J'éprouve une curiosité à l'égard des romans d'Agnès Ledig depuis quelque temps déjà. Les titres et les synopsis me faisaient redouter une Martin-Lugand bis, et vous savez bien sûr que ce n'est pas vraiment ma tasse de thé. J'ai pris cette semaine mon courage à deux mains pour aller voir par moi-même de quoi il en retourne, et me faire ma propre idée.
Promis, pas de langue de bois.
Vous m'accorderez que cette image de couverture a de quoi faire flipper...
Le synopsis
Valentine est institutrice en Alsace, où elle vit dans une ferme non loin d'un village où elle a grandi.
Un soir d'orage, un homme frappe à sa porte, les bras chargés d'une petite fille malade. Ainsi Valentine fait-elle la rencontre d'Eric et de sa fille Anna-Nina (médaille du prénom le plus pourri), qui vivent dans une roulotte et arpentent les routes de France depuis des années, la mère d'Anna-Nina étant morte en couches.
Peu à peu, ils s'apprivoisent, Anna-Nina accompagne Valentine à l'école et découvre une vie sociale dont elle est totalement ignorante, et Valentine se rapproche d'Eric, qui veut d'abord la tenir à distance, mais résiste difficilement à l'attraction physique qu'il éprouve. Pour démêler ses sentiments, Valentine peut compter sur le soutien de Gaël, son meilleur ami lui-même impliqué dans des histoires compliquées, et Gustave, son voisin prévenant et protecteur.
Mon avis
Une chose est sûre : en refermant le livre, le regret ne se fait pas attendre longtemps, si bien que le titre se révèle sinistrement prédictif : oui, on regrettera d'avoir perdu deux heures de vie, ça ne fait aucun doute.
Les débuts n'étaient cependant pas particulièrement mauvais, et m'ont même semblé distrayants.
Assez rapidement néanmoins, l'intrigue prend un tour prévisible, l'auteur multiplie les formules creuses et les lieux communs, ce qui exacerbe l'agacement.
En parallèle de l'histoire de Valentine, on découvre celle de Suzanne, faite prisonnière par les Nazis durant la Seconde Guerre Mondiale, mais elle s'enlise également : on se demande où l'auteur veut en venir, on perd finalement tout intérêt pour ce personnage qui manque de relief, et l'issue prouve qu'il n'y avait pas matière à développer à ce point ce volet, qui donne lieu pour finir à une psychologie de comptoir improbable et inepte.
Valentine n'a rien de très intéressant, Eric la fuit sous prétexte qu'elle est compliquée alors qu'il n'y a rien qui fasse penser que ce serait là un trait du personnage, lui-même ne se caractérise que par son obsession pour sa femme décédée et sa fille et ne semble, par ailleurs, pas manifester la moindre consistance.
La palme revient à Gaël, personnage inutile dont la romance est à vomir (comment se passionner pour un bonhomme marié seulement préoccupé par la liaison adultère qu'il a entretenue avec une certaine Stéphanie, laquelle a eu la présence d'esprit de se carapater en vitesse). Gaël n'apporte rien, il sert tout au plus à démontrer que Valentine est moins seule que ne pourrait le laisser supposer sa réaction à la venue d'Eric et Anna-Nina (je ne me fais pas à ce prénom cul-cul la praline à souhait...), mais il n'a strictement aucune valeur ajoutée et, pour ma part, n'a pas suscité la moindre once d'empathie.
Si l'on récapitule : des personnages assez fades, une intrigue générale entendue et cousue de fil blanc, des intrigues secondaires au contraire complètement décousues et impersonnelles, le tout servi par une écriture engoncée dans les stéréotypes et des images ridicules, voire kitsch...
Mais, ne serait-ce pas...?
Absolument, je confirme.
C'est un bon gros flop.
A ne lire sous aucun prétexte.
Pour vous si...
- Vous êtes un ennemi de la littérature. Félon, je vous traquerai et vous pourfendrai sans relâche!
Morceaux choisis
"J'aime lire aussi, et je n'ai pas encore pris le temps de voir les titres de ses bouquins. On connaît parfois mieux les gens en observant leur bibliothèque."
"Moi, je lui fabrique des bricolages avec des branches de bois, je trafique son vélo pour qu'il fasse des bruits rigolos quand elle roule, nous faisons la bagarre ensemble, je lui apprends mille choses du quotidien, mais je suis incapable de lui transmettre ces éléments de féminité." (début de la mélopée des remarques sexuées dont on se passerait bien, et qui laissent subodorer le pire - parce que, c'est bien connu, les filles jouent à la poupée et les garçons se bagarrent, pas d'alternative.)
"Valentine tombe amoureuse comme on tombe dans les pommes, ça prévient pas, elle n'est plus consciente de rien, et quand elle se réveille après une bonne paire de baffes, elle n'est pas bien pendant un moment avant de se remettre sur pied." (Contrairement au reste de l'humanité qui reçoit un courrier AR pour prévenir que l'amour est en chemin, et en cas d'échec, retrouve sa joie de vivre dès le lendemain. Donc, Valentine est trèèèès singulière.)
[attention scène de cul]
"Il fait chaud au fond d'elle. Chaud et humide." (Vous ne rêvez pas, ce cher Eric fait bien référence au vagin de cette chère Valentine, avec une originalité qui me scie les jambes. J'aimerais tellement, pour une fois, lire quelque chose comme "Il fait froid en elle. Froid et sec". Allons Agnès, on n'en est plus à un lieu commun près, n'est-ce pas?)
"J'échange quelques mots avec les parents de Charlotte, qui m'assurent que tout s'est passé à merveille et qu'Anna-Nina est adorable de gentillesse et de douceur." (Là aussi, merci du truisme. "Adorable de méchanceté et de vice", ça aurait eu plus de cachet tout de même).
"Juste la froideur d'un cœur de père qui part." (on est au climax poétique du bouquin, d'ailleurs Agnès est tellement fan de sa formule qu'elle la réemploie par la suite, au cas où on l'aurait manquée la première fois. Sympa.)
"Valentine! Tu files un mauvais coton. Ne t'attache pas à elle si tu ne veux rien savoir de lui. Ils sont comme la lune et le soleil, comme la locomotive et les wagons, comme le sable et la mer. L'un ne va pas sans l'autre." (Ouh la la, beaucoup trop d'audace dans ces comparaisons! Je propose pour compléter : la bite et le couteau, la saucisse et les lentilles, la fesse gauche et la fesse droite...)
"Comment, à son âge, peut-on comprendre un tel poème? Comment, si petite, peut-elle discerner la complexité des relations humaines?" (Humm... Peut-être parce qu'elle n'existe pas?...)
"Et en lui expliquant cela, je saisis enfin le lien entre ce qu'a vécu ma grand-mère et ce qui m'arrive. Cet épisode avec les nazis, alors qu'elle était enceinte, a donc inconsciemment imprimé aux générations suivantes de femmes qu'il est dangereux d'aimer un homme. Qu'on peut en mourir." (Alors là...Chapeau, je ne l'ai pas vu venir.... OO....D'ailleurs, tant qu'on y est, c'est aussi la faute des nazis si je suis célibataire et que j'aime pas le ski. Satanés nazis. Qui aurait cru qu'ils auraient un impact sur l'instabilité sentimentale et émotionnelle des jeunes gens du XXIe siècle.) (Le pire, c'est que ce dindon de Valentine, au lieu d'avoir honte de sa grotesque trouvaille, va aller jusqu'à la raconter à ce cher Eric par lettres interposées. Et Eric ne va pas fuir, non non, ça va le faire revenir. J'ai des spasmes de rage qui n'ont rien à envier à ceux des épileptiques.)
Note finale
1/5
(flop flop flop)
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