vendredi 16 février 2018

La patience du baobab, Adrienne Yabouza

Adrienne Yabouza est originaire de la République centrafricaine. Lorsque la guerre s'y déclare en 2013, elle se réfugie au Congo puis obtient l'asile politique en France. Un parcours qui présente quelques similitudes avec celui d'Aïssatou, la protagoniste de son dernier roman, La patience du baobab...


Libres pensées...

Aïssatou vit en Centrafrique avec sa famille. Un jour, son amie Ambroisine lui apprend qu’elle va épouser un Français, qui va venir la marier à Bangui et l’emmener avec lui en France. Aïssatou organise le mariage de son amie en enviant sa chance, et fait à son tour la connaissance de Rémi, un ami du marié qui s’éprend d’elle et lui promet de l’épouser et de la faire venir chez lui, en Bourgogne. Rémi tient sa promesse, revient et épouse Aïssatou, avant de rentrer en France en attendant qu’elle le rejoigne. Mais Aïssatou est contrainte de fuir la Centrafrique et de se réfugier avec sa famille dans un pays voisin, avec l’argent envoyé par Rémi. Commence pour elle un long parcours du combattant pour obtenir les papiers nécessaires à son départ.

La patience du baobab aborde un thème actuel avec simplicité et franchise.
Le récit suit les difficultés rencontrées par Aïssatou pour partir en France, si bien que l’on a le sentiment de s’enliser avec elle face aux lenteurs administratives. Le lecteur peut alors s’essouffler et se détacher du récit. Paradoxalement, certaines parties semblent un peu « expédiées » et auraient mérité d’être plus développées.

Cependant, la proximité avec Aïssatou est immédiate. J'ai regretté pourtant que l’intégralité du récit soit tributaire de sa personnalité et de la sympathie que le lecteur éprouve pour elle : la famille et les amis d’Aïssatou, Ambroisine incluse, sont de lointaines figures, et même Rémi donne l’impression de faire office de figurant. 

En outre, la langue peut par moment être rédhibitoire, bien que l'on puisse apprécier son oralité, et j’ai regretté que le récit accorde une grande importance aux obstacles administratifs rencontrés par Aïssatou plutôt qu’à la dimension « sociologique » du récit : les conditions de vie que Aïssatou quitte, et ce qui la fait entrevoir une vie en France auprès d’un époux vivant d’une situation « modeste » comme une chance. Aïssatou est fixée sur un objectif, quitter l’Afrique, mais l’on ne sait guère ce qui l’a conduite là, si ce n’est ce que l’on peut se représenter soi-même. 

Le thème abordé est donc très intéressant, mais il est traité sous un angle qui diminue selon moi l’impact sur le lecteur. Il aurait été pertinent de développer les raisons pour lesquelles Aïssatou s’attache à Rémi, la mesure dans laquelle il représente pour elle un futur désirable, et, à l’inverse, ce qui pousse Rémi vers Aïssatou (le coup de foudre soudain immédiatement suivi de la demande en mariage laisse perplexe), ou encore les conditions de vie d’Aïssatou et de sa famille en tant qu’exilés, qui ne sont qu’effleurées. 

L'auteur mérite toutefois d'être lue, et je serais curieuse de m'aventurer davantage dans son oeuvre !

Pour vous si...
  • Vous ignoriez jusque-là qu'il s'était passé quoi que ce soit à Bangui (d'ailleurs, vous seriez bien embêté de devoir indiquer la République centrafricaine sur une carte du monde - par chance, il n'est jamais trop tard pour apprendre).
  • Vous cherchez un roman à offrir à votre oncle Michel, persuadé qu'on entre en France comme dans un moulin et que c'est un scandale (variante : au lieu de lui offrir un livre, vous pourriez simplement offrir un aller simple pour la République centrafricaine ou encore le Soudan du sud).
Morceaux choisis

"C'est comme ça, les mères sont inquiètes, elles savent que c'est bien pour leurs filles de se marier, mais elles pensent aussi que tous les maris sont des voleurs, des profiteurs, des malfaiteurs, des bouba zo, comme dit si bien la langue sango."

"Elle savait comme moi que presque toutes les filles de notre quartier, ici à Brazza comme à Bangui, auraient choisi d'être blanches si un génie leur avait adressé la parole et offert de choisir. Blanche c'est pas "mieux", c'est pas "pire" non plus, mais c'est plus facile dans le monde.
La preuve de ça, c'est que si tu demandes à un Blanc ou une Blanche de choisir, il ou elle répond toujours que c'est mieux de laisser les choses comme elles sont : "Je suis blanche, tu es noire, restons-en là." Facile à dire...
Choisir une femme noire ! Il était fou ou quoi, ce moundjou-là ?"


Note finale
3/5
(cool)

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