vendredi 7 avril 2017

Aveu de faiblesses, Frédéric Viguier

J'ai découvert Frédéric Viguier à travers son premier roman, Ressources inhumaines, qui m'avait longtemps hantée. Son deuxième roman, Aveu de faiblesses, est paru en début d'année, et promettait d'être tout aussi singulier, sur un sujet néanmoins différent, loin du monde du travail et de la grande distribution.
Ça tombe bien, je suis intimement persuadée que les grands auteurs se distinguent à leur polyvalence, à leur facilité à explorer des sujets et des formes variés. 
J'avais donc grand hâte de découvrir ce que me réservait ce livre...



Libres pensées...

Aveu de faiblesses est l'histoire d'Yvan Gourlet. A 17 ans, il vit en solitaire auprès de ses parents, de son père qui n'a guère d'égards pour lui, et sa mère qui n'a de cesse de sculpter des figurines en beurre et de collectionner des boîtes de fromage. Yvan n'a pas vraiment d'amis, il faut dire qu'il est gauche, et surtout laid, si bien que les autres adolescents et enfants le prennent pour cible de leurs quolibets dès que l'occasion se présente.
Un jour, le cadavre de Romain Barral, un enfant de 8 ans voisin des Gourlet, est retrouvé dans un fossé.
Alors que la ville est sous le choc, l'enquête se tourne rapidement vers Yvan, qui semble ne pas avoir d'alibi sérieux et dont la mère ment pour éloigner les enquêteurs.

Je m'arrête là, je ne voudrais pas non plus vous gâcher tout le suspense.
Mais l'histoire, vous l'aurez senti, est extrêmement prenante. Tout comme Ressources inhumaines, Aveu de faiblesses est un roman que l'on lit d'une traite, le souffle court. Le sentiment de malaise profond qui règne happe le lecteur dès les premières pages, et l'oppresse encore après avoir refermé le livre.

L'intrigue n'est pas tout à fait inédite, dans son sujet comme dans sa structure, elle engage néanmoins le lecteur qui se voit traverser par une multitude d'émotions et de réactions vives, allant de la surprise au sentiment d'injustice, à l'indignation, à l'incompréhension.
Sous un abord accessible (le langage n'est pas châtier, il est d'abord celui d'Yvan dont on pourrait se demander, au vu de la façon dont il réagit et au vu de ses préoccupations, s'il a conscience de l'étau qui se resserre autour de lui, et des enjeux que cela représente pour son propre avenir), le récit exprime une violence extrême, qui se révèle dans le meurtre en lui-même, dans la façon dont Yvan est traité, par la police, par ses parents, et par l'opinion publique, dans le dénouement également, bien entendu.

Frédéric Viguier a ce talent de savoir mettre en exergue les paradoxes sans user de grands mots, parfois même sans les nommer : la violence en prison est, à certains égards, moindre que celle qu'Yvan rencontre à l'extérieur, lorsque la police l'appréhende et l'interroge.

La chute est, elle aussi, violente, bien que certains lecteurs puissent l'entrevoir avant que de parvenir à la dernière page. Elle appelle à une nouvelle lecture, à l'introspection, et à questionner ses propres réflexes de pensée. On pourrait croire que Viguier joue avec nous, et le prendre mal. Pour ma part, je considère qu'il remplit merveilleusement l'office du romancier, créant l'illusion parfaite, nous offrant un moment de lecture hors du temps, et néanmoins nous conduisant à réfléchir à des problématiques sociales et sociétales.
Aussi, bien que le sujet m'ait fait moins forte impression que Ressources inhumaines, j'ai été soufflée, et recommanderais largement son roman autour de moi.
A commencer par vous : il est encore temps d'assister aux débuts d'un auteur qui va, je prends les paris, faire largement parler de lui, et qui n'a pas fini de jouer avec nos émotions. 

Pour vous si...
  • Vous avez aimé le film Contre-enquête (si on m'avait dit que je citerais un jour un film avec Jean Dujardin...), les histoires de Maître-Mo, et les récits de longue descente aux enfers face au système pénal dans toute sa splendeur.
  • Vous êtes convaincu qu'il existe, dans ce triste monde, un complot d'envergure mondial contre les roux, et en récoltez les preuves à foison. 

Morceaux choisis

"Mon père, il est comme les autres gens du village, il n'aime pas ceux qui ne font pas comme lui, mais il aimerait vivre autrement."

"A cause de cet homme, et de ce regard, je n'étais plus très sûr d'être innocent, je me sentais accusé de tous les crimes de l'humanité, parce que j'étais l'archétype, la preuve vivante qu'il ne fallait pas chercher plus loin, qu'il fallait rassurer la foule en lui présentant le coupable idéal."


Note finale
4/5
(excellent)

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