mardi 11 avril 2017

Libertango, Frédérique Deghelt

Voilà un roman dont le seul titre me faisait chavirer depuis des mois... 
Mes souvenirs d'étude de Piazzola au lycée ont finalement eu raison des impératifs de ma PAL, et Libertango s'est frayé un chemin jusqu'à moi. 


Libres pensées...

Dans Libertango, Léa, jeune journaliste, recueille le témoignage de Luis, grand chef d'orchestre, afin d'écrire sa biographie.

Préparez-vous donc à vous plonger dans la trajectoire d'un homme qui se définit avant tout par sa passion dévorante pour la musique, au point d'y consacrer sa vie. Celui qui a longtemps pensé être limité par son handicap, et qui ne s'appréhendait qu'à travers lui, le rend mineur voire invisible, car au terme d'années d'efforts, il devient chef d'orchestre. Son parcours n'est pas de tout repos, car il se tourne tardivement vers la musique, après une rencontre déterminante avec Astor Piazzola. L'autre amour de sa vie, c'est Emilie, à la mort de laquelle il est devenu comme l'ombre de lui-même, ne vivant plus que dans la nostalgie de ce qu'ils furent. S'armant de patience et de détermination, peu à peu, Léa surmonte les réticences de Luis, et le conduit à dévoiler ses états d'âme, sa relation singulière à la musique, ses secrets enfouis (joli pléonasme).

J'ai trouvé le récit très lyrique ; il faut, je pense, être sensible à ce ton et à ce style pour apprécier pleinement Libertango. L'amour de la musique imprègne les lignes, et l'on ressent la volonté de l'auteur de contextualiser son récit, en impliquant le protagonistes dans les événements en Syrie, en évoquant les attentats de Charlie Hebdo...

Néanmoins, ce lyrisme débordant présente, à mon sens, des limites, dans la mesure où le récit fait des détours, nous perd parfois...

En dépit de cette réserve, le roman présente l'intérêt de nous faire réfléchir sur le rapport à la musique, son apport dans la vie des hommes et des femmes, ainsi que sur les accomplissements qui peuvent être réalisés malgré les apparents obstacles, à l'instar du handicap de Luis que certains professeurs avaient identifié comme un frein majeur à ce qu'il devienne un jour chef d'orchestre.

L'auteur nous ménage même une surprise à la fin, que l'on pouvait pressentir, mais qui ancre définitivement le récit dans le romanesque.
Un plaisant moment de lecture!

Pour vous si...
  • Vous êtes un inconditionnel d'Astor (que je vous comprends...).
  • Vous considérez qu'un journaliste est suspicieux par nature. 

Morceaux choisis

"J'ai dû aussi me battre contre moi-même, parce que le refus d'un clan retourne contre soi la colère et il faut alors trouver le moyen de ne pas être ce que les autres voient, ce qu'on ressent au creux de son corps, la débâcle. Il faut aller chercher loin et profond des raisons de renaître à une autre forme de vie. Puis je suis né enfin, à la plus pure proposition de l'univers : celle de l'amour de la musique. Elle ne m'a pas seulement sauvé, elle m'a constitué, tiré d'un état larvaire, bref elle a fait de moi un être humain, capable de regarder quelqu'un dans les yeux et ce ne fut pas rien."

"J'ai rencontré parmi les musiciens, dont on pourrait penser que la pratique d'un instrument adoucit les mœurs, les rend aptes à une empathie peu commune, des spécimens particulièrement doués pour le harcèlement. Je n'avais aucun mal à penser qu'à leurs heures perdues, ils étaient des schoïnopentaxophiles convaincus. Je vous vois froncer les sourcils, notez-le, vous irez voir plus tard ce que veut dire ce mot barbare."

"Découverte de Bruckner. Un monde m'envahit..."

"Mes sommeils trop légers repassent des morceaux de vie vécus avec l'Orchestre du Monde. Mon cinéma permanent est une nuit noire pleine de dents qui dévore le présent en m'imposant de revivre en boucle des morceaux de mon passé."


Note finale
2/5
(pas mal)

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