vendredi 18 mars 2016

Au pays du p'tit , Nicolas Fargues

Nicolas Fargues est un nom qui éveille automatiquement mes soupçons, depuis la lecture de son roman J'étais derrière toi, qui m'avait laissée fort sceptique (et ne vous faites pas avoir, le titre insidieusement allumeur ne tient pas ses promesses).
Ce n'est donc pas libre de toute prudence que je me suis aventurée dans ce Pays du p'tit...



Le synopsis

Le protagoniste, un homme de 45 ans, vient de publier un essai dans lequel il fustige la culture française et les Français. Invité à des conférences pour en faire la présentation, il voyage seul, laissant à Paris sa compagne Caridad.
Homme désabusé et égoïste, il aime à croire qu'il plaît aux femmes parce qu'il se désintéresse d'elle, et que les Français refuseront toujours d'admettre la critique, trop imbus d'eux-mêmes et de leur histoire.
De passage en Russie, il fait la connaissance d'une jeune étudiante, Janka, qui se montre opiniâtre et parvient à lui donner envie de la revoir.


Mon avis

La lecture du roman de Nicolas Fargues m'a laissée complètement perplexe.

Le choix d'un narrateur interne, qui s'exprime à la première personne, est dérangeante : il faut dire que le protagoniste est détestable, un vrai con, exactement à l'image de ce qu'il décrit chez les Français (et qui, je pense, le concerne surtout, lui) : prétentieux, persuadé d'être un intellectuel de haute volée,  d'être élégant et attentionné avec les femmes quand bien même il se comporte comme un abject personage (du genre à prétendre qu'il est égoïste mais qu'il l'assume, alors qu'il passe son temps à dissimuler ses petites infidélités à sa compagne visiblement résignée, laquelle fait davantage office de mère que d'alter ego), convaincu d'avoir raison et d'être un grand séducteur, mais réellement préoccupé uniquement par ses problèmes chroniques d'érection (ah bon, vous aussi, ça vous fait penser à quelqu'un?... Mais oui, c'est bien ça, ça rappelle Michel! Du déjà vu, donc. Au moins, Michel avait l'avantage de la primeur).

Voilà voilà.

Arrive dans le paysage la figure on ne peut plus stéréotypée de Janka, l'étudiante blonde et mince avec des gros seins, qui part à l'attaque, le cherche, qu'il néglige pour finalement consentir à la draguer, se pliant à son petit rituel de séduction à deux sous et exclusivement intéressé par une partie de jambes en l'air.

A mesure que le roman avance, on comprend la place majeure que cette "romance" va prendre dans l'intrigue, et cela nous fatigue d'avance. Rien ne nous est épargné : le rendez-vous galant au musée, les cartes avancées par l'une puis par l'autre, jusqu'à la nuit soit-disant torride, et surtout à pleurer, qui n'a rien de très émouvant ou même de sensuel.

Côté style, on est dans les limbes de la pauvre écriture, les exemples ci-dessous parleront d'eux-mêmes. For the record (l'auteur semble affectionner les touches anglaises) : traduire les phrases en français par l'équivalent anglais de manière quasi systématique n'est pas une bonne idée, ni la preuve de qualités littéraires incontestables. Ça ne donne même pas de cachet, c'est juste pénible.

Voilà donc qui est dommage, parce que les parties dédiées à l'oeuvre produite par le protagoniste et qui fait débat ne sont pas dénuées d'intérêt : il y a, bien sûr, de gros traits par moment, mais il y a aussi des remarques justes, ou en tout cas, des questions qui ont le mérite d'être posées par ce biais, et qui auraient gagné à être développées.

Bien entendu, l'approche reste singulière, dans la mesure où le protagoniste incarne tout ce qu'il reproche aux Français et qui fait, selon lui, de la France, un pays exécrable ; la mise en abym est assumée, tout comme le choix d'un protagoniste odieux que l'on se plaît à détester.

Malheureusement, l'intrigue ne nous mène pas bien loin, la relation nouée avec Janka est anecdotique et insignifiante, et celle entretenue avec Caridad n'est pas plus enthousiasmante.

Le livre aurait pu être brillant, et très intelligent (car enfin, la littérature n'a pas pour objet de dépeindre exclusivement des protagonistes héroïques) ; au lieu de quoi, il manque d'âme, et me reste à l'issue de la lecture, comme un flottement, le vague sentiment que l'on s'est peut-être moqué de moi.


Pour vous si...
  • Vous vous plaisez à comparer les Français aux représentants d'autres nationalités, et à réfléchir à la "spécificité française"
  • Vous êtes un fervent adorateur de Michel Houellebecq

Morceaux choisis

"Pourquoi fallait-il, à bientôt quarante-cinq ans, qu'une lolita vienne toujours se mettre en travers de mes bonnes résolutions? Ne m'étais-je pas montré assez dissuasif? Pourquoi n'y a-t-il pas un âge où la vie finit naturellement par vous détourner du désir? Au fond, pensai-je, ce qui me rendait irrésistible aux yeux des femmes, ce n'était pas uniquement mon charisme, mes capacités d'écoute et mes bonnes manières. C'est que je leur donnais l'impression de n'avoir rien à perdre à leur dire non."
(Mais... Mais... Ne serait-ce pas...? Je ne peux pas le croire... Vraiment, est-ce possible?... Tout à fait, ma bonne dame : une démence mégalomane dont tout enseignement ne vaut rien de plus que de la matière fécale! Et encore, la matière fécale est potentiellement un bon engrais pour la terre, alors que là...).

"Le train de Janka Kucova entra en gare, aussi ponctuel qu'un TGV. D'ailleurs, c'était un TGV." (quand je vous disais que rien ne nous était épargné)

"_Pourquoi ne voulez-vous plus d'enfants?
_Parce que je ne veux plus m'encombrer de rien dans ma vie. Avec la maturité, je suis progressivement devenu un égoïste qui s'assume." (AH AH, le mec s'assume mais ça ne l'empêche pas de raconter à sa compagne qu'il est allé à Moscou avec son éditeur, et qu'il y a bien une étudiante qui l'a chauffé, mais qu'elle est grosse et moche, meilleure répartie du bouquin, d'ailleurs...)

"Vous n'avez qu'à vous décourager, cela m'est bien égal. Just lose your heart, then. I don't care." (et cette odieuse manie de traduire par l'exact équivalent anglais ne se diluera pas au fur et à mesure de la lecture, bien au contraire...)

"Janka Kucova avait beau tenter de le dissimuler, elle était éblouie. Tout dans son attitude indiquait que, jusqu'ici dans sa vie, aucun homme n'avait fait montre d'autant d'attentions à son égard. Je l'intimidais. Mes largesses et mon élégance la touchaient autant qu'elle m'était reconnaissante de lui faire découvrir une sensation nouvelle : être prise en charge par un homme, le confort et la sécurité auprès d'un homme. Je la faisais soudain évoluer dans un univers haut de gamme rappelant le cadre des comédies romantiques au cinéma. Je lui montrais que cela pouvait exister dans la vraie vie aussi et, surtout, que c'était très agréable. Les jeunes femmes nous impressionnent, mais elles n'ont rien vécu. N'étant sorties qu'avec des ploucs égoïstes et radins à l'intelligence limitée, elles ne savent pas ce que c'est, un homme élégant et vraiment attentionné. Il y a une Pretty Woman dans chacune d'entre elles." (...) (je vous laisse juger par vous-même)

"_Ah, vous aussi vous me trouvez méchante.
_Manipulatrice, plutôt. Belle et intelligente comme vous êtes, vous agissez comme ça pour vous protéger ou pour vous rassurer? Pourquoi ne pas se comporter plus simplement? Why don't you just let it go?
Elle baissa les yeux. J'avais beau lui livrer une psychologie taillée à la serpe, je sentais qu'elle appréciait que je sache élever un débat."
(AH AH AH!! Elle est trop bonne celle-là!!!)

"Jusqu'à ce qu'un type comme moi lui fasse l'amour avec bonheur, une femme peut passer une vie entière en ignorant que cela existe. Pas de fausse modestie : les filles les plus désinhibées trouvaient chez moi un alter ego stimulant et je révélais à elles-mêmes les plus réticentes.
Sous mes yeux, j'avais ses gros seins qui, comme deux bombes à eau, s'étalaient rien que pour moi de part et d'autre de son buste."
(et on atteint les sommets de la littérature...)


Note finale
1/5
(flop)

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