jeudi 11 août 2016

Les vrais durs, TC Boyle

La dernière production du grand Boyle!
San Miguel m'avait fait la meilleure impression, Le cercle des initiés m'avait fascinée de par son audace, et je lis, ces derniers temps, trop peu d'Américains.
Tous les signaux étaient au vert, pour aller à la rencontre de ces vrais durs. 


Le synopsis

En vacances au Costa Rica, Sten Stensen et sa femme Carolee sont attaqués, ainsi que leur groupe de voyage, par un gang armé. Ancien marine, Sten se défend et tue l'un des assaillants, mettant en fuite les autres.
Considéré comme un héros, il fait néanmoins l'objet d'un interrogatoire par la police locale avant de pouvoir quitter le pays.
De retour chez lui, il aspire à la tranquillité, mais ses relations avec son fils Adam s'enveniment du fait de l'accident. Adam est un jeune homme instable, psychotique, persuadé d'être la réincarnation de John Colter, trapper du XIXe siècle. Lorsqu'Adam rencontre Sara, une femme de quarante ans rejetant toute forme d'autorité et fermement opposée à toute injonction provenant du gouvernement, avec laquelle il noue une relation passionnelle, sa folie s'enraye et le fait basculer. 

Mon avis

Comme dans les précédents romans de TC, Les vrais durs garantit une immersion rapide. Dès les premières pages, on assiste à l'agression du groupe du troisième âge en voyage au Costa Rica, et à son issue brutale, qui permet de faire connaissance avec Sten.

Ce premier contact est original, et déstabilise.
La suite n'en est que plus attendue.

La rencontre avec le personnage de Sara est elle aussi haute en couleur, puisqu'on la découvre vindicative face à un contrôle routier, au point de se voir confisquer son véhicule et son chien. La scène a le mérite de nous donner un bon aperçu du personnage, puisque son indisposition à l'égard de tout ce qui incarne le gouvernement et ce qu'elle juge être des atteintes à sa liberté est récurrentes dans le reste du récit.

Vient ensuite Adam. C'est sans doute le personnage qui se dévoile le moins au premier abord, et dont on va peu à peu appréhender l'envergure de la folie. On le comprend en conflit avec son père, perdu, puéril à certains égards, et bientôt persuadé que le monde grouille d'aliens et d'indiens à ses trousses, en tant que réincarnation de Colter (il refuse d'emblée qu'on le nomme autrement).

A l'instar de ce que j'avais pu découvrir dans ses autres romans, les personnages chez Boyle sont entiers, faits de paradoxes, de tares, d'excès. Ils n'incarnent pas précisément le tout-venant, mais sont cependant des gens qui sembleraient réels, tant l'auteur s'attache à les rendre humains. Ce sont de "vrais gens" en quelque sorte, qui se débattent dans leur quotidien, avancent cahin-caha, portent une histoire et des croyances parfois lourdes et qui leur sont propres, et ils contribuent à distinguer la peinture, par l'auteur, d'un milieu social.

Ici, ils expriment peu leurs sentiments, sont enclins à manifester une certaine étroitesse d'esprit, sont absorbés par leurs propres problèmes, et lorsque la situation prend une dimension dramatique, chacun réagit à sa manière : Sten révèle son inquiétude profonde pour son fils qui semble pourtant le rejeter violemment, Sara se préoccupe pour son chien, mais montre bientôt une certaine faiblesse à l'égard d'Adam, qu'elle recueille y compris lorsqu'il la met en danger.

Tous appartiennent à la classe moyenne américaine, mais en donnent un visage particulier, à travers leur mode de vie, leurs attentes, leurs façon de voir les choses, leurs réactions face à la folie.

Folie qui n'est pas commune, puisqu'elle fait rejaillir un pan de l'histoire américaine, et y mêle les aliens, obsession du pays depuis des décennies.

Avec Les vrais durs, TC Boyle parvient à marier le singulier et l'universel, en faisant vivre des personnages aux prises avec leur environnement et leur carcan mental, chacun inventant sa trajectoire, tout à côté des autres.

J'ai été globalement moins sensible à ce milieu qu'à celui dépeint dans San Miguel et Le cercle des initiés, mais le talent de Boyle est incontestable, dans ce qu'il capte et traduit d'une réalité sociale et humaine.


Pour vous si...
  • Vous êtes également persuadé que les personnages historiques se réincarnent. D'ailleurs, vous, vous êtes la réincarnation de Jean-Paul Marat.
  • Vous aimez les fresques américaines où les personnages sont insolites, voire givrés.

Morceaux choisis

"Il existe des peurs sans nom et des peurs qui en ont. Enfant, il ne rêvait pas de vampires, de monstres ou de gens qui le poursuivaient armés de poignards, de haches et de têtes décapitées, mais de choses amorphes, ni humaines ni animales : une peur fichée dans le ventre, dedans, une peur qu'on ne pouvait ni définir ni vaincre."

"Ses poumons allaient éclater? Oui, oui, mais il n'en continua pas moins, fouillant frénétiquement les débris, prêt à se noyer plutôt que de se rendre : il était Colter, il était une légende mais, pour être légendaire, il fallait aussi avoir de la chance."

"Voilà comment ça se passait toujours. Pour tous les habitants de cette planète. Tu étais en bois? On t'incendiait. Tu étais en acier? On t'arrosait pour que tu rouilles. Tu étais Colter? Tu finissais par renoncer à tout pour mourir dans ton lit. Il n'y avait pas d'issue mais ça n'importait guère. Tu devais simplement être dur, fabriquer ta propre légende, et advienne que pourra."


Note finale
2/5
(pas mal)

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