Il y a quelques années, après la parution du roman Plonger, je m'étais mise en tête d'explorer la bibliographie de Christophe Ono-dit-Biot, tant son livre m'avait bouleversée. De fil en aiguille, je me suis frottée à ses premières oeuvres, qui m'avaient semblé plus en retrait, moins profondes, plus maladroites. Son dernier roman, au titre aguicheur, ne pouvait qu'attirer mon attention.
Libres pensées...
Après la mort de Paz, César sombre peu à peu dans une profonde dépression, dont l'amour de son fils ne parvient à le sortir.
Alors qu'il s'apprête à se suicider, il fait la rencontre de Nana, une jeune voisine grecque intrigante, férue d'antiquité et pleine de vie.
Le synopsis, vous le comprendrez, me faisait craindre le pire : une ressemblance un peu trop prononcée avec Les gens heureux lisent et boivent du café, atrocité commise par Agnès Martin-Lugand qui l'avait, de manière incompréhensible, fait accéder à la notoriété, et dans lequel une femme, après la mort accidentelle de son époux et de leur enfant, trouvait refuge en Irlande et faisait la connaissance d'un mystérieux voisin... Vous voyez venir la suite.
Par bonheur, l'intrigue pensée par Ono-dit-Biot est plus élaborée, et sa prose infiniment plus habile que celle de Martin-Lugand (en particulier à ses débuts).
On ne sombre pas dans une romance à l'eau-de-rose écervelée et déplacée, car César est hanté par Paz, part à sa recherche, et la présence solaire de Nana n'a pour effet que de lui apporter un répit délimité.
Ono-dit-Biot crée un flou dans lequel se mêlent l'Antiquité, la douleur de César, les pulsions contradictoires qui le traversent et l'égarement qui l'habite. Nana, elle, campe une figure étrange, parfois celle d'une jeune fille curieuse et cultivée de son âge, parfois plus insaisissable, et l'intérêt qu'elle manifeste à César est tout aussi surprenant.
L'auteur convoque des références à la mythologie grecque, aux poètes qui l'ont sublimée, parfois avec justesse, parfois plus maladroitement, ce qui rend le ton inégal à mon sens, et en cela, Croire au merveilleux n'égale pas Plonger, dont il ne peut se passer, et qui est ici conforté en roman premier, en origine.
Un roman moins éblouissant que son prédécesseur, qui exploite autant que possible ce qu'il reste de Paz et César, dont la relation orageuse avait fait la puissance de Plonger, et ménage un dénouement inattendu, qui séduira les lecteurs soucieux de mettre un point final.
Pour vous si...
- Vous êtes un amoureux de l'Italie et des îles grecques ;
- Vous n'avez pas vraiment su dire adieu à Paz.
Morceaux choisis
"J'étais heureux pour eux, moi, le veuf, l'inconsolé, le prince à la tour sexuelle abolie." (Alors là, non Christophe, je m'insurge. On ne déforme pas Nerval pour en faire n'importe quoi, quelle idée absurde!)
"Je m'étais mis à l'espionner. Regarder la vie des autres, n'était-ce revivre un peu?"
"Ils sont jeunes, et moi j'ai mille ans. Je me tire."
"_Pina était toute jeune. Elle travaillait dans une galerie d'art qui consacrait précisément une rétrospective à ce John De Andrea. Nikos a acheté l'expo entière. Et il a embarqué Pina avec toutes les statues, dans un grand camion, à la barbe de tout le monde.
_Il l'avait endormie puis déshabillée, alors?
_Je ne sais pas dans quel ordre. C'est leur légende. Mais moi ça me plaît, parfois, de croire au merveilleux." (Hum. Reprenons. Donc, le merveilleux, c'est le prince qui débarque, étale son flouze sur la table et se barre en embarquant la paysanne comme l'une des choses qu'il vient d'acheter?... Je ne sais pas si cette conception très capitaliste et machiste du merveilleux fait vraiment rêver les foules... Pour ma part, je suis à deux doigts de retapisser mon salon d'une bile nerveuse et verdâtre.)
Note finale
2/5
(pas mal)
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