres pensées...

Merci au Dilettante que ce choix de couverture ragoûtante, c'est vraiment un plaisir.

François est tueur. Comme son père, il travaille dans un abattoir. Un métier qu'il n'a pas voulu exercer, mais auquel il n'a pas pu échapper, faute de choix. Il est toujours austère, taiseux, fait peur à certains de ses collègues, et même à son patron. Défiant l'injonction paternelle de se montrer reconnaissant pour ce travail qui lui permet de se nourrir (lol...), il se montre peu à peu indocile, remet en cause les pratiques barbares de certains de ses collègues, va jusqu'à menacer de les dénoncer.

Les liens du sang est un roman inattendu, qui s'inscrit dans la lignée d'autres textes interrogeant le rapport des hommes aux bêtes qu'ils tuent et dont ils se nourrissent. Il se trouve que j'ai lu depuis un an quelques romans et essais sur le sujet, Règne animal de Jean-Baptiste del Amo, ou encore Faut-il manger les animaux ? de Jonathan Safran Foer.

Ici, l'auteur est au plus près de la réalité de l'abattage, et dessine un protagoniste qui endure, des années durant, jour après jour, la mort sous toutes ses coutures, la proximité des animaux condamnés, le traitement qui leur est réservé, le comportement de ceux qui ont leur responsabilité. La description qui est faite du lieu de l'abattoir, des odeurs, des cris des animaux, de la sensation d'étouffement qui y règne, est exceptionnelle. On se croit à son tour, lisant ce qu'est le quotidien de François, pris au piège de cet endroit sordide, dont on sait bien qu'il existe mais dont on voudrait à tout prix se tenir à distance, fermer les yeux sur la façon dont les choses s'y passent.

On peut bien sûr s'interroger sur la part de vérité, de probabilité de vérité, qu'il y a dans ce qu'évoque l'auteur, mais au-delà de cette dimension, il est intéressant de se pencher sur la personnalité de François, de partager les émotions, les doutes qui le taraudent et le point de rupture qu'il atteint un jour.

Beau livre donc que Les liens du sang, qui vaut le détour en proposant une expérience saisissante, que l'on évite soigneusement dans la vraie vie.


Pour vous si...
  • Vous êtes capable de passer outre la couverture (sérieusement, ce ne sera pas si facile).

Morceaux choisis

"C'était donc ainsi que sa vie se déroulerait. Toutes les quatre-vingt-dix secondes, il saignerait un corps suspendu par les pattes arrière, chaque jour, durant les quarante prochaines années. Il regarderait, durant quarante années, des animaux pris au piège hurler, se balancer, chercher à fuir, à échapper à la douleur, un mal qu'ils ne pouvaient pas comprendre parce qu'ils ne pouvaient le comparer à rien de ce dont ils avaient fait l'expérience. Partout il y avait les odeurs de leurs semblables. Chacun d'entre eux entendait les cris de l'animal qui l'avait précédé, suspendu lui aussi."

"_C'est pour cela que je ne tue pas mes animaux. La chair a de la mémoire. Elle continue de murmurer longtemps après la mort. Le temps n'a pas passé. La chair se souvient d'avoir hurlé. Hurlé à la mort. Il n'est plus question de trêve."


Note finale
3/5
(cool)

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