vendredi 11 mars 2016

Titus n'aimait pas Bérénice, Nathalie Azoulai

Le quatrième larron des finalistes du Prix Goncourt 2015, il était grand temps!
Il faut dire que le titre ne me convainquait guère, ma nature étant plutôt méfiante à l'égard de qui se sert dans le panthéon de la culture "légitime" ; j'ai toujours l'impression que la dite-personne se réclame d'un auteur mort bien en peine de se défendre, à la seule fin de glaner une once de crédibilité.
Mais dans le cas présent, cette pensée était méchante et relativement injuste, donc je retire. 
Nathalie, pardon. 



Le synopsis

De nos jours, l'antique tragédie se noue : Titus quitte Bérénice et lui préfère Roma, son épouse légitime, solide et patiente.
L'anecdote est prétexte à se plonger dans la vie de Jean Racine, depuis ses débuts jusqu'à son avènement à la cour du roi Soleil, ses doutes, ses découvertes, son obsession pour la langue, ses contradictions.

Mon avis

Au-delà des préjugés initiaux, il faut bien reconnaître que le roman de Nathalie Azoulai est à la hauteur des espérances.
Ni en-deçà, ni au-delà : précisément là où on l'attend.

L'auteur a pour atout majeur une plume précieuse, raffinée, délicieuse, qui se prête à merveille à l'évocation de la vie rêvée de Racine : certaines constructions, certaines tournures se rencontrent si peu dans la littérature contemporaine que l'on s'arrête dessus à la lecture, pour les lire encore, les goûter, s'imprégner de ce qu'elles ont de presque désuet, de lointain.

Découvrir le parcours de Racine était par ailleurs très intéressant, bien qu'il soit pour partie romancé et imaginé par l'auteur, d'après les commentaires que l'on trouve sur le site de l'éditeur, POL. Comme dans tout roman mettant en scène des personnages historiques, il est plaisant de reconnaître telle ou telle figure, de lire les traits que l'auteur a décidé de prêter à l'un ou à l'autre (à Nicolas Boileau, au roi Louis XIV, à Françoise de Maintenon...).

La point de départ n'est finalement qu'un prétexte, et, à mon sens, le reste : l'enseignement que l'auteur brandit à la fin du livre n'a pas été suffisant, à mes yeux, pour justifier la construction du récit, le fil rouge constitué par la tragédie de Titus et de Bérénice qui m'a finalement paru assez mince et de moindre intérêt, par rapport à d'autres passages du roman.

Titus n'aimait pas Bérénice "fait le job", comme on dit dans les RH, c'est un bon roman, très littéraire, travaillé et intéressant ; cependant, si je le recommande sans crainte, je dois admettre qu'il n'a pas été non plus le coup de cœur de ce mois de mars. 

Pour vous si...
  • Vous êtes depuis toujours Team Racine, et ne vous laisserez pour rien au monde séduire par ce vieux schnock de Corneille ;
  • En matière de lecture, vous misez sur les valeurs sûres.

Morceaux choisis

"Entre les deux garçons s'installe une sorte de marchandage tacite entre le savoir de l'un et la noblesse de l'autre, mais, si les sept ans qui les séparent suffisent à expliquer la supériorité de Jean, celle du marquis ne doit rien au temps. Et l'enfant le sait qui boit les paroles de Jean sans jamais se départir de cet air satisfait, de cette certitude que la naissance attire le génie."

"Jean, quelqu'un est mort.
Ses pensées se bousculent. Il faut du temps pour mesurer l'espace qui va vous séparer de quelqu'un. On est si proches et le lendemain si loin, l'esprit ne suit pas, il doit accommoder. L'élégie, ce sont les pleurs du jour suivant, pas du jour même. On ne pleure pas le jour même."


Note finale
3/5
(cool)

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