lundi 9 mai 2016

Berezina, Sylvain Tesson

Mon historique avec Sylvain Tesson n'est pas vraiment glorieux, puisque son roman Dans les forêts de Sibérie n'avait guère emporté mon adhésion, au point de se retrouver dans le flop 2014.
Mais voilà, la Bibliothèque Orange me conduit à me remettre en selle, puisque sa dernière production, Berezina, figure parmi les deux livres à découvrir ce mois-ci.
J'ai donc engagé la lecture en tâchant de me défaire de tout a priori...



Le synopsis

Le protagoniste (qui se confond avec l'auteur, on n'abandonne pas en route de si bonnes habitudes) entreprend avec un ami de partir sur les traces de l'armée napoléonienne en effectuant l'itinéraire de la retraite de Russie de 1812.

Mon avis

La lecture de Berezina m'a laissé un sentiment partagé (bon, pas si partagé que ça, j'exagère).

L'entrée en matière comprend de belles pages, à l'écriture rythmée et empreinte d'un style élégant, un heureux agencement des mots qui fait que l'on se laisse porter par les pérégrinations premières de notre ami Sylvain.

Puis, le voyage est entrepris, et, dès lors, on retrouve certaines des tares dont j'avais déjà fait état à l'issue de la lecture des Forêts de Sibérie. Le regard porté sur les autochtones, l'expérience restituée de la confrontation avec l'étranger laissent parfois perplexe, et, pour ma part, ont le don de m'agacer un peu (voir passage ci-dessous, vous le reconnaîtrez sans peine). Il y a toujours comme une prétention, un plaisir à se raconter et à se mettre en scène qui me dérange, et échouent à me transmettre un sentiment d'authenticité, ou le moindre enseignement que l'on pourrait attendre d'une telle entreprise.

Cependant, j'ai eu plaisir à trouver par moment des réflexions plus abouties, qui faisaient tristement défaut dans son précédent ouvrage, et c'est sans doute ce qui apporte le plus de substance au roman.

Le récit de la retraite de Napoléon et de ses troupes est entremêlée au récit du parcours de Sylvain et de son acolyte, mais ne m'a guère enthousiasmée, Napoléon n'étant pas une figure qui m'émeut beaucoup, et la façon de relater sa déroute ne m'ayant pas non plus captivée.

Une lecture en demi-teinte donc, pas aussi décevante que ma précédente excursion dans l’œuvre de Tesson, mais qui ne fait pas non plus figure de révélation éblouissante.


Pour vous si...
  • Vous idolâtrez l'Empereur au point de vous infliger la lecture du moindre ouvrage qui en fasse son objet
  • Je ne vois pas d'autre cas de figure

Morceaux choisis

"Les rideaux pendaient, à demi-arrachés. Les meubles étaient renversés. La table retournée était ensevelie sous nos parkas trempées. Les casques dégouttaient dans la baignoire. Un romanichel aurait été choqué." (mais oui, vous êtes des aventuriers sans vergogne, des barbares du règlement intérieur de l'hôtellerie)

"Je nourrissais une tendresse pour ces Slaves des plaines et des forêts dont la poignée de main vous broyait à jamais l'envie de leur redire bonjour. Me plaisait leur fatalisme, cette manière de siffler le thé par une après-midi de soleil, leur goût du tragique, leur sens du sacré, leur inaptitude à l'organisation, cette capacité à jeter toutes leurs forces par la fenêtre de l'instant, leur impulsivité épuisante, leur mépris pour l'avenir et pour tout ce qui ressemblait à une programmatique personnelle. Les Russes furent les champions des plans quinquennaux parce qu'ils étaient incapables de prévoir ce qu'ils allaient faire eux-mêmes dans les cinq prochaines minutes."

"Dieux, me disais-je, en pissant dans le noir, nous autres, pauvres garçons du XXIe siècle, ne sommes-nous pas des nains? Alanguis dans la mangrove du confort, pouvions-nous comprendre ces spectres de 1812? Pouvions-nous vibrer des mêmes élans, accepter les mêmes sacrifices?
[...] Désormais, l'évocation de la conquête sonnait comme une absurdité." (et oui braves gens, vous vous dites probablement la même chose que je me suis dite en prenant connaissance de cette envolée lyrique : tout ça pour ça...)

"Personne n'a célébré les chevaux de 1812 à la juste hauteur de leurs souffrances. Les hommes tombés au champ de guerre, eux, sont glorifiés. [...] Mais les bêtes? A quoi ont-elles le droit? A rien." (Faux, mon cher ami : Sexy Sushi leur a rendu un vibrant hommage dans un morceau émouvant)

"Il est de bon ton aujourd'hui de louer les vertus de l'errance. Nombre de voyageurs , adeptes des détours, nous servent leur soupe : "Il faut savoir se perdre pour se retrouver", disent-ils. "Le chemin vaut mieux que la destination", ajoutent les plus confucéens. "Il faut lâcher prise", concluent ceux qui ne pratiquent pas l'escalade. Question voyage, Goisque et moi ne nous sentions pas du genre promeneur. Nous n'étions pas des professionnels de la flânerie ni des chemins de traverse.
Nous nous situions plutôt du côté de la thèse de Tolstoï. Le vieux prophète écrivait dans La Guerre et la Paix : "Lorsqu'un homme se trouve en mouvement, il donne toujours un but à ce mouvement. L'espoir d'une terre promise est nécessaire pour lui donner la force d'avancer"."


Note finale
2/5

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