mercredi 12 avril 2017

Comment devenir propriétaire d'un supermarché sur une île déserte, Dimitris Sotakis

Un roman au titre loufoque, c'est comme l'épisode d'American Dad du dimanche midi, ça fait toujours plaisir. 


Libres pensées...

Un homme (pas n'importe quel homme, Robert Lhomme) fait naufrage alors qu'il est en route vers la Nouvelle Guinée, et échoue sur une île déserte.
Bien vite, il ne tarde pas à voir l'opportunité immense que constitue cette aventure, et, à l'issue de réflexions existentielles, entreprend de construire un supermarché pour répondre à ses ambitions personnelles et faire fortune. Le roman relate ses tribulations.

Le roman est à considérer comme une expérience inédite, et est surtout à lire au second degré d'un bout à l'autre.
Imaginez un détournement de l'histoire de Robinson Crusoé, où le protagoniste ne cède pas à la pression de la situation et conserve ses réflexes et ses mécanismes de pensée tels qu'issus de la société moderne. Dans ce contexte, peu lui chaut qu'il ne sache quoi manger ni où dormir, il demeure alors concentré sur ses besoins les plus "nobles", d'accomplissement personnel, et c'est bien là ce qui régit Robert Lhomme : réfléchissant à son existence, il établit qu'il est temps pour lui de devenir quelqu'un, et décide que devenir gérant d'un commerce est le meilleur moyen d'y arriver, d'autant plus qu'il entrevoit un potentiel faramineux pour ce projet.

L'intrigue est donc hautement cocasse, et les remarques de Robert sont hilarantes.
Le récit se complaît dans l'absurde, le poussant parfois à l'extrême au point de créer chez le lecteur de la circonspection. Néanmoins, l'auteur tient le fil, et livre un ensemble étonnamment cohérent.

J'ai néanmoins déploré quelques longueurs, car une fois que le principe est posé, l'intrigue repose sur les obstacles à la réalisation du projet de Robert, qu'il s'emploie à contourner pour mener ce dernier à bien, et cela n'a pas toujours beaucoup d'intérêt.

Autre point : l'exercice reste, à mon sens, un exercice, et une sorte de jeu, et n'invite pas à tirer des constats sur les dérives de la société de consommation, sur le décalage entre les priorités qui sont celles des hommes et femmes vivant dans des pays dits "développés" et leurs besoins primaires, essentiels, sur la sacro-sainte puissance de l'argent dont on se rend bien compte, dès lors que les structures sociales disparaissent, qu'il n'a plus la moindre valeur... C'était là ce que j'entrevoyais en débutant la lecture, et cela aurait pu être fait avec subtilité, sans pour autant sombrer dans un récit moralisateur à outrance.
Ici, le lecteur est épargné d'une certaine façon, car il n'y a pas d'interprétation qui soit véritablement faite dans ce sens, mais le roman donne le sentiment de n'être qu'une invention ludique sans véritable portée, alors que les éléments sont en place pour qu'il en ait une.

Intéressant, donc, ne serait-ce que pour l'humour, mais je reste néanmoins un peu sur ma faim...

Pour vous si...
  • Vous trouvez aussi que Robinson s'y est très mal pris, et ne s'est de toute évidence pas posé les bonnes questions.
  • En vieux loup de mer que vous êtes, une scène érotique entre un naufragé et une ourse sur une plage ne vous choquera pas. The heart wants what he wants (et aux snobs qui me reprocheront de produire en anglais une phrase française, je dirai sans ciller que je cite Selena et non Pascal).

Morceaux choisis

"Ce tour d'horizon très approfondi me permit de dégager les axes principaux qui exigeaient une réponse immédiate. Les voici :
1. Quel genre de produits proposerait le magasin.
2. Où il serait construit exactement.
3. Les prix - comment ils seraient fixés.
4. Dans combien de temps serait achevée la construction.
5. Comment je lancerais la publicité sur l'entreprise.
6. Quel nom porterait le supermarché.
7. Le personnel embauché, les salaires, les congés, le règlement intérieur."

"Je m'étais trompé, il n'y avait pas âme qui vive. Je peux l'affirmer sans hésitation puisque je sillonnai toute l'île durant des heures, et à la fin, je tombai même sur les animaux qui s'étaient déplacés vers la côte. Je n'ai pas assez de mots pour décrire la sensation de félicité qui m'envahit sur le chemin du retour."

"Mon refus d'adopter une attitude amicale envers la partie de l'île recouverte de forêt était stupide. Depuis que j'avais posé le pied sur ce sol, je ne voulais pas admettre que cet espace relevait de ma juridiction et que j'en étais le maître. Il fallait que cela change. J'allais résider ici de nombreuses années, c'est là que je ferais fortune, c'est là qu'était mon foyer, je me demande bien ce qui m'avait pris."

"_Nous sommes au bout du monde, lui murmurai-je à l'oreille, tandis que la sève liquide du bonheur jaillissait dans son ventre innocent, un corps pur et virginal, matrice des profondeurs marines et de la sérénité." (THE scène entre le bonhomme échoué et...une ourse. Ne me remerciez pas, ça me fait plaisir - mais moins qu'à elle visiblement.)

"Un homme dénué d'ambition se serait déjà inquiété d'être resté tout ce temps sans aucune nouvelle. Mias pour ma part, je savais bien que j'étais condamné à réussir. Il n'y avait en moi nulle ambiguïté à ce sujet. Les conditions étaient idéales, le concept original, la marchandise exceptionnelle, l'emplacement unique et j'avais une soif insatiable de dépasser les autres."


Note finale
2/5
(pas mal)

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