mercredi 21 juin 2017

Principe de suspension, Vanessa Bamberger

La ronde des premiers romans se poursuit... 
L'auteur est journaliste, et vit à Paris.
A défaut de pouvoir vous en dire plus à son sujet, je vais donc vous raconter son livre...


Libres pensées...

Thomas est chef d'entreprise, et sa société, Packinter, ne se porte pas bien.
Il s'escrime à rassurer ses ouvriers, à obtenir des engagements de son client, à trouver des idées innovantes pour ne pas être dépassé par les marchés émergents. Mais un jour, il se retrouve dans le coma, sa femme Olivia à son chevet, tâchant de comprendre ce qui l'a conduit là.

Paraît-il que les maisons d'édition n'en raffolent pas, mais je dois vous confesser que, pour ma part, je suis assez fan de romans d'entreprise. Parce qu'on a beau raconter par le menu nos histoires d'amour, de famille, de voisinage, c'est tout de même au travail que nous passons le plus clair de notre temps, et donc, pour une proportion non négligeable de la population française, en entreprise.

Le roman de Vanessa Bamberger aborde des thématiques très actuelles, à travers le quotidien des salariés et patrons de petites entreprises, les menaces en provenance de marchés lointains et néanmoins agressifs, les enjeux du maintien de l'emploi local, et pour cela, la course à l'innovation.

L'entreprise est un lieu ambigu, à cet égard, car si pour Thomas il est question de loyauté et de rapports humains (rappelons qu'il voit les choses depuis le point de vue du patron), pour certains salariés, le lieu ne se prête pas à la moralité et en est complètement dépourvu, au point que seul l'argent semble parfois régner en maître, et décider des mouvements des uns et des autres. C'est toute l'ambivalence de la chose : des relations humaines se nouent entre ceux qui travaillent pour l'entreprise, néanmoins, c'est le motif alimentaire qui justifie la présence de nombre des salariés, si bien que lorsque se présente une opportunité de gagner davantage à conditions de travail équivalentes (ou presque), la loyauté que la direction attend des salariés se dissout. On pourrait d'ailleurs interroger cette notion de loyauté, dans la mesure où les "avantages" octroyés constituent la rétribution d'un travail, et qu'il n'y a donc pas de magnanimité de la part du patron à les distribuer, car s'il le fait, c'est qu'il y a intérêt.

Bien entendu, en réalité, ces questionnements sont plus complexes, car les gens ne sont pas des agents économiques purs comme en sont peuplés les livres de sociologie des organisations ou de théorie économique, et il existe des "patrons bienveillants", des salariés sans vergogne, des salariés dont la vergogne pèse sur leurs possibilités d'évolution (les gentils ne sont pas toujours ceux qui réussissent le mieux, quand bien même ils seraient les plus compétents), des patrons qui voudraient bien faire mais qui s'y prennent mal (des salariés aussi), bref, tout une panoplie de gens très humains, qui font de leur mieux dans la machine économique qui prône l'accumulation sans fin du capital.

On peut percevoir ces nuances dans Principe de suspension, bien que le personnage de Thomas soit in fine assez lisse de par la bienveillance qui le caractérise. Le personnage de Loïc, solaire et ambivalent, est pour sa part bien plus intéressant, et ce sont ses motifs que l'on cherche à saisir, lui qui s'est vu offrir une place de choix au sein de Packinter, dont l'avenir repose en partie sur ses épaules, et qui se fait convoiter par la concurrence.

En creux, le personnage d'Olivia attise lui aussi la curiosité, et l'on en prend la mesure au fur et à mesure de la lecture.

J'ai apprécié le dénouement sans concessions, le fait que l'auteur ne cherche pas à nous offrir une fin qui ne ressemblerait pas à la réalité, une solution sortie du chapeau sans crédibilité.
Pour ces raisons, Principe de suspension m'a beaucoup plu, et je ne manquerai pas de suivre l'actualité de son auteur...

Pour vous si...
  • Les compromissions du monde du travail ne vous rebutent pas

Morceaux choisis

"Le problème, c'est qu'un patron se crée l'illusion d'une famille. Du coup, si l'un de ses collaborateurs décide de quitter la société, il le vit comme une trahison, alors que s'il était à sa place, il aurait peut-être fait la même chose... L'entreprise, c'est comme le mariage, de nos jours, les gens n'y restent plus toute leur vie..."

"Le couple est une suspension. Un médicament. Un équilibre hétérogène. La dispersion d'un solide insoluble dans un milieu liquide ou gazeux. Au début, les particules restent en suspension. La stabilité est garantie. Mais avec le temps, il faut agiter le médicament pour le préserver. Sinon les particules précipitent au fond du flacon, et se séparent."

Note finale
3/5
(cool)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire