Audrée Wilhelmy est une autrice québécoise qui s'est distinguée dès la parution de ses premiers romans, à partir de 2011. Le corps des bêtes est son troisième roman.
Libres pensées...
A Sitjaq, la famille de Mie forme un clan qui vit de ce que les hommes ramènent de la mer, jusqu’à ce qu’ils y disparaissent. Noé, sa mère, n’a jamais vu revenir son conjoint, le père de Mie, et est restée auprès de la Vieille et d’Osip, le frère de cet homme qui l’aimait brutalement. Mie grandit entre eux, apprend l’hostilité et les secrets de cette terre rocailleuse, la relation tendre qui unit bientôt Noé à Osip, et, alors qu’elle a douze ans, demande à son oncle Osip de lui apprendre le sexe, ce qu’il lui refuse.
Bref bref bref, après cette entrée en matière, je suis certaine, braves amis, que vous êtes prêts à tout entendre. Comme on pourrait s'en douter à la lecture du synopsis, Le corps des bêtes est un récit très (TRES) singulier.
Ne vous attendez pas à trouver une intrigue linéaire, claire et solide. En réalité, vous jonglerez à la lecture entre plusieurs périodes temporelles, et aurez, pour commencer, un mal de chien à distinguer les personnages, qui sont identifiés tantôt par leur nom, tantôt par leur rôle dans la famille. Exemple : Noé est la mère. Ca paraît tout simple, mais ça ne m'est pas apparu limpidement, croyez-moi.
Renoncez, également, à toute norme en matière de relations familiales. Les codes occidentaux classiques sont légèrement transgressés, ce qui s'exprime à travers la relation entre Osip et Noé, qui est techniquement sa belle-soeur, et, de façon plus magistrale encore, à travers la relation entre Mie et Osip (pour sa défense, Osip semble ne pas y être pour grand chose).
Ce qui tombe bien, puisqu'on n'est pas vraiment sûrs de se trouver en Occident. En fait, on est sûrs de rien, puisque Sitjaq n'existe pas sur Google (et, c'est bien connu, ce qui n'existe pas sur Google ne peut pas exister IRL). Tout ce que l'on sait, c'est que Sitjaq est en bord de mer, que la terre est aride, rocailleuse, que ceux qui vivent là vivent chichement, à la dure.
D'ailleurs, les êtres sont avares de paroles, ils s'en tiennent aux choses les plus élémentaires, ne parlent pas de sentiments, d'émotions, ce qui les rend principalement insaisissables.
La progression du récit est un peu chaotique, alternant différentes périodes de la vie de Mie et de ses aïeuls.
L'écriture, enfin, est très particulière, et peu déstabiliser le lecteur. Elle est assez abrupte, donne peu de matière pour voir se dégager une intrigue, peu aidée en cela par la structure, et donne l’impression qu’il ne se passe pas grand-chose. On ne peut néanmoins lui ôter son originalité, et le fait qu'une voix unique se dégage du récit.
Une fois la lecture terminée, le lecteur peut s’interroger sur ce que lui a raconté le roman. L’histoire familiale allant à l’encontre des bonnes mœurs et de toute morale est une réponse, mais cet aspect n’est pas systématiquement au cœur de l’intrigue, et est abordé de biais (la demande incongrue de Mie à son oncle n’intervient qu’en fin de récit). Le corps des bêtes laisse l’impression d’avoir voyagé dans un univers décalé, inconnu, et un sentiment de malaise persistant.
Pour vous si...
- Vous n'aimez pas qu'on vous mâche le travail. Non, le mieux, c'est quand l'intrigue est tellement diffuse que l'on en vient à douter de son existence.
- Vous n'avez pas de limite. Surtout lorsqu'il s'agit des sentiments familiaux.
Morceaux choisis
"Tu es plus grande que Sitjaq."
"Noé, fille d'un cygne et d'un cerf, est blanche biche, buse, salamandre, louve, sirène, baleine.
Noé est reine des abeilles.
Ces reines qui partent sans attendre de voir si la nouvelle souvereine sera assez forte pour les remplacer."
Note finale
2/5
(pas mal)
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