vendredi 22 juillet 2016

La jeune fille suppliciée sur une étagère, Akira Yoshimura

Lorsqu'une connaissance m'a parlé de ce roman au titre épatant, j'ai su tout de suite que je n'avais pas le choix, et qu'il allait falloir me résoudre à le lire. 
Sérieusement, est-ce que ce n'est pas bonnement l'un des meilleurs titres au monde? 



Le synopsis

Une jeune fille de seize ans trouve la mort des suites d'une pneumonie. Ses parents cèdent son corps à des hommes inconnus en échange d'une somme forfaitaire.
Commence alors le long supplice auquel sa dépouille est soumise : dans un hôpital, on lui retire ses organes, la peau, son corps est ensuite utilisé par des étudiants à des fins expérimentales, et lorsqu'enfin il ne reste plus rien à en faire, il est brûlé et ses cendres rapportées à ses parents, lesquels les refusent, si bien que l'urne contenant ce qu'il reste de la jeune fille se retrouve dans un bâtiment réservé aux cendres anonymes, entreposée sur une étagère déjà bien garnie.

La deuxième nouvelle porte sur deux amis, Eichi et Sone. Sone entraîne un jour Eichi dans une excursion dont ils rapportent des Jizo que Sone vend. Mais la réputation de Sone est troublante : on raconte qu'il convainc des jeunes filles de se suicider par amour pour lui... Lorsque Sone offre un Jizo à la sœur d'Eichi, chassée par sa belle-famille après la découverte de sa stérilité, Eichi s'inquiète de la relation naissante entre eux.

Mon avis

J'ai découvert Yoshimura il y a plusieurs années, grâce au concours de Nombre Premier.
Son roman Naufrages m'avait fait forte impression, et m"avait donné le sentiment de découvrir un monde qui m'était inconnu.
Il est rare, je pense, de croiser un écrivain qui nous transporte véritablement dans un univers qui lui est propre.
La lecture de La jeune fille suppliciée sur une étagère me conforte dans l'idée que Yoshimura est de ces auteurs-là.

Le sujet choisi est tout d'abord un facteur important. Ici, il se révèle tout à fait improbable, et donne lieu à un traitement inédit : la narratrice est cette jeune fille morte, qui nous raconte par le détail, avec une précision chirurgicale (uh uh...), tout ce à quoi est soumis son cadavre.
Bien sûr, cela peut occasionner un certain malaise, car aucune incision n'est passée sous silence. Cependant, il y a également quelque chose de fascinant dans ce récit inusuel, qui va au-delà des limites habituelles de la narration, et qui nous fait appréhender une situation dérangeante (la dépouille d'une jeune fille pauvre vendue par ses parents pour récupérer un peu d'argent) sous un angle de vue de l'ordre du fantastique.

L'écriture, par ailleurs, est exempte d'émotions vives, et se contente d'être factuelle, ce qui décuple à mon sens l'effet produit : une narration lyrique ou élégiaque aurait été pénible. Ici, on est dans la description pure, et si l'on accède aux pensées de la jeune fille, elle ne se répand pas en plaintes ou en regrets, elle garde au contraire une pudeur qui touche davantage que si le style avait versé dans l'épanchement.

Cette même pudeur se retrouve dans la deuxième nouvelle, Le sourire des pierres, qui se trouve dans le livre. Ici, il n'y a pas vraiment de fin, on ne peut qu'imaginer ce au-devant de quoi Eichi accourt, et la réponse, en suspens, laisse ouverts tous les possibles, dégageant là aussi une force particulière.

Ces deux lectures se sont donc révélées singulières, et ont rappelé Yoshimura à mon bon souvenir. Cela tombe bien, Le convoi de l'eau attend sur mon étagère depuis un petit moment. Cela dit, il ne s'expose, lui, à aucun supplice.

Pour vous si...
  • Vous êtes du genre minutieux, et vous appréciez que l'on soit précis

Morceaux choisis

"Quelle signification mon corps pouvait-il avoir, maintenant que les organes féminins et les principaux viscères en avaient été enlevés? Jamais je n'aurais imaginé que l'enveloppe reçue par ma mère pouvait en représenter le prix. Je ne pouvais pas m'empêcher de trouver étrange que ma peau ou les organes de mon corps pussent être échangés contre une quelconque somme d'argent.
J'éprouvais un curieux sentiment de vide? Ainsi enveloppée, je pensais que la mission de mon corps était terminée. Je sentais un calme profond s'en élever comme de la brume."


Note finale
3/5
(cool)

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