Paul Yoon figure sur ma PAL depuis un bon moment : son recueil Autrefois le rivage avait reçu un accueil enthousiaste, mais le hasard ne l'a malheureusement jamais placé sur ma route.
Chasseurs de neige est son premier roman, et a suscité des réactions enthousiastes parmi les critiques littéraires (pas uniquement pour sa magnifique couverture, qui mérite d'être citée).
Une belle occasion de découvrir un jeune écrivain prometteur.
A la fin de la guerre de Corée, un jeune soldat du Nord, Yohan, fait prisonnier et interné dans un camp, accepte de s'expatrier au Brésil, en vertu d'un accord passé avec les Nations Unies.
Il y est accueilli par Kiyoshi, tailleur japonais qui lui enseigne son métier. Yohan se rapproche également de Peixe, et de deux orphelins, Bia et Santi, qui viennent colorer son quotidien. Mais les souvenirs de la guerre le poursuivent.
Le récit est construit de telle sorte que l'histoire de Yohan nous est révélée au fur à et mesure des pages, car la description de son quotidien au Brésil est entrecoupée de souvenirs de Corée, qui dévoilent peu à peu son vécu, son parcours, et le poids du passé.
Il y a beaucoup de pudeur et de douceur dans l'écriture de Paul Yoon, et cela alors même que les faits relatés ont trait pour partie à l'existence des prisonniers dans le camp américain, à la pauvreté, à une vie de peu. En dépit de ce que renferme la mémoire de Yohan, la prose ne verse pas dans le lyrisme, ce qui lui donne paradoxalement une puissance singulière : les sentiments de Yohan, lorsqu'ils émergent, sont ainsi retranscrits avec un naturel et une authenticité troublantes.
Les personnages croisés sont entiers, il n'y a pas dans leur caractère de duplicité : Kiyoshi, qui se montre taiseux, inspire la confiance et devient bientôt une figure paternelle pour Yohan. Peixe est l'ami solide, Bia et Santi, plus mystérieux, apportent eux aussi une contribution à l'intrigue et la colorent.
L'environnement dans le petit village côtier du Brésil offre un havre paisible et propice à la reconstruction, versant serein du milieu brutal du camp américain : la communion avec la nature est recherchée et décrite avec simplicité, favorisant un ressenti direct et intime.
Ainsi, le roman livre un récit apaisant alors même que son sujet est rude, ce qui est en soi remarquable. Le style épuré et cependant précis constitue un atout précieux, et traduit un talent rare.
Une belle découverte!
"Quel souvenir secret avait-il pu revivre, ce soir d'été, derrière ses bandages? Quel moment de sa vie, quel événement avaient pu lui restituer ces quelques cartes à jouer, leur texture sous ses doigts qui tambourinaient dessus comme s'il touchait là un objet extraordinaire? Comme si, l'espace d'un bref instant, sa vie de prisonnier de guerre, près des côtes méridionales de son propre pays, s'était parée de prodiges."
"Cette période lui fait l'effet d'une deuxième vie, incluse dans l'autre. Comme un objet que l'on pourrait emporter avec soi, un coffret, un mouchoir, un caillou. Comment est-il possible qu'une vie s'évanouisse complètement? Cette idée le dépasse. Se peut-il qu'une vie se referme en un instant, avant qu'on ait pu la toucher une dernière fois, prendre une dernière fois la main de quelqu'un? Et qu'un jour, plus personne ne s'interroge sur l'existence qu'il a menée avant celle-ci?"
"C'est curieux comme le temps peut déserter quelqu'un, par moments, comme il peut se retirer loin."
Chasseurs de neige est son premier roman, et a suscité des réactions enthousiastes parmi les critiques littéraires (pas uniquement pour sa magnifique couverture, qui mérite d'être citée).
Une belle occasion de découvrir un jeune écrivain prometteur.
Le synopsis
A la fin de la guerre de Corée, un jeune soldat du Nord, Yohan, fait prisonnier et interné dans un camp, accepte de s'expatrier au Brésil, en vertu d'un accord passé avec les Nations Unies.
Il y est accueilli par Kiyoshi, tailleur japonais qui lui enseigne son métier. Yohan se rapproche également de Peixe, et de deux orphelins, Bia et Santi, qui viennent colorer son quotidien. Mais les souvenirs de la guerre le poursuivent.
Mon avis
Le récit est construit de telle sorte que l'histoire de Yohan nous est révélée au fur à et mesure des pages, car la description de son quotidien au Brésil est entrecoupée de souvenirs de Corée, qui dévoilent peu à peu son vécu, son parcours, et le poids du passé.
Il y a beaucoup de pudeur et de douceur dans l'écriture de Paul Yoon, et cela alors même que les faits relatés ont trait pour partie à l'existence des prisonniers dans le camp américain, à la pauvreté, à une vie de peu. En dépit de ce que renferme la mémoire de Yohan, la prose ne verse pas dans le lyrisme, ce qui lui donne paradoxalement une puissance singulière : les sentiments de Yohan, lorsqu'ils émergent, sont ainsi retranscrits avec un naturel et une authenticité troublantes.
Les personnages croisés sont entiers, il n'y a pas dans leur caractère de duplicité : Kiyoshi, qui se montre taiseux, inspire la confiance et devient bientôt une figure paternelle pour Yohan. Peixe est l'ami solide, Bia et Santi, plus mystérieux, apportent eux aussi une contribution à l'intrigue et la colorent.
L'environnement dans le petit village côtier du Brésil offre un havre paisible et propice à la reconstruction, versant serein du milieu brutal du camp américain : la communion avec la nature est recherchée et décrite avec simplicité, favorisant un ressenti direct et intime.
Ainsi, le roman livre un récit apaisant alors même que son sujet est rude, ce qui est en soi remarquable. Le style épuré et cependant précis constitue un atout précieux, et traduit un talent rare.
Une belle découverte!
Pour vous si...
- Vous appréciez les styles à la fois simples et poétiques
- Vous trouvez qu'on ne lit pas assez de choses sur la Corée (notamment sur la période 1953-1954)
Morceaux choisis
"Quel souvenir secret avait-il pu revivre, ce soir d'été, derrière ses bandages? Quel moment de sa vie, quel événement avaient pu lui restituer ces quelques cartes à jouer, leur texture sous ses doigts qui tambourinaient dessus comme s'il touchait là un objet extraordinaire? Comme si, l'espace d'un bref instant, sa vie de prisonnier de guerre, près des côtes méridionales de son propre pays, s'était parée de prodiges."
"Cette période lui fait l'effet d'une deuxième vie, incluse dans l'autre. Comme un objet que l'on pourrait emporter avec soi, un coffret, un mouchoir, un caillou. Comment est-il possible qu'une vie s'évanouisse complètement? Cette idée le dépasse. Se peut-il qu'une vie se referme en un instant, avant qu'on ait pu la toucher une dernière fois, prendre une dernière fois la main de quelqu'un? Et qu'un jour, plus personne ne s'interroge sur l'existence qu'il a menée avant celle-ci?"
"C'est curieux comme le temps peut déserter quelqu'un, par moments, comme il peut se retirer loin."
Note finale
3/5
(cool)
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