Et c'est reparti pour un tour!
Le premier roman de la semaine est signé Sarah Barukh, a un titre un peu alarmant (du genre qui me met en garde, disons), contrebalancé par une couverture désuète à souhait, d'un joli cachet.
Attachez vos ceintures, les amis, en route pour... 1943.
Libres pensées...
Et oui, les fidèles parmi vous auront identifié le mauvais augure : 1943, ça veut dire un roman sur la Seconde Guerre Mondiale, et comme je l'ai déjà beaucoup trop souvent répété sur ce blog, je nourris une méfiance appuyée à l'égard des romans contemporains portant sur cette époque, car j'y vois là une sorte de prise d'otage, une manière qu'a l'auteur de s'octroyer une légitimité littéraire alors même que l'on n'a pas lu la première page, comptant sur le fait qu'un lecteur poli et un minimum informé de l'histoire de la France au XXe siècle n'osera jamais dire que son oeuvre est moisie.
Et ça, forcément, ça m'agace.
Non pas que la période manque d'intérêt, bien évidemment que son caractère hors norme se prête à l'entreprise romanesque.
Néanmoins, la période actuelle n'est pas elle-même dénuée d'intérêt, et je trouve dommage que les écrivains actuels soient si nombreux à explorer la Deuxième Guerre Mondiale, et s'intéressent beaucoup moins aux événements dont ils sont contemporains et témoins.
Imaginez un peu, dans cent ans, si l'on se demande à quoi ressemblait la France des années 2010, et bien l'on pourra déterrer tout un tas d'essais sociologiques, de vidéos youtube et de posts Facebook, mais la littérature française ne sera pas une grande contributrice au projet. Vous me direz, est-ce vraiment là son rôle?
Le débat est ouvert.
Mais admettons néanmoins que le succès de Balzac ou Zola provient, au-delà de leur talent d'écriture, de ce choix de peindre les mœurs de leur temps.
J'exagère, bien sûr, lorsque je laisse entendre qu'aucun écrivain ne se penche sur la question : la saga Vernon Subutex est un parfait exemple de littérature-témoin, et de nombreux autres auteurs, à la réputation y compris moins étendue que celle de Virginie Despentes, s’attellent à cette mission.
Pour autant, je ne me défais pas de l'idée que les écrivains qui tiennent à revenir une n-ième fois sur la période 1939-1945 devraient être jugés plus sévèrement que les autres, et apporter des œuvres réellement inédites.
Cela étant dit, passons donc à ce premier roman.
L'histoire est celle d'Alice, une petite fille qui a cinq ans lorsque le roman s'ouvre, et une dizaine d'années lorsqu'il se referme.
Alice est élevée par Jeanne, sa nourrice, à Salies, dans le Sud de la France. Moquée par ses camarades pour l'absence de sa mère dont elle ne garde aucun souvenir, Alice construit bientôt un mythe autour de cette femme, Diane, dont elle attend éperdument le retour.
A la fin de la guerre, Diane se présente à Salies, mais n'est pas la femme qu'Alice imaginait, si bien que c'est à contre-coeur qu'elle quitte Jeanne pour aller vivre avec sa mère à Paris. Alice comprend bientôt que sa mère porte un lourd passé qu'elle lui tait, et conjure la solitude en proposant des services dans le voisinage, afin de gagner de l'argent et d'acquérir une flûte traversière.
Je pourrais poursuivre encore, mais préfère ne pas vous révéler tous les rebondissements de l'intrigue. Le destin mène ensuite Alice en Amérique, à New-York, où elle n'aura de cesse de songer à Paris, et à un moyen d'y retourner.
L'aventure, en elle-même, est susceptible de plaire à un lectorat friand de secrets et de rebondissements. Néanmoins, j'ai eu le sentiment que la psychologie d'Alice enfant était traitée avec facilité, si bien que les scènes relatées dans la première partie du roman m'ont paru peu crédibles. A l'inverse, sur la dernière partie, les raisonnements et les actes d'Alice n'ont pas grand chose de ce que l'on peut observer, m'est avis, chez un enfant de dix ans. J'ai donc été peu convaincue par l'évolution de la personnalité d'Alice, qui, dans mon opinion, ne collait pas avec l'âge de la petite fille.
Par ailleurs, tout le mystère rodant autour du personnage de Diane a finalement été de courte durée, car les éléments étaient pour ma part déjà assemblés à mi-parcours pour deviner ce que Alice s'emploie à élucider. Partant, l'intrigue n'avait plus guère d'attrait, car articulée principalement autour de cela.
Exception faite de ces deux points importants, l'écriture est fluide, et pour les amoureux de la période, saura sans doute faire revivre les rues de Paris et l'ambiance en particulier au lendemain de la guerre.
Je ne comprends néanmoins pas pourquoi l'auteur a tenu à placer son histoire au cœur de cette période, car elle aurait tout aussi bien pu le faire à une période ultérieure, et cela aurait eu pour effet de distinguer le roman de ce flot de livres qui lui sont consacrés.
Dommage, donc ; je crains de ne pas retenir grand chose de ce premier roman.
Pour vous si...
- Vous êtes amateur de romans faciles d'accès
- Vous n'êtes pas, contrairement à votre serviteuse, maladivement réfractaire aux romans sur WWII, comme on dit
Morceaux choisis
"Tout le monde te dit que pour savoir où on va, faut savoir d'où on vient, et que tout ça, ça dit qui on est. Foutaise. La seule chose qui est vraie, c'est le moment présent, ce que tu vis, ici et maintenant. Le type qui sait où il va, il se la raconte!" (grand moment de psychologie profonde)
"Ils ne comprennent pas qu'ils sont tous des handicapés. Trop petits, trop moches, trop pauvres, trop seuls. Et à quoi sert la vie si ce n'est pas à trouver la solution à ce problème? Toi, Alice, tu es une gamine, pour beaucoup ça suffit à te laisser dans un coin. C'est un handicap, surtout quand on a ta maturité. Les personnes comme nous, la plupart des gens s'en foutent. Mais à partir de maintenant, on est tous les deux."
"_Comment on vit quand ceux qu'on aime disparaissent? Moi je ne pourrai pas.
_Tu feras avec, comme tout le monde. Tant que la musique est là, on continue à danser."
Note finale
2/5
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