vendredi 22 avril 2016

L'amie prodigieuse, Elena Ferrante

Le roman dont je vais vous parler aujourd'hui a été publié l'an passé, par un auteur à l'identité énigmatique, connu sous le pseudonyme d'Elena Ferrante. Parvenir à maintenir un tel secret est déjà remarquable, à l'heure de la médiatisation des auteurs qui apparaissent dans des émissions de télé, de radio, dans la presse, dans les magazines de toutes sortes, et sont très présents sur les réseaux sociaux également. Ce halo de mystère qui entoure Elena Ferrante est en soi déjà très romanesque.
Le synopsis de L'amie prodigieuse a achevé de me séduire, d'autant plus qu'il ne s'agit que du premier tome d'une série de plusieurs romans, dédiée à l'amitié entre deux femmes à travers les âges de leur vie.




Le synopsis

Au cœur de Naples, deux petites filles se lient d'amitié, Elena et Lila, qui grandissent côte à côte dans un quartier pauvre de la ville, où la violence habille le quotidien au point que nul ne s'en émeuve plus, et qu'il faille toujours compter avec elle.
Alors que Lila rejoint la cordonnerie de son père, Elena poursuit ses études au collège ; pourtant, les aptitudes de Lila et son aura se développent au point de la rendre solaire pour tous ceux qui croisent son chemin.
En dépit de leurs routes divergentes, Elena et Lila partagent les rêves, les illusions, les déceptions, la rancœur, la jalousie, les doutes, la colère et le plaisir qui font l'existence des adolescentes dans ce milieu déshérité.

Mon avis

S'il y a une chose que je dois dire, c'est que je ne m'attendais pas à une telle pépite!
Il faut dire que la couverture m'invitait plutôt à me figurer un roman léger, bien marketé, et, partant, peu profond.
Autant de regrettables préjugés qui se sont délités en chemin, car le roman d'Elena Ferrante (ou quel que soit l'auteur) m'a époustouflée.

L'atmosphère qui règne est magistralement rendue : dès les premières lignes, le lecteur est projeté dans la Naples d'il y a plus d'un demi-siècle, et imagine les rues, la saleté, la violence bien sûr, mais aussi la vie, les voix et le bruit qui dominent le reste, l'agitation, la fièvre adolescente qui prend les visages de tous les protagonistes.

Il faut dire que la narratrice, Elena, est un personnage dont il est aisé de se sentir proche, parce qu'en dépit de sa réussite scolaire qui peut bien entendu être clivante, elle expose sans fard des préoccupations parfois futiles, des troubles que l'on ne connaît qu'à l'adolescence, des pensées qui peuvent être étroites, notamment lorsqu'il s'agit de son amie Lila, à laquelle elle est attachée, mais avec laquelle elle cultive un lien ambivalent, balloté au gré des rivalités, des petites vilenies du quotidien, de l'envie, de l'égoïsme.
L'amitié résiste aux temps difficiles, et le fil qui relie Lila et Elena ne se perd jamais.

Autour d'elles, gravite un monde de personnages qui ont leur singularité propre, et qui frappent de par leur force de vie, et leurs faiblesses toutes humaines : on partage viscéralement la répulsion qu'inspirent Donato Sarratore et les frères Solara, on est peiné par l'égarement qui emporte Rino, par la révolte de Pasquale, par l'amour transi et jaloux des garçons qui entourent Lila, par les émois et les questions qui taraudent Linu et Lila.

L'intrigue est déroulée avec brio, je n'ai pas été traversée par le moindre sentiment d'ennui, au contraire le roman m'a paru rythmé, sans pour autant obéir à la tyrannie d'un storyboard mécanique et impatient. Je me suis délectée à la lecture des descriptions de Naples, d'Ischia, des milieux sociaux qui se croisent ça et là, des espoirs et des incertitudes des uns et des autres. Les ambiguïtés des relations qui unissent les différents protagonistes sont également relatées avec une grande subtilité, exposant les paradoxes de l'âme humaine, tout ce qu'il peut y avoir d'indécis et cependant d'avide dans les aspirations d'adolescentes issues des classes populaires.

C'est donc avec la plus grande impatience que j'envisage de me plonger dans le deuxième tome de la série, pour découvrir ce que l'avenir réserve à Lila et Elena...

Pour vous si...
  • Vous appréciez les romans qui passent avec succès le test de Bechdel transposé au monde merveilleux de la littérature
  • L'ambiance napolitaine de la fin des années 1950 revêt dans votre imaginaire un attrait particulier

Morceaux choisis

"Lila apparut dans ma vie en première année de primaire, et elle me fit tout de suite impression parce qu'elle était très méchante."

"J'eus l'impression, à la façon dont elle se servait de moi et dont elle manipulait Stefano, qu'elle se débattait pour trouver, de l'intérieur de la cage où elle s'était enfermée, un moyen d'être vraiment elle-même qui cependant lui demeurait obscur."

" "Tu sais ce que c'est, la plèbe? - Oui, madame." Ce que c'était, la plèbe, je le sus à ce moment-là, beaucoup plus clairement que quand Mme Oliviero me l'avait demandé des années auparavant. La plèbe, c'était nous. La plèbe, c'était ces disputes pour la nourriture et le vin, cet énervement contre ceux qui étaient mieux servis et en premier, ce sol crasseux sur lequel les serveurs passaient et repassaient et ces toasts de plus en plus vulgaires. La plèbe c'était ma mère, elle avait bu et maintenant se laissait aller, le dos contre l'épaule de mon père qui restait sérieux, et elle riait bouche grande ouverte aux allusions sexuelles du commerçant en ferraille."

Note finale
5/5
(coup de cœur)

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