mardi 24 mai 2016

Sfumato, Xavier Durringer

Encore une histoire de premier roman!
Je ne me lasse pas de découvrir l'univers d'un nouvel auteur, qu'il soit incroyablement jeune ou dans la fleur de l'âge, il est fascinant d'apprendre ce que chacun a à raconter.
Cette fois-ci, il s'agit de Sfumato, par un dramaturge et cinéaste, Xavier Durringer.


Le synopsis

Raphaël vient d'acheter un studio passage de la Main d'Or. Alors qu'il termine ses travaux, il découvre que l'isolement est tel qu'il entend les discussions de ses étranges voisins, deux originaux qui invitent dans leur modeste appartement tous les clochards du quartier et écoutent Johnny Haliday à toute heure du jour et de la nuit.
Ses journées se partagent entre les histoires d'amour rocambolesques de Simon, son meilleur ami, ses souvenirs de son ancienne maîtresse Madeleine, et ses rencontres avec Viktor, un homme énigmatique qui lui parle d'art et de mystères à percer. 

Mon avis

Sfumato a été une heureuse découverte!

A de nombreux égards, le style très actuel et oral combiné à des personnages hauts en couleur et anti-conformistes m'a fait penser au très bon Vernon Subutex de Virginie Despentes : même écriture efficace et directe, même univers alternatif, où l'on croise des figures aussi saillantes qu'insolites.

Il y a une fougue dans le récit, qui entremêle les épisodes du quotidien de Raphaël, alternant ceux issus du présent et d'autres du passé : les anecdotes participent du tableau global, lui donnent corps et vie. Des registres variés sont sollicités, allant du grotesque (la situation de Raphaël dans son nouvel appartement se révèle loufoque, digne d'un vaudeville, et la relation entre Simon et Sandy relève également d'un comique efficace) au conceptuel (les réflexions sur l'art, et de manière générale l'introduction du personnage de Viktor, permettent d'injecter une dimension inédite dans le récit, et de le rendre insolite du fait de ce mélange des genres).

Je suis restée un peu hermétique, il faut bien l'avouer, à cette deuxième partie du récit axée sur les recherches menées par Raphaël pour tenter de résoudre le mystère posé par Viktor, qui m'a moins intéressée que les tribulations ordinaires de Raphaël et de son entourage, sans doute moins nobles, mais cependant palpitantes, car il s'agit là de la "vraie vie" : l'auteur propose à travers Sfumato une peinture presque sociologique du milieu dans lequel évolue son protagoniste, et capte sur le vif des vérités quotidiennes, avec un sens poétique singulier et indéniable.

Sfumato est à mon sens un premier roman impressionnant, qui en dit long sur le talent de l'auteur, et donne envie de reconduire l'expérience au plus vite. En attendant de prochains ouvrages, je vous encourage donc chaleureusement à lire Sfumato, et à vous faire votre propre idée!


Pour vous si...
  • Vous avez aimé Vernon Subutex 
  • Les milieux alternatifs ne vous font pas peur

Morceaux choisis

"Et le vendredi soir, Valérie a tapé tous les textes que j'avais écrits à la main. J'avais écrit sur la rage, le besoin de se venger, de hurler que l'amour c'était de la merde et que c'était criminel. Et que mon héroïne était poudrée, cokée, rousse et cramée. J'avais dégueulé ma Madeleine."

"Bouts noirs s'appelait donc Agnès, le petit agneau était entouré de loups affamés dans vingt-cinq mètres carrés. J'ai pensé à Blanchette, la chèvre de Monsieur Seguin, qui me faisait pleurer quand j'étais petit. Je me suis endormi, fracassé par les vagues incessantes de leurs histoires sans queue ni tête."

"Et puis Viktor m'a invité à l'accompagner au Louvre. C'est là, en face de La Joconde, qu'il m'a parlé du sfumato, une technique qui permet d'obtenir des contours imprécis, une superposition de très fines pellicules de peinture qui donne un aspect brumeux dans les arrière-plans et fait ressortir le sujet car la lumière ne semble alors parvenir qu'au travers de ces différentes couches vaporeuses."

Note finale
4/5
(très bon)

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