lundi 8 janvier 2018

La première nuit, Ghislain Loustalot

Ghislain Loustalot est issu du monde de la presse. La première nuit est son premier roman.


Libres pensées...

Ce matin, Catherine a quitté Milan. Ce dernier décide de noyer son chagrin dans l’alcool, jusqu’à ce que son fils Théo débarque chez lui avec ses affaires, après une altercation avec sa mère Virginie, l’ex-femme de Milan. La soirée prend un tour plus inattendu encore lorsque Emilien, le propre père de Milan, avec lequel il entretient une relation houleuse, se présente à son tour sur son palier, à la recherche d’un toit pour la nuit. L’espace de quelques heures, ces trois hommes habituellement taiseux ont tout le loisir de se dire ce qu’ils ne se sont jamais dit. 

Voici un roman surprenant, qui se lit d’une traite ! Construit à la manière d’un huis-clos, il se distingue avant tout par une situation de départ originale, qui conduit à ce que la parole se libère, et avec elle, les émotions refoulées par chacun des personnages, allant de la colère franche à l’amour tendre.

L’arrivée graduelle des personnages et, par la suite, les « révélations » qui se succèdent tout au long de la nuit permettent une progression maîtrisée, sans longueur (selon moi), alors que l’action se déroule sur une douzaine d’heures seulement.

Le format du récit permet de développer les personnalités des trois protagonistes, et de comprendre ainsi leur histoire personnelle, leur point de vue, les ressentiments et les regrets comme les espoirs qu’ils portent, et qui les conduisent à se retrouver en confrontation. Les trois voix sont complémentaires et attachantes à leur manière. 
L’auteur joue ainsi avec une palette de sentiments et de couleurs, révélant les faiblesses de l’un, de l’autre, imaginant que soudain, tous les non-dits d’une vie soient passés au crible, ce qui rend le ton du roman particulièrement intime, mais favorise également la compassion pour les personnages.

Les nombreux dialogues viennent dynamiser le récit et maintiennent le lecteur en haleine, contribuant à appréhender par ce biais la personnalité propre des trois protagonistes.

Il y a néanmoins un bémol qui m'a titillé à la lecture : la présence de protagonistes uniquement masculins (les femmes sont évoquées, elles sont au coeur de certaines conversations, mais elles ne sont pas physiquement là et n'ont pas droit directement à la parole). C'est bien évidemment un parti pris assumé de l'auteur, cependant je n'ai pas pu m'empêcher de penser, à certains moments, que le sujet principal, la difficulté à être homme dans la société actuelle, pouvait faire sourire. Milan est un homme blanc de quarante-cinq ans en France dans les années 2010. Certes, il a ses fêlures, ses ambiguités, son passé, mais soyons francs, globalement, il a quand même tout pour s'en sortir correctement. 

En conclusion, l’histoire interpelle, de par son caractère à la fois banal - un récit familial avant tout - et incongru : les coïncidences conduisant les trois hommes au même endroit au même moment sont assez théâtrales – d’ailleurs, le roman pourrait tout à fait faire l’objet d’une adaptation au théâtre, du fait de l’unité de lieu, de la part faite au dialogue, et des rebondissements qui proviennent des informations échangées par les protagonistes.

A découvrir !

Pour vous si...
  • Un huis-clos masculin ne vous rebute pas
  • Vous raffolez de romans familiaux

Morceaux choisis

"_Tu as toujours préféré ta mère.
_Tu as toujours préféré ta gueule. Désolé d'être vulgaire papa, mais c'est vrai.
_Ok. Un partout, la balle au centre.
_Ah non. Quarante-cinq ans que je supporte cette vanne papa. Franchement je n'en peux plus. Tu ne peux toujours être à égalité de tout."

"Le sourire de Théo s'élargit comme une cicatrice mal recousue. Milan ouvre la porte à ce moment. Avec sa main gauche il met un peu de temps. Théo laisse flotter le silence qui s'installe à nouveau. Ses yeux sondent, la cicatrice s'élargit jusqu'à craquer. Le grand-père parvient à s'arracher de l'attraction hypnotique. Putain de serpent dévoreur qui te serre le coeur et t'annonce que tu vas payer cher."


Note finale
3/5
(très cool)

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