mercredi 14 février 2018

Sulak, Philippe Jaenada

Il y a longtemps que je ne vous ai pas parlé de Jaenada, je profite donc de ce début d'année pour combler mes lacunes, et découvrir l'histoire de Bruno Sulak, revisitée par mon cher Philippe. 


Libres pensées...

Jaenada retrace le parcours de Bruno Sulak, braqueur apôtre de la non-violence, qui a sévi en France au début des années 1980. S'évadant de prison à plusieurs reprises, nouant une relation presque cordiale, et teintée de respect, avec l'inspecteur en charge de son arrestation, Sulak fascine, incarne un Arsène Lupin attachant qui questionne nos définitions du bien et du mal.

En bref, un objet d'étude parfait pour Philippe.
Avec Sulak, Philippe Jaenada s'aventure sur un terrain nouveau, puisqu'il avait jusqu'alors surtout écrit à partir de sa propre vie, évoluant donc sur l'auto-fiction. A partir de Sulak, il s'attaque à explorer la biographie de personnages malmenés par l'Histoire, menant une enquête posthume et démontant à coups de stylo les préjugés tenaces souvent passés à la postérité.

Dans Sulak, on remarque que son style est encore hésitant, sérieux, il ose l'humour, mais le trait est fin, par rapport à ce que l'on trouvera dans ses oeuvres suivantes, La petite femelle, et, en 2017, La serpe.
Néanmoins, on reconnaît dans Sulak son goût pour une certaine forme d'anti-conformisme, sa volonté de pointer du doigt les incohérences judiciaires (par exemple, le fait que des violences physique ou un meurtre n'aggrave que peu la peine prononcé pour un braquage, soulignant que, ce qui compte, c'est avant tout l'argent, auquel il ne faut pas toucher), et son attachement aveugle au personnage dont il a entrepris de raconter l'histoire. Il passe tout à Sulak, comme il passe tout à Pauline Dubuisson, et il s'érige en quelque sorte en ami indéfectible de Sulak, son meilleur avocat, son plus grand admirateur.

Pourtant, l'image qu'il restitue de Bruno Sulak n'est pas d'Epinal, Jaenada cherche l'humanité en lui, il voudrait partager sa vision singulière des choses, il donne voix aux non-dits qui entoure sa mort lors d'une évasion manquée de la prison de Fleury-Mérogis en 1985, les anomalies dans les rapports des témoins, et l'on sent poindre en lui une immense tristesse, à la pensée de la disparition de Sulak.

Sulak nous en dit autant sur le braqueur gentleman que sur Philippe Jaenada, et ouvre le champ aux chefs d'oeuvre dont il nous a depuis gratifiés. Pourvu qu'il vive encore au moins 150 ans, c'est bien là mon seul souhait. 

Pour vous si...
  • Vous vous laissez facilement attendrir par les bandits au grand coeur. 

Morceaux choisis

"Avec du recul, si l'on essaie de regarder de haut par exemple, comme si on observait une maquette, la vie de Bruno ressemble à un labyrinthe - toutes les vies, je suppose, mais dans la sienne, à chaque intersection, il n'y a qu'une seule porte ouverte. Il change souvent de direction - je le vois marcher, petit bonhomme, dans les couloirs du labyrinthe - mais il n'y a en fait qu'un chemin possible. Il ne s'en rend peut-être pas compte, en bas. Si certaines portes avaient été ouvertes, il aurait pu, comme tout le monde, exercer une sorte de libre-arbitre."

"Le temps qu'il se retourne, Albert a ouvert la fenêtre et sauté. ("Non, pas ça!" s'écrie Jacques Peyrat, qui n'a qu'un sens approximatif du timing : Spaggiari est déjà dans le vide, et même s'il se laissait finalement convaincre, de manière surprenante, par le cri de désespoir de son avocat, rien n'est plus difficile que de remonter quand on a sauté.)"

"Elle remarque une petite cicatrice sur son ventre. Un tatouage sur la face externe de son poignet gauche : "B.B." (Il lui explique que c'est un souvenir de ses dix-sept ans, une femme plus âgée que lui dont il a été follement, quoique brièvement, amoureux. Brigitte.)"

 "La malchance dégage sa rivale d'un coup de pompe au cul et reprend le pouvoir."

Note finale
3/5
(cool)

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