mercredi 5 avril 2017

Rouge armé, Maxime Gillio

Et voilà, nous y sommes déjà, la fin de l'aventure du Grand Prix des Lectrices...
Je termine avec la lecture d'un thriller, Rouge armé, au titre énigmatique, et à la jolie couverture un peu défraîchie.
Promis, je vous prépare un post très bientôt pour vous révéler mon florilège de ce cru 2017.
En attendant, nous allons parler d'un Mur (comme quoi, pour ceux qui avaient des doutes, Trump n'a rien inventé). 



Libres pensées...

Patricia, journaliste, se présente à Inge et la convainc de lui confier l'histoire de sa vie. Car Inge a eu un parcours singulier : sa mère était Allemande immigrée en Tchécoslovaquie, a dû fuir à l'issue de la Seconde Guerre Mondiale, a été retenue dans un camp et a confié ses enfants à des paysans allemands pour qu'ils les élèvent en Allemagne de l'Est.
A l'âge adulte, Inge voit mourir son fiancé Christian lors d'une tentative de passer de l'autre côté du mur. Elle reprend son flambeau, et se rend complice, une fois à l'Ouest, d'actes impardonnables.

Rouge armé ne se confond pas avec la horde des romans noirs ou des thrillers classiques : l'intrigue qui le sous-tend s'éloigne de l'anecdotique pour se noyer dans l'Histoire, à ses heures sombres. C'est sans doute ce qui m'a le plus plu dans ce roman : il dit la situation des populations issues des Sudètes, confrontées aux immigrés allemands en Tchécoslovaquie. Le rapport de force se module, puis s'inverse à la fin de la guerre, et ces immigrés, implantés parfois depuis des générations, se retrouvent expulsés, en proie à des habitants avides de revanche. Néanmoins, une fois de retour en Allemagne, ils sont suspects aux yeux de ceux qui les voient arriver, si bien qu'ils se retrouvent internés dans des sortes de camp de transit, dont ils peinent à sortir.
Ce sujet-là, qui sert de matière à la première partie du livre, est déjà très riche en elle-même ; car si l'on a l'habitude de lire ce qu'a été le quotidien des Français durant cette période, et la cohabitation complexe avec les Allemands, on est beaucoup moins au fait de ce qu'a pu être cette cohabitation ailleurs, moins présente dans la littérature et le cinéma.

Par la suite, le livre évolue vers un deuxième sujet tout aussi passionnant : la période de la Guerre Froide, l'édification du Mur de Berlin, et les tentatives de rallier l'Ouest. Cette époque étant plus récente, elle a peut-être moins été traitée, même si elle n'est pas non plus absente de l'art. C'est certainement la partie qui m'a le plus intéressée, soulignant la séparation nette entre les habitants de l'Est et de l'Ouest, la dimension presque irréversible d'un passage à l'Ouest pour un habitant quel qu'il soit, les risques encourus aussi, bien sûr.

Partant, les faits de terrorisme relatés et auxquels Inge aurait pris part qui sont au cœur du suspense (rappelons qu'il s'agit d'un thriller), n'occupent, au regard des autres événements, qu'une part minime de l'intrigue dans sa globalité. Dans cette mesure, j'ai eu le sentiment qu'ils étaient utilisés pour servir cette ambition de forme, pour justifier que Rouge armé soit un thriller avant d'être un roman, alors qu'en réalité, tout l'intérêt du récit est ailleurs, justement dans le cadre, dans ces épisodes de l'Histoire qui nous sont rapportés, si bien que la tension dans la relation entre Patricia et Inge et les motifs qui poussent Patricia à interroger Inge m'ont semblé finalement secondaires, voire insignifiants.

Ainsi, j'ai été captivée par Rouge armé pour les sujets évoqués, ce que le récit dit de l'Histoire y compris récente de l'Allemagne, néanmoins, je reste partagée quant au choix de l'auteur d'en faire un polar, ou, à tout le moins, une sorte de roman noir, car cela, à mon sens, dilue l'intérêt de l'intrigue et vient agréger des éléments somme toute superflus à une matière déjà fournie.


Pour vous si...
  • Vous connaissez par cœur les dates d'édification et de destruction du Mur de Berlin, sans véritablement en savoir plus sur le sujet

Morceaux choisis

"Les gens de ma génération ont vécu l'édification du Mur et les années de guerre froide comme le plus gros traumatisme de leur vie. Familles déchirées, décimées parfois, la suspicion permanente, des frères qui deviennent des étrangers, les cicatrices qui ne se referment pas."

"Personne n'a assisté à son enterrement. On l'a inhumée là, à côté de papa, sans sa fille pour l'accompagner et la rassurer.
Maman est morte et je m'en fous." (Camus revisité)

Note finale
3/5
(cool)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire