Je vous ai parlé de Cynthia Fleury à l'occasion de Livre-Paris, qui s'est tenu en mars, puisqu'elle intervenait dans une table ronde en compagnie de Luis Sepulveda, Vincent Message et François Busnel.
Un drôle de personnage, qui n'hésitait pas à affirmer des points de vue assez radicaux, en rupture avec les positions bien-pensantes à l'égard de la littérature!
J'ai fini par me procurer son roman, avide de savoir ce qui se cachait derrière ce livre dont elle disait espérer qu'il procure un morne ennui au lecteur (affirmation déjà fort prometteuse).
Et bien, devinez quoi? Première surprise, ce n'est pas du tout un roman!
Le synopsis
Et oui, il s'agit bien davantage d'un essai dans lequel l'auteur analyse les conditions de l'individuation, en lien avec le caractère irremplaçable des individus dans la régulation démocratique (j'imagine que le sujet est maintenant très clair pour vous.).
Mon avis
Fidèle à elle-même, on peut dire que Cynthia Fleury est plutôt directe dans l'essai qu'elle livre, et qu'elle n'y va pas avec le dos de la cuillère (bien que le synopsis n'en laisse rien paraître).
La première chose qui frappe, c'est la piqûre de rappel : et oui, en philosophie, il n'est pas de bon ton de juxtaposer trop de mots simples, souvenez-vous de ces maximes qui font buter quasiment sur chaque syllabe : "Aussi la raison pure est-elle celle qui contient les principes qui servent à connaître quelque chose absolument a priori", ou encore "La raison pure peut être pratique, c’est-à-dire déterminer la volonté par elle-même, indépendamment de tout élément empirique".
Donc, vous n'avez pas affaire ici à une lecture de plage.
Ne vous méprenez pas, l'essai n'en est pas pour autant dépourvu d'intérêt, bien au contraire, et en dépit des allégations et promesses d'ennui mortel de l'auteur!
L'ambition est double, puisqu'il s'agit de traiter deux hypothèses :
- En quoi l'individuation est-elle protectrice de l'Etat de droit?
- Le pouvoir est-il la continuation de la religion par d'autres moyens?
Un programme appétissant, en somme!
Alors je ne vais pas briser le suspense (et aussi, c'est pas évident à chroniquer, un essai...), sachez que le livre est bien construit, que l'on a plaisir à progresser dans la réflexion, l'auteur assume des positions parfois tranchées, tout n'est pas toujours très clair, mais j'ai été assez convaincue par certaines argumentations.
Bien entendu, j'ai songé en lisant qu'il était hautement fructueux d'avoir pu assister à la table ronde de mars, qui m'a permis d'appréhender la vision globale de l'auteur, certaines de ses postures et de ses ambitions en écrivant, et cela bien sûr a nourri la lecture.
Alors je ne vais pas briser le suspense (et aussi, c'est pas évident à chroniquer, un essai...), sachez que le livre est bien construit, que l'on a plaisir à progresser dans la réflexion, l'auteur assume des positions parfois tranchées, tout n'est pas toujours très clair, mais j'ai été assez convaincue par certaines argumentations.
Bien entendu, j'ai songé en lisant qu'il était hautement fructueux d'avoir pu assister à la table ronde de mars, qui m'a permis d'appréhender la vision globale de l'auteur, certaines de ses postures et de ses ambitions en écrivant, et cela bien sûr a nourri la lecture.
Pour vous si...
- Vous vous êtes toujours interrogé sur l'irremplaçabilité des individus sans jamais oser mentionner le sujet à table
- Vous êtes allergique à toute phrase comprenant plus de trois mots accessibles et compréhensibles par le commun des mortels
Morceaux choisis
"Le roi partage avec le fou ce manque de distance par rapport à lui-même, le fait d'avoir oublié la vérité symbolique qui détermine tout humain, à savoir sa finitude, son manque originel et son destin d'atomisation." (voilà quelqu'un de fort optimiste)
"S'individuer, c'est prendre conscience de la faiblesse inhérente à l'individu et du seul destin ici proposé sur la terre. L'absurdité est le chemin offert à l'homme, comme matière à sublimation."
"S'individuer nécessite de calmer la colère en soi pour que celle-ci ne consume pas l'être. Au lieu de cela, Médée laisse le déni de reconnaissance devenir son identité, de manière à lui donner la justification pour tuer ceux qui la dénient, comme ceux qui ne la dénient pas. Mais cela ne suffit pas à Médée. Car elle refuse une autre vérité, plus originelle encore. Celle de son propre manque. Si elle a tant donné à Jason, c'est pour compenser ce manque inaugural. Elle est ici victime de sa propre illusion sur la place de l'autre dans le processus d'individuation."
"Tout l'enjeu est alors de liquider chez le rouage plus petit que soi le sentiment de son individuation, soit de son irremplaçabilité. Persuadé de n'être rien de singulier, d'être (même pas) un parmi d'autres, comment le rouage pourrait-il ressentir un sentiment de responsabilité? Une fois ce sentiment de responsabilité liquidé, le pouvoir délègue précisément au chaînon la responsabilité de l'exécution d'une décision."
"La tyrannie est une pathologie de la démesure, de l'absence de compréhension de ce qu'est une limite, au sens où celle-ci possède une valeur créatrice. L'absence d'autorité solde l'émergence de l'autoritarisme. Partant, le premier travail de l'éducation est de veiller au maintien de l'autorité et du respect de celle-ci. Éduquer, c'est transmettre à l'individu la capacité de reconnaissance des légitimités."
"L'individuation est le produit d'un travail, d'un labeur qui s'est fait sens tout au long de la vie. Cette éducation à l'individuation, qui dure une vie entière, n'est le fruit d'aucune évidence. Il faudra du soin et de la discipline pour voir émerger un chemin vers elle.
[...] L'irremplaçabilité se définit comme une responsabilité construite avec l'autre et destinée à assumer le déploiement de la personnalité propre."
Note finale
2/5
(intéressant)
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