Underground Railroad a été présenté comme le grand roman étranger de la rentrée d'automne 2017, lauréat du Prix Pulitzer également élu meilleur roman de l'année 2016 par la presse américaine. Il s'est enfin frayé un chemin jusqu'à moi, l'occasion de découvrir la prose de Colson Whitehead, romancier et journaliste qui a le vent en poupe.
Libres pensées...
Cora est esclave dans une plantation de coton en Géorgie. Alors qu'elle était enfant, sa mère s'est enfuie, et n'a pas été capturée, faisant naître en elle l'espoir d'un ailleurs et d'une meilleure vie. Elle a seize ans lorsqu'elle s'enfuit à son tour, accompagnée de Caesar et d'une autre jeune esclave. En suivant l'Underground Railroad, Cora s'engage dans un dangereux périple, tandis qu'un redoutable chasseur d'esclaves est lancé à sa suite...
Le sujet choisi par Colson Whitehead n'est pas neuf, et a déjà fait l'objet de plusieurs romans dans la littérature, par exemple La dernière fugitive de Tracy Chevalier ou, plus récemment, le roman jeunesse Marche à l'étoile par Hélène Montardre ou encore l'excellent No home de Yaa Gyasi. L'Underground Railroad, ce mythique réseau clandestin qui aurait permis à des milliers d'esclaves de rejoindre le Canada, est néanmoins un excellent point d'ancrage pour aborder le thème de l'esclavagisme aux Etats-Unis, avant son abolition en 1865.
Le récit se place depuis le point de vue d'une jeune fille qui n'a pour perspective que l'esclavage, et a perdu toute famille. L'auteur profite du récit pour éclairer certains passages de l'Histoire américaine, notamment la façon dont les membres des familles étaient séparés, les esclaves vendus, et administrés comme des ressources dont la gestion était à optimiser.
Le sort de ceux qui prenaient le risque d'aider les esclaves en fuite est mis en lumière, tout comme celui des esclaves rattrapés par des chasseurs et rendus à leur maître, dont le châtiment devait servir d'exemple et dissuader les autres esclaves de tenter une fuite à leur tour, ou les bénéfices tirés par les chasseurs en question.
Les rapports de force sont décrits avec précision, soulignent le malaise et l'indignation que l'on peut ressentir aujourd'hui à la lecture de ce qui, alors, était la norme, était "dans l'ordre des choses".
Le récit est donc à la fois très romanesque dans son traitement et la maîtrise de la progression de l'intrigue, et présente un intérêt historique pour qui n'est pas familier avec le sujet, qui est par là même glaçant.
Un roman qui mérite donc, à mon sens, l'engouement qu'il a rencontré, et qui conduit à réfléchir également sur les séquelles historiques de cette période sombre et, quoi que l'on en pense, pas si lointaine...
Pour vous si...
- Vous découvrez l'existence de l'Underground Railroad, et creuseriez bien le sujet.
- Vous ne voulez pas passer à côté du grand roman américain de 2017.
Morceaux choisis
"Quand on est vendu aussi souvent, le monde vous apprend à être attentif. Elle apprit donc à s'adapter rapidement aux nouvelles plantations, à distiguer les briseurs de nègres des cruels ordinaires, les tire-au-flanc des industrieux, les mouchards des confidents. Les maîtres et maîtresses dans toute leur gamme de perversité, les domaines aux moyens et aux ambitions variables. Parfois les planteurs ne voulaient guère que gagner humblement leur vie, alors que d'autres, hommes ou femmes, aspiraient à posséder le monde, comme si ce n'était qu'affaire d'arpents."
"Les hommes commencent bien dans la vie, et puis le monde les rend méchants. Le monde est méchant au départ et chaque jour le rend plus méchand. Ca vous use jusqu'à ce qu'on ne rêve plus que de mort."
Note finale
4/5
(excellent)
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