mercredi 14 juin 2017

Minuit, Montmartre, Julien Delmaire

Un roman publié en mai, au titre intriguant, éveillant tout un mythe...


Libres pensées...

Minuit, Montmartre raconte les vieux jours de Théophile Steinler, peintre anarchiste ayant connu son heure de gloire à la fin du XIXe siècle, et se retranchant chez lui au début du XXe siècle, sur la butte Montmartre.
Un jour, Masséïda, jeune femme africaine, frappe à sa porte et trouve refuge chez lui. Elle devient sa gouvernante, son modèle, sa confidente. Autour d'eux, la ville se transforme au rythme des mutations industrielles, la guerre couve, la Belle Epoque touche déjà à sa fin.

Le nom de Steinler ne m'étant pas familier, j'ai fait mes petites recherches par curiosité, et ai découvert qu'en effet, Théophile Steinler était bel et bien un artiste de la Belle Epoque, qui avait côtoyé les grandes figures d'alors et était connu notamment pour ses dessins de chats. Un détail qui a toute son importance, dans la mesure où les chats, et en premier lieu Vaillant, son loyal ami, jouent dans l'intrigue un rôle essentiel.

Le roman constitue avant tout un très joli tableau de Montmartre à une époque foisonnante. Autour des protagonistes se pressent des badauds et de grands noms, mais c’est bien leur relation insolite qui est au centre du récit. Le lecteur suit les pensées, les émotions de Masséïda, personnage presque mystique qui dégage néanmoins une grande sensualité, et rappelle au peintre des émotions oubliées depuis longtemps, lui offrant une seconde jeunesse.

Le regard de Masséïda se porte sur l’art de Steinler, le ressuscite à son tour, et sur Paris, sur Montmartre, la butte où elle décide de poser bagages, où vient d’être installée l’électricité.
L’intrigue en elle-même présente à mon sens peu de matière, l’intérêt est donc tout entier dans les scènes restituées par l’auteur, qui dépeignent le lieu emblématique au moment où son mythe se crée.
Un doux moment de lecture!

Pour vous si...
  • Vous êtes un amoureux des chats...
  • ...Ou de Montmartre!

Morceaux choisis

"Paris ne pouvait tolérer les arbres sans tuteurs, l'école buissonnière, les filles sans dot ni trousseau, les ruisseaux libres et les fleurs sauvages. Tout devait être méthodiquement cadastré, arasé, haussmannisé.
Steinlen, planté au milieu de la rue, faisait corps avec un paysage à la dérive, une époque qui s'évanouissait à travers des forêts d'échafaudages. Bientôt, le goudron couvrirait la terre, les gueux n'auraient même plus le loisir de faire pousser quelques radis, de reposer leur peine à l'ombre d'un moulin. Bientôt, sonnerait le glas d'un peuple en majesté."

" "Je suis désolée, Théophile. Mais...vos dessins.. ils sont si forts..."
Le peintre, touché par sa sincérité, s'apaisa.
"C'est rien, tout ça. C'est le passé."
Le genre de sentence que Masseïda prononçait lorsqu'on essayait de la percer à jour.
Le peintre alluma sa pipe.
"J'étais tout jeune et j'avais la fièvre et puis Montmartre aussi." "

"Minuit, Montmartre. Une cloche, une autre guerre, en pleine obscurité. Masseïda ouvrit les yeux. Elle tira le rideau de l'unique fenêtre. De hautes flammes ondoyaient, encerclant la Butte. Des cloches battaient à tout rompre. Dans la rue des portes s'ouvraient, planaient des vois confuses, des gémissements. Une odeur d'étoupe, de bûcher, de détresse humaine."

Note finale
3/5
(cool)

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