Mes chers amis, je vous parle aujourd'hui d'un livre qui me tient beaucoup, beaucoup à coeur.
J'ai nommé : le grand, le fabuleux, le "Oh Hi Mark", s'il vous plaît, The Disaster Artist !
Libres pensées...
Pour bien comprendre la teneur et le sens de ce qui va suivre, il est capital, si ce n'est pas déjà fait, que vous vous ménagiez un moment égoïste, un moment où vous serez prêt à tout voir, tout entendre, où vous ouvrirez vos chakras, où vous repousserez les limites du bon sens, un moment que vous consacrerez au visionnage du film le plus génialement nul de toute l'histoire du cinéma, The Room.
The Room est un film américain, sorti sur les écrans en 2003, écrit, réalisé, produit par Tommy Wiseau, qui joue le rôle principal, celui de Johnny, un brave garçon qui travaille à la banque, est fiancé à Lisa, qu'il va épouser dans un mois, et est si heureux dans sa vie de pouvoir compter sur ses amis, surtout Mark, son meilleur ami. Mais voilà, Lisa, cette manipulative bitch, s'ennuie auprès de Johnny, et décide de séduire Mark. Et Mark, bien que meilleur ami, trahit Johnny.
Voilà le topo de The Room. Je ne vous en dis pas plus, ce serait gâcher le plaisir, et là ce serait criminel.
Sachez juste que The Room est un film qui sort de l'ordinaire, qui n'a rien à voir avec tout ce que vous avez pu croiser jusqu'alors en matière de production cinématographique. Intrigue bancale, dialogues de sourds, plans trop longs, moches, qui piquent les yeux, stéréotypes, répétitions, incohérences, répliques tellement nulles qu'elles en deviennent cultes, rien ne nous est épargné. Et le pire, c'est que ce n'est pas volontaire.
Bref, vous l'aurez compris, pour peu que l'on s'arme de second degré, The room vaut VRAIMENT le détour.
A sa sortie, il n'a reçu que peu d'écho, mais sa notoriété n'a cessé de croître, en tant que film génialement nul, le plus puissant nanar de tous les temps, jusqu'à l'année 2013, durant laquelle Greg Sestero, ami de Tommy Wiseau IRL et jouant Mark in The Room, a publié un roman, The Disaster Artist, dans lequel il raconte sa rencontre avec Tommy Wiseau, l'évolution de leur relation devenue amitié, et son expérience du tournage de The Room.
Le livre a reçu un bel accueil de la critique, et a même donné lieu à une adaptation cinématographique réalisée par James Franco (rien que ça), qui sort sur nos écrans en France le mois prochain.
C'est de ce livre que je vous parle aujourd'hui.
Car, aussi incroyable que cela puisse paraître, The disaster artist est un bon livre.
On y découvre, parmi de multiples anecdotes savoureuses, que Greg Sestero est quelqu'un de lucide, étonnamment normal, ce qui rend nombre de situations d'autant plus douloureuses ou incompréhensibles.
De manière habile, Sestero interroge son amitié avec Tommy Wiseau, qui est la question qui vient naturellement à l'esprit : comment devient-on le meilleur ami de Tommy Wiseau ? Comment se retrouve-t-on à jouer dans le film le plus génialement nul de tous les temps ?
Autant de questions auxquelles il s'efforce de répondre, reconstituant l'histoire de sa relation avec Tommy, et, en creux, l'histoire de Tommy lui-même, entourée d'un halo de mystère.
Car les sentiments qu'inspire Tommy sont ambigus : détestable par moment, gonflé d'un orgueil démesuré, pathétique et triste bien souvent, au point que l'on en oublie son aversion pour le prendre en pitié. Car ce qui caractérise Tommy Wiseau, c'est, bien sûr, son "décalage", sa détermination sans faille à percer dans un milieu qui n'a de cesse de le rejeter, de le renvoyer à son insignifiance, à son inadéquation, son étrange assurance et ses références à dormir debout ("il faut que l'on voie mon cul pour que le film se vende"), mais en filigranes, surtout, sa solitude immense.
The disaster artist est bourré de moments d'anthologie (la première fois que Greg voit Tommy sur scène pendant un cours de théâtre, la rencontre entre Tommy et la mère de Greg, la réalité backstage du tournage de The Room et les anecdotes incroyables...), et est un roman qui n'a de cesse d'interroger son protagoniste, de tourner autour, de reconstituer sa complexité et ses paradoxes, à la manière de grands romans de tous genres et de toutes époques (le Meursault de Camus, le Bardamu de Céline, plus récemment les personnages de Chalandon, et de tant d'autres...). Tommy Wiseau est l'anti-héros inattendu, qui accomplit ce qui est d'ordinaire réservé aux héros ; lui le fait en acceptant de se draper du costume du ridicule, bien que cela n'ait pas été son projet initial.
J'ai apprécié, au-delà de ce qu'il y a de fascinant à pénétrer par le biais de la lecture dans les coulisses de The Room, la sincérité que j'ai ressentie dans la démarche de l'auteur, qui ne cherche pas à dissimuler l'intérêt immédiat qu'il a perçu dans sa relation avec Tommy, et qui l'a longtemps motivé à maintenir cette relation, et qui s'emploie à restituer ce qui a été une expérience éprouvante.
Le style est agréable, on se laisse complètement captiver par l'histoire de Greg et Tommy, par le parallèle réalisé avec les intrigues du Talentueux M. Ripley et de Sunset Boulevard, en bref, The disaster artist est une franche réussite.
Sheep sheep sheep...
Pour vous si...
- Vous voulez percer le mystère Tommy Wiseau ;
- Vous voulez savoir comment tout ça a commencé.
Morceaux choisis
"Pour des raisons que personne ne comprenait, même pas moi, à chaque fois que j'arrivais à ma réplique sur la femme battue, Tommy s'esclaffait avant de déclamer la sienne. C'était perturbant. C'était inquiétant. Prise après prise, Tommy/Johnny réagissait toujours à l'histoire de l'hospitalisation de cette femme imaginaire avec le même rire franc."
"Si vous le pouvez, je vous supplie de regarder cette scène. Elle dure sept secondes. Trois heures. Trente-deux prises. Et ce n'était que le second jour du tournage."
"Je faisais confiance à Tommy. Il était mystérieux et d'humeur changeante, mais c'était aussi quelqu'un de généreux, et je pouvais compter sur son soutien. En observant Tommy au cours de Shelton, j'avais eu l'impression qu'on l'avait jugé toute sa vie. En ce qui concerne les relations amicales, tout du moins, je supposais que quasiment personne ne lui avait laissé sa chance. J'avais envie de tenter le coup. Ce que je ne m'abouais pas à ce moment-là, ou que je refusais de m'avouer, c'était que j'avais rencontré Tommy à un moment de ma vie où j'étais désespérément seul. J'avais autant besoin d'un ami que lui. Peut-être même encore plus."
"J'ai le nom de ton personnage, maintenant, a dit Tommy en me regardant. Tu seras Mark, comme ce mec, là, Mark Damon."
Note finale
5/5
(coup de coeur)
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