mardi 30 août 2016

Le temps de l'innocence, Edith Wharton

Pour cette fin de mois d'août, je vous ai concocté un classique de-tou-te-beaû-té : un incontournable d'une grande dame américaine, j'ai nommé, Edith Wharton et son Temps de l'innocence!
De nouveau, une prose à laquelle je n'avais jamais goûté, et qui s'est révélée fort riche...



Le synopsis

A la fin du XIXe siècle, un jeune homme de bonne famille, Newland Archer, projette d'épouser la douce et jeune May Welland, issue comme elle de la haute société new-yorkaise, et qui incarne toutes les valeurs attendues chez une jeune fille de son rang.
Cependant, lorsque la cousine de cette dernière, la comtesse Ellen Olenska, rentre d'Europe après avoir fui son époux, et que la rumeur se répand qu'elle envisage de demander un divorce, l'opprobre menace de s'étendre aux Welland, et les talents d'Archer sont sollicités pour tâcher de convaincre Ellen d'éviter le scandale à sa famille.
Peu à peu, Newland découvre la personnalité colorée, anti-conformiste et spontanée de la comtesse, et se laisse troubler.
Entre May et Ellen, il doit choisir à quelle femme se lier, et auprès de laquelle il va passer le reste de sa vie.

Mon avis

Lire Edith Wharton m'a rappelée à une littérature exigeante, où il faut dénicher le sens derrière les sous-entendus propres à la bienséance mondaine : il y a, dans les interactions des personnages, dans leurs pensées et leurs actes, un code propre à la société fermée dans laquelle ils évoluent, si bien que tout semble politique, et rien spontané ou authentique.

C'est en cela que tranche le personnage d'Ellen Olenska : plus libre de par son expérience européenne et les chaînes qu'elle a brisées envers et contre les règles bourgeoises, elle se caractérise par une vivacité de paroles et lorsqu'elle s'exprime, elle ne le fait pas dans le style ampoulé propre aux autres protagonistes.

A l'inverse, May est une jeune fille que l'on découvre être ce que l'on attend d'elle, de bout en bout : douce et dévouée, elle se révèle aussi conformiste et soucieuse de la tradition le demande, et alors qu'elle incarnait l'idéal de Newland, cet attrait se dissipe au fil du temps, lorsque le vernis social ne suffit plus à contrebalancer l'ennui qui peuple leurs jours ensemble.

Car l'intérêt majeur du roman, au-delà de la peinture qu'il offre d'une époque et d'un milieu particuliers, réside dans le choix de Newland, ce dilemme et cette tension qui l'habitent et le poussent un temps à considérer l'abandon de tout ce qu'il a toujours connu et a appris à convoiter, puis, à s'en retourner à la raison, et à ne pas poursuivre son élan de folie - à moins qu'il ne se soit agi d'un élan de conscience?

Le temps de l'innocence est un récit tragique, qui se pare des atours de la haute société, et n'en laisse rien paraître, pourtant le sort de Newland n'a rien d'enviable, et génère un sentiment de gâchis terrible.

Seul petit bémol : un peu à la manière de l'Aurélien d'Aragon, le roman ressemble à une succession de sorties mondaines, d'entrevues et de conversations qui confinent à une élite new-yorkaise, et si l'on se détourne de l'intérêt historique/sociologique, il est possible d'être gagné par la langueur qui semble occuper ces gens qui s'ennuient. 

Pour vous si...
  • Vous ne vous laissez pas impressionner par les récits mondains, et trouvez justement passionnants les codes qui régissent le microcosme social formé par l'élite du pays.

Morceaux choisis

"Loin de vouloir que la future Mrs. Newland Archer fît preuve de naïveté et d'ignorance, il désirait qu'elle acquît à la lumière de sa propre influence un tact mondain et une vivacité d'esprit la mettant à même de rivaliser avec les plus admirées des jeunes femmes de son entourage : car dans ce milieu c'était un usage consacré d'attirer les hommages masculins, tout en les décourageant."

"_Les femmes devraient être libres, aussi libres que nous le sommes, déclara-t-il, faisant une découverte dont il ne pouvait, dans son irritation, mesurer les redoutables conséquences."

"Archer songeait. Il songeait à la platitude de l'avenir qui l'attendait et, au bout de cette perspective monotone, il apercevait sa propre image, l'image d'un homme à qui il n'arriverait jamais rien."

"Il était las de vivre dans la fiction d'une lune de miel qui avait les exigences de la passion sans en avoir la chaleur."


Note finale
3/5
(cool)

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