jeudi 30 juin 2016

Dispersez-vous, ralliez-vous!, Philippe Djian

L'adaptation de son roman Oh... au cinéma dernièrement (Elle avec Isabelle Huppert) a été un beau succès (en dépit du thème qui met fort mal à l'aise et donne un peu envie de vomir - mais c'est tout l'art de Djian, la lecture du roman ne retranscrivait pas ce sentiment qui prend à la gorge lorsque l'on se contente de lire le synopsis). 
J'ai donc songé naturellement à m'enquérir de l'actualité de Philippe, et me suis empressée de lire sa dernière production. 



Le synopsis

Myriam est une jeune fille naïve qui a été élevée par son père à l'écart de l'agitation extérieure. Elle a dix-huit ans lorsqu'elle épouse Yann, son voisin bien plus âgé, qui ne lui inspire guère de sentiments, pas plus que les autres êtres qu'elle croise par mégarde.
Ils ont une petite fille, mais la maternité ne constitue pas non plus une révélation.
Myriam consomme de la drogue, prend un amant, retrouve sa mère, et, les années passant, devient une femme affirmée.

Mon avis

Les lecteurs de Djian parlent souvent d'une magie particulière, qui opère dès lors que l'on se laisse tenter par les premières pages de ses romans.

Force est de reconnaître que la plume de l'auteur parvient un tour de force, en engageant de bout en bout le lecteur, alors que l'histoire qu'il raconte est étrange, ses personnages plutôt froids, et qu'une atmosphère de malaise règne dans l'oeuvre.

Après avoir lu Oh..., j'ai en effet l'impression que l'auteur approche la psychologie des femmes sous un angle assez particulier, qui ne reflète rien de ce que je connais : Myriam, a 18 ans, n'a aucune idée de ce que peut être la sexualité, et plus incongru encore, s'en désintéresse (pire qu'improbable, absolument impossible : imaginez une jeune fille qui ne conçoive à cet égard par la moindre forme de curiosité... Bien, nous sommes d'accord.). Elle semble conduire sa vie sans être traversée par la moindre émotion, il faut attendre la maturité pour qu'enfin la coquille se révèle moins vide que ce que tout portait à croire.
Ses relations avec ceux qui l'entourent, quels qu'ils soient, font naître, à mesure que le récit progresse, un trouble désagréable : Myriam vit, jeune fille et jeune femme, dans une solitude étouffante. Peu à peu, son monde se peuple de figures qui viennent apporter du relief et de la densité, cependant Myriam reste relativement impénétrable, voire même, et c'est terrible à dire, insignifiante.

L'épisode relatif à l'introduction de la drogue dans son quotidien, qui en vient naturellement à occuper une place centrale, m'a laissée perplexe, et tout à fait insensible.

La deuxième partie du roman, en revanche, a provoqué un regain d'intérêt, dans la mesure où le personnage de Myriam s'affirme peu à peu, devient moins transparente et moins fade.

Je ne peux donc pas dire que le cadre et les protagonistes du roman m'aient fait forte impression et m'aient passionnée, cependant il serait exagéré de parler d'ennui à la lecture : l'écriture de Djian, virtuose dans l'art du minimalisme, agit comme un sort, et l'on ne saurait abandonner le récit en route.

Un roman qui ravira sans aucun doute les fans de l'auteur!

Pour vous si...
  • La prose de Djian est un peu votre came
  • La perspective qu'une femme découvre l'orgasme à 35 ans avec son mari (après une longue et morne vie sexuelle) ne vous congestionne pas de peine

Morceaux choisis

"J'avais dix-huit ans et je n'avais toujours pas mes règles. [...] Or c'est arrivé au milieu de la nuit, sans prévenir, je me suis réveillée au matin dans une mare de sang." (L'imaginaire masculin, lorsqu'il est question des menstruations, est vraiment sans limite. Pourquoi pas plutôt une cascade de sang, ou mieux, une mer de sang? Une mare, c'est un peu modeste quand même...)

"Je suis tombée enceinte quelques mois plus tard. J'étais habituée à être assommée, à recevoir le plafond sur la tête. Yann m'a fait asseoir sur ses genoux pour me déclarer que je le comblais de joie alors que j'étais sans réaction, aussi froide qu'un jambon." (meilleure comparaison au monde)

"J'avais presque la nostalgie de mon adolescence, quelquefois, de ces années sourdes et blanches au fond desquelles Yann m'avait arrachée, de ces journées où rien n'arrivait, où je restais seule, où je ne voyais personne, de ces journées rythmées par le lever du jour et le retour de mon père, de nos repas silencieux, de la poussière qui retombait faiblement, de la lenteur des saisons, de l'indifférence, de l'immobilité."


Note finale
2/5
(pas mal)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire