mardi 28 juin 2016

Le miroir aux alouettes, Michel Onfray

Une autobiographie politique, voilà qui est prometteur! Il fallait au moins Onfray pour y penser et concrétiser un tel projet...



Le synopsis

Michel Onfray nous parle de ses positions politiques, de leur origine, de ses détracteurs, et passe au crible la scène politique française d'hier et d'aujourd'hui. 

Mon avis

Une lecture rafraîchissante!

Avant toute chose, sachez que je suis assez peu familière avec le parcours et les écrits de l'auteur.
Je me souviens vaguement de l'Antimanuel de philosophie, sans doute un reliquat de cadeaux d'anniversaire, auquel je n'avais, à l'époque, pas entendu grand chose.

Mais son intervention sur le plateau de la Grande Librairie (encore elle) il y a quelques semaines m'a donné envie de voir de quoi il en retournait.
Avec la parution de deux bouquins en ce début d'année, et 80 autres publiés, j'avais un peu l'embarras du choix...

Et bien, figurez-vous que je ne regrette pas un instant!
D'abord parce que ma petite sœur a lu dans un sombre article de journaleux optimiste que 2 minutes de rire valaient autant de temps de vie supplémentaire que 30 minutes de jogging, et a cru bon de m'en faire part.
Ensuite, parce que, temps de vie supplémentaire ou pas, qui n'est pas tout bonnement heureux de tressauter spontanément de rire dans les transports publics parisiens?
Absolument, je vous le dis en mille : Le miroir aux alouettes est proprement hilarant.
Il faut dire que Michel n'y va pas par quatre chemins, et, au-delà d'assumer franchement ses péchés gourmands (Proudhon et Nietzsche) et ses tristes désillusions (menant au vote blanc), il ne se montre pas vraiment miséricordieux pour les plus sinueux que lui, et s'arme d'un humour acéré et cynique pour relater leurs faits d'armes.
D'ailleurs, et c'est peut-être là ce qui lui vaut des taquineries, Michel a un côté rageux qui s'exprime de manière privilégiée dans cette autobiographie politique, puisqu'il entreprend d'y régler ses comptes avec un paquet de médisants.
Pour qui n'est pas connaisseur de cet historique visiblement lourd, cela peut paraître étrange, et un poil rancunier!

Alors, attention, le roman n'est pas que piques et venin, loin de là, et tout comme l'émission Fun with flags de Sheldon Cooper dans TBBT, on apprend en s'amusant : Michel Onfray revient aux sources, et nous rappelle le sens authentique de certains mots devenus galvaudés à force de les utiliser à tort et à travers : ainsi résistant et militant, ainsi antisémite, dont on l'a apparemment largement taxé.

Il interroge ensuite la place de la philosophie, et la possibilité ou l'impossibilité de philosopher à la télé. Sa réflexion s'étend aux réseaux sociaux, avec l'hypothèse que Socrate aurait été notre maître à tous en matière de tweets : il n'y a qu'à voir ses maximes connues, pour la plupart tenant dans moins de 140 signes.

Onfray nous met en garde, pointe du doigt le caractère manipulable des images et des pensées que les médias servent, où l'on ne laisse pas de libre arbitre (ou si peu) au public, et où la conclusion à tirer est mise en exergue de sorte qu'on ne la questionne pas.
Il évoque le règlement violent des problèmes liés à l'islam, et donne envie par là même de se référer à son autre ouvrage paru en mars, Penser l'islam.
Soulignant la ligne de Mitterrand en tant qu'anti-gaulliste forcené, qui a prospéré à gauche en dépit de l'inflexion de droite donnée à la politique dès 1983, Onfray déplore les compromissions actuelles nombreuses et faciles à constater, menant à des politiques et des convictions ni de droite ni de gauche, et ne voit dans les figures possibles de 2017 aucun bon augure pour l'avenir politique de la France.

On peut bien en penser ce que l'on veut, mais je dois dire que le roman est convainquant (le rire est toujours la meilleure arme pour cela), et invite le lecteur à prendre ses responsabilités, à cesser de se trouver des excuses et à prendre la juste mesure de ses actes, ainsi que de son inaction. C'est tranché, mais, à mon sens, c'est aussi salutaire.


Pour vous si...
  • Vous aimez bien que l'on tacle les figures du pouvoir sans s'embarrasser du politiquement correct
  • Vous éprouvez une certaine tendresse à l'égard des anarchistes

Morceaux choisis

"Ce copain d'école, jovial et déjanté, est mort dans la quarantaine, confit dans l'alcool, d'un cancer de testicules qui avaient beaucoup servi." (et oui, parmi toutes les bonnes idées de Michel, je choisis d'en retenir une sur les testicules. Ah ah)

"Je crois que ne pas voter est un devoir quand ceux qui se présentent à nos suffrages se moquent d'honorer les promesses qu'ils font pour parvenir au pouvoir. Ça n'est pas le vote qui devrait être obligatoire, mais le respect de ses engagements de la part des élus."

"Un résistant met sa vie en jeu. Quiconque ne risque pas son existence dans une cause qu'il épouse est un militant, pas un résistant."

"La déréliction d'une époque s'accompagne de la déréliction du langage. Quand plus rien ne fait sens, pourquoi les mots le feraient-ils, eux et eux seuls? [...] Plus besoin de signifiants clairs avec des signifiés précis quand triomphe partout le désir de faire de l'audience."

"Trêve de plaisanterie : notre époque n'a pas inventé le tweet, elle lui a donné un nom anglo-saxon. Avant lui, on parlait d'aphorisme."

"L'Europe libérale, c'est l'augmentation considérable de la paupérisation : les riches de plus en plus riches et de moins en moins nombreux, les pauvres de plus en plus pauvres et de plus en plus nombreux. Des imbéciles sont médiatiquement promus rois du monde parce que, avec le football, le cinéma, la télévision, le rap, le CAC40, la chanson, ils peuvent dépenser sans compter pendant que d'autres les regardent avec envie du caniveau dans lequel ils croupissent."

"Essentialiser l'islam est la pire des choses."

"Si les philosophes n'ont fait jusqu'ici qu'interpréter le monde, il y en a un parmi eux, La Boétie, qui a donné la règle pour le changer radicalement sans violence, ici et maintenant, immédiatement, sans lendemains qui chantent : "Soyez résolus de ne plus servir, et vous voilà libres." Si nous sommes esclaves, chacun sait désormais qu'il ne tient qu'à lui de cesser de l'être. S'il le reste, c'est qu'il l'aura voulu."

Note finale
3/5
(cool)

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