samedi 5 mars 2016

Il faut tenter de vivre, Eric Faye

Voici un roman qui avait été chroniqué l'été dernier par d'autres explo-lecteurs, dont les avis étaient relativement partagés.
En matière de lecture, comme dans beaucoup d'autres domaines, il faut parfois juger par soi-même (sauf quand il s'agit de 50 shades, là vous pouvez pourrir sans scrupule, pas besoin de vous être infligé la torture d'une lecture intégrale).



Le synopsis

Le narrateur relate le parcours de Sandrine Broussard, jeune femme qu'il a côtoyée et qui l'a subjugué : figure fascinante mêlée à des affaires d'escroqueries qui lui ont valu de s'exiler, Sandrine s'avère être une femme complexe et multiple, difficile à cerner.


Mon avis

Ces derniers temps, mes lectures me font réaliser que mon jugement se durcit en matière de littérature, ce qui se traduit notamment par la flopée d'évaluations personnelles peu enthousiastes.

Face à la quantité époustouflante de romans publiés, et à celle, plus incroyable encore, de ceux qui ne parviennent pas à parvenir de l'étape de l'édition, mes attentes sont de fait élevées : j'attends d'un nouveau roman qui a passé avec succès les épreuves invraisemblablement sélectives et exigeantes de la publication, qu'il apporte quelque chose de nouveau.

Naturellement, je suis parfois déçue, et me retrouve dans une position délicate, puisque nombre de romans, sans parvenir à ce résultat, ne sont pas mauvais non plus, mais on peut avoir le sentiment que l'auteur s'est campé derrière un sujet suffisamment mainstream et potentiellement intellectualisable (dont on puisse en donner un résumé rapidement en plaçant un ou deux concepts actuels) pour se livrer à un exercice un peu académique.

C'est le sentiment que j'ai eu en lisant Le voyant, roman auquel on ne peut objectivement rien reprocher, mais qui m'a semblé manqué d'âme.

Ici, j'ai ressenti plus de choses, mais l'histoire de Sandrine Broussard ne m'a pas transportée, et m'a paru de faible intérêt, en dépit de tout ce qu'elle présente d'inattaquable et d'extravagant sur le papier.

Le personnage de Sandrine est ambivalent, on le perçoit, mais il manque de profondeur, je suis persuadée qu'il aurait pu être conduit beaucoup plus loin, être plus abouti, et plus captivant aussi.
Sandrine n'est ici qu'une jeune fille qui s'ennuie, qui prend des risques pour s'extraire de la vie anémique à laquelle elle est promise, mais demeure in fine une femme qui peine à s'affirmer, habitée par un dégoût d'elle-même qu'elle tâche de réduire en se transformant comme si elle était son propre objet.

Il y avait matière à servir des analyses dérangeantes, à exprimer des réalités sociales que Sandrine ne semble incarner ici que de manière accessoire ; bref, le sujet méritait d'être traité avec davantage d'ambition et de panache.

La lecture n'est pas déplaisante, mais elle n'est guère marquante non plus, et c'est relativement dommage, entendu que le style est fluide et accessible. Un ressenti global peu probant, ce sont des choses qui arrivent.


Pour vous si...
  • Vous vous intéressez aux parcours un peu chaotiques et empreints d'excès 
  • Vous vous laissez séduire par les femmes ambitieuses et audacieuses

Morceaux choisis

"A certains moments, il nous semble que le spectacle est terminé. Les lumières se rallument pendant qu'en contrebas, sur la place, les accessoiristes rangent les éléments du décor en échangeant des plaisanteries. Nous sommes après la vie et cela nous paraît naturel. Accoudés au balcon un verre à la main, nous commentons avec détachement des scènes de nos passés."

"S'il advient un jour que les livres ne sont plus lus que sur des tablettes numériques, les écrivains pourront concevoir le "roman total", qui permettra au lecteur de choisir la vision de tel ou tel protagoniste. En cliquant sur le nom de l'un d'eux, il changera de perspective. Il découvrira l'ensemble de l'histoire vue à travers les yeux de ce personnage. Ce ne sera plus un roman ; ce sera une superposition de variations parallèles, empilées comme les feuilles d'un baklava, soit autant de romans différents déclinés autour d'une même trame, romans desquels la notion de regard sortira renforcée." (avenir pas si lointain, puisque c'est déjà ce qu'ont fait Veronica Roth et Anna Todd, génies du marketing et du foutage de gueule des lecteurs, qui n'hésitent pas à triturer l'idée de leur roman principal dans tous les sens pour en extraire la substantifique moelle au moyen de tous les points de vue possibles - et dans certains cas, la moelle n'est pas abondante).


Note finale
2/5
(pas mal)

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