samedi 21 novembre 2015

Les prépondérants, Hédi Kaddour

Soyons  honnêtes une minute.
Il arrive souvent de découvrir certains auteurs qui ont tout l'air d'être pourtant majeurs à l'occasion des prix littéraires.
Prenons un exemple.
Hédi Kaddour.
Il a déjà à son actif plusieurs romans qui ont visiblement rencontré un accueil très favorable; cependant, je dois bien admettre qu'il m'était complètement inconnu jusqu'à août dernier.
Et voilà que depuis trois mois, son nom figure en tête de toutes les listes; pressenti pour le Goncourt, il a finalement reçu le Grand Prix du roman de l'Académie française qu'il partage avec Boualem Sansal, et la critique l'a encensé. 
C'est en quelque sorte le must-read de l'automne!



Le synopsis

En 1922, les habitants de Nahbès voient débarquer un groupe d'Américains venus pour tourner un film hollywoodien. Cette rencontre incarne un choc des civilisations, des cultures, et les aspirations et croyances des uns se heurtent à celles des autres. On suit ainsi Raouf, épris de l'actrice Kathryn, impulsive et passionnelle, son amie Gabrielle, journaliste intrépide et tout aussi provocante, Ganthier qui la courtise, Rania, la cousine de Raouf, jeune veuve intelligente qui craint le joug que lui imposerait un nouvel époux traditionaliste, tandis que son frère Taïeb rêve de briser ses velléités de modernité.


Mon avis

Il faut reconnaître que mon premier constat est de ne pas être aussi époustouflée que ce que je projetais. J'ai écouté l'auteur dans plusieurs interviews, si bien que j'avais le sentiment d'être familière de son roman avant même que de le lire. C'est un peu comme de connaître de grands airs d'opéra sans rien savoir du livret dans lequel ils s'insèrent, et de découvrir tout à coup que le contexte que vous vous étiez plu à imaginer n'est en rien semblable au contexte véritable (Exemple : je me suis toujours figurée que l'air de Barcarolle dans les Contes d'Hoffmann était d'un romantisme fiévreux... Fièvre certaine, puisque c'est en réalité une sorte d'hymne à l'ivresse, au libertinage, donc loin de l'amour tendre et languide qui s'était imposé dans mon esprit).
Ici, je m'attendais à des figures féminines hautes en couleur (merci la Grande Librairie), et elles le sont d'une certaine façon (Rania est captivante, j'ai seulement été déçue qu'elle ne soit pas davantage au centre du roman), mais les figures de Gabrielle et surtout Kathryn sont aussi très ambivalentes, Kathryn est parfois ridicule et mesquine.
Bien heureusement, les figures masculines ne sont pas laissées pour compte, et l'on a là aussi de quoi nourrir l'imaginaire : Raouf est parfois un peu lisse à mon goût, trop emporté par ses amours pour avoir une autre profondeur, Neil est en demi-teintes, il est souvent l'absent, Ganthier est déjà plus intéressant, Belkhodja est à la fois drôle et menaçant...
J'ai par moment été déçue que la trame ne prenne pas corps davantage, le voyage à Paris puis Berlin n'est pas dénué d'intérêt, mais il recèle avant tout des mondanités, et cela a érodé ma motivation à la lecture.
En conclusion, le roman est riche et dense, la langue maîtrisée, les personnages vivent, c'est l'intrigue à mon sens qui parfois se dilue et peut perdre le lecteur.
Il s'agit, sinon, d'une lecture intéressante.


Pour vous si...
  • Vous aimez les valeurs sûres
  • Vous rêvez du glamour du cinéma des années 1920 - et de ses coulisses!
  • Vous appréciez les fresques à l'ancienne, avec des personnages incarnés comme chez Zola ou Balzac

Morceaux choisis

"Mme Doly leur expliquait ce que voulait dire le mot "Prépondérants", c'est très simple, nous sommes beaucoup plus civilisés que tous ces indigènes, nous pesons beaucoup plus, donc nous avons le devoir de les diriger, pour très longtemps, car ils sont très lents, et nous nous groupons pour le faire du mieux possible, nous sommes l'association, l'organisation la plus puissante du pays!"

"Les vieilles façons d'aimer sont mortes et nous devons tout essayer, je ne t'en veux pas de ce qui s'est passé sur le bateau, je t'en veux de ne pas m'avoir parlé de Kathryn, d'avoir préféré passer pour un niais, alors que tu sais beaucoup de choses, disait-elle en riant sous les caresses de Raouf, je ne suis pas jalouse de Kathryn, je lui suis très reconnaissante, tu sais beaucoup de choses et tu donnes l'impression de les inventer, mais ta bêtise c'est de considérer les femmes comme des trophées."

"Pourquoi on l'appelait La Trogne? Il suffisait de le regarder, un nez de buveur, des joues de petite vérole, les yeux en trou de pine. Il flinguait les célébrités, chez nous les gens aiment voir les acteurs monter très haut, très vite, ça fait rêver, ça a l'air simple, et ils aiment aussi les voir dégringoler, ça les console, les gens, d'être restés là où ils sont."

Note finale
3/5
(cool)

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