mardi 19 avril 2016

Appartenir, Séverine Werba

Un premier roman sur la mémoire et l'histoire familiale, voilà ce que me promettait la lecture d'Appartenir



Le synopsis

Des années après la mort de son grand-père Boris, la narratrice décide de reconstituer sa vie, et mène l'investigation, qui la mènera rue Saint-André des Arts, et jusqu'à un petit village en Ukraine, où sa famille vivait autrefois, avant de fuir, pour être frappée par la guerre et la déportation à Paris. 

Mon avis

Depuis l'adolescence, j'ai l'impression d'avoir lu une kyrielle d'ouvrages consacrés à la Shoah. Entre les témoignages, les documentaires, les romans, le théâtre, le thème a envahi - à juste titre - toutes les formes de l'art, afin de dire l'horreur et l'inconcevable, et ne pas tomber dans l'oubli de générations insouciantes.

Cela implique qu'en matière de romans, il est difficile de parler du sujet sans mobiliser tout le poids historique, et toutes les œuvres déjà consacrées au sujet, qui interviennent pour le lecteur en toile de fond, et peuvent donner le sentiment que le roman en question n'apporte rien de nouveau.

Il est cependant important de ne pas se détourner du sujet pour ce simple motif.

L'histoire de la famille de la narratrice est semblable, peu ou proue, à celle des familles juives en France pendant la période 1939-1945. On a déjà lu ou imaginé ce qu'il y a de terrifiant dans les disparitions soudaines de ceux qui ont été raflés, déportés du jour au lendemain, et qui ne sont pas revenus. Le sort de Rosa, la sœur de Boris, et Lena, sa nièce de deux ans, est de ceux-là.
Le récit qu'en fait la narratrice est naturellement bouleversant, dans la mesure où, au-delà de la réalité humaine qu'il évoque, il y a aussi le lien familial qui introduit l'affect, la tendresse à l'égard de ces figures jamais connues et dans les traces desquelles la narratrice tâche pourtant de marcher.

Là où le roman prend plus de corps, à mon sens, réside dans le voyage de la narratrice en Ukraine, pour découvrir le village dont sa famille était originaire, et où elle est confrontée à une certaine résistance, à des habitants réfractaires à l'aider dans son investigation.

Ainsi, la façon dont la narratrice s'emploie à reconstruire l'histoire de Boris est émouvante, car elle repose sur un rendez-vous manqué, qui laisse un sentiment d'amertume universel : enfant, elle n'a pas questionné son grand-père, et lorsque, enfin, elle est prête et curieuse de connaître son passé, son grand-père taiseux a disparu à son tour, sans léguer à quiconque ses souvenirs et son parcours.

A mon humble avis, l'entreprise de Séverine Werba tient surtout d'un projet personnel et familial, et n'a rien de véritablement inédit en tant qu'objet de littérature. Son roman est donc à lire ainsi, comme une enquête menée contre le temps qui passe, contre la mémoire vorace où tout se perd, avec toutes les difficultés que cela peut engendrer.  


Morceau choisi

"Je deviens irritable, nerveuse, impatiente. Je suis en colère. Même à la maison, même avec les enfants. Prise en étau entre ma vie et ce passé effroyable, suspendu. Entre ma vie et leur mort. Je me sens responsable de l'oubli qui les ensevelit une seconde fois. Sortir du noir et du silence pour reprendre le récit là où il a été laissé. Pour le raconter un jour à mes enfants."


Note finale
2/5
(pas mal)

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