vendredi 30 juin 2017

La plume, Virginie Roels

Premier roman au bandeau aguicheur (rien moins que : "Le secret du prochain président de la République"!), La plume me faisait de l’œil depuis un moment. Les 68 me donnent l'occasion de m'y plonger, ô joie!


Libres pensées...

Une journaliste qui vient de perdre son emploi décide de trouver un scoop qui lui permettra de se remettre en selle. Interpellée par la vidéo de l'émission télévisée au cours de laquelle le précédent président a "perdu les pédales" et a perdu la course à la présidentielle, elle note un détail qui n'a jamais été mentionné, la présence au premier rang d'un jeune homme au sourire de Joconde, à la vue duquel le président perd ses moyens.
Forte de son intuition, elle décide de creuser la piste, et de comprendre quels mécanismes ont conduit à la déchéance d'un homme qui était en posture confortable pour remporter un deuxième mandat, avant cette soirée fatidique.

Depuis L'insouciance, je n'avais plus eu l'occasion de me frotter à un roman abordant le milieu de la politique. Un peu comme les romans d'entreprise, le parti pris est épineux et peut rebuter certains lecteurs. Ce serait bien dommage, car ce premier roman est époustouflant.

Et pour cause : la trame est savamment maîtrisée, elle progresse à bon rythme sans pour autant perdre le lecteur, elle est crédible, et évoque un thème tout à fait actuel à travers le scandale politique détricoté par la protagoniste, bien que la nature du scandale soit distincte de ce que l'on peut trouver ces derniers temps dans l'actualité.

Les personnages sont, quant à eux, ambigus à souhait, depuis le président lui-même - mais c'est attendu -, à la protagoniste en personne, en passant par le flot des ministres et sous-fifres, jusqu'à l'étudiant au sourire de Joconde, Julien Le Dantec, qui est sans doute celui dont on jurerait le plus de la probité, et se révèle à son tour équivoque dans ses intérêts et comportements.

De bout en bout, le suspense maintient le lecteur en haleine, alors même que l'issue est dévoilée dès les premières pages : la fameuse scène de l'émission télé, au cours de laquelle le président se compromet. A mesure que la protagoniste rencontre les acteurs de cet épisode, les pièces du puzzle s'assemblent, et l'on prend la mesure des conséquences de chaque acte de ces personnages. Le monde de la politique apparaît comme une toile d'araignée, ou une rangée de dominos, la chute d'une seule pièce pouvant entraîner celle de nombreuses autres que l'on ne soupçonnait pas.

Virginie Roels livre un premier roman intelligent et prenant, qui ne conforte pas notre foi en la politique, mais au contraire s'emploie à la démystifier, rappelant combien les hommes de pouvoir sont avant tout guidés par une ambition dévorante, qui peut à tout instant prendre le pas sur les convictions qu'ils défendent.  

Pour vous si...
  • Vous vous laisseriez bien tenter par un roman politique, dévoilant les rouages et les compromissions des hommes et des femmes intervenant dans un domaine où l'amoralité semble de mise.

Morceaux choisis

"En tirant la chasse, il se rend compte qu'il a très souvent pris de bonnes résolutions en pissant, parfois aussi en se brossant les dents, également sous la douche, à bien y réfléchir. C'est à se demander si la mécanique sanitaire n'a pas un effet salvateur sur son cortex pré-frontal ou quelque chose dans le genre."

"Je trouvai la solution un matin, après avoir checké ma boîte mails, toujours, désespérément, vide. Alors que j'analysais l'impact de cette vexation quotidienne sur mes comportements futurs envers autrui - l'humiliation ne fait jamais rire, on en garde quelque chose d'un peu brun, qui vient encrasser la mémoire, se métastase en mépris -, je songeai au calvaire de Phèdre sous la plume de Racine."

"Les étudiants que je croise à la fac croient en la politique, mais exècrent ceux qui la représentent, un bouillon de haine qui ne demande qu'à se déchaîner, explique-t-il, exposant son âme, avouant son imposture, sans qu'ils n'en devinent rien. Invitez-les aux meetings, aux débats, créez des états généraux de la jeunesse, laissez-les penser que ce pouvoir leur revient de droit. Que leur tour est venu de l'exercer. Désignez vos adversaires comme l'unique obstacle entre eux et l'accomplissement de leurs ambitions. Sur les réseaux, ils n'en feront  qu'une bouchée. Maintenez-les dans cet état de croyance et de dépendance. Ce n'est plus vous qui avez besoin d'eux, mais eux qui, sans vous, ne pourront plus rêver. Bien sûr, si vous les trahissez, il faudra les convaincre que vous avez cru à vos propres mensonges."

Note finale
4/5
(excellent)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire