vendredi 4 mars 2016

Un monde flamboyant, Siri Hustvedt

J'entretiens une relation tout ce qu'il y a de plus insolite avec les romans de Siri Hustvedt. Il y a quelques années, j'avais lu Les yeux bandés, sur le parcours d'un transsexuel newyorkais, qui m'avait laissée relativement perplexe. L'an dernier, une amie m'a prêté Un été sans les hommes, qui n'avait pas remporté une franche adhésion de ma part comme de la sienne. 
Pourtant, quand la couverture vermillon d'Un monde flamboyant m'est apparue sur la devanture de ma bibliothèque, un élan qui pourrait presque être qualifié d'enthousiaste s'est emparé de ma personne.
Le plus étrange, c'est que la lecture du synopsis n'a pas même éveillé ma suspicion. 
Bienvenue dans le monde curieux de Siri.



Le synopsis

Le roman retrace le parcours d'Harriet Burden, artiste américaine ayant rencontré un succès mitigé lors de ses premières expositions, qui décida de mettre en scène un projet audacieux visant à démontrer l'importance du genre dans l'appréciation du public de l'oeuvre d'un artiste, en présentant ses propres œuvres sous le nom d'hommes sélectionnés par ses soins, et remportant ainsi un écho qu'elle n'avait pas rencontré lorsqu'elles étaient apparentées à son identité féminine. Mais la relation qu'elle entretient avec le troisième de ces partenaires, Rune, jeune artiste ambitieux et renommé, devient plus complexe que projeté.


Mon avis

Conformément à mes précédentes expériences en territoire Hustvedtien, j'ai retrouvé l'écriture foisonnante et savoureuse de l'auteur : on se perd en lisant, dans les phrases qui débordent d'ardeur, dans la démesure des mots qui se multiplient pour préciser la pensée, qui n'ont jamais pour ambition d'aller à l'essentiel, ce serait bien trop réducteur.

Cette  fougue littéraire indocile désarçonne, je ne dirais pas le contraire, elle peut même, à mon sens, emberlificoter le lecteur dans la prose, lui retourner le cerveau et les sens de sorte qu'il lui semble par moment ne plus s'y retrouver, et être absolument désorienté.

Le point fort du roman, c'est sans doute le personnage principal d'Harriet, et s'il y a un domaine dans lequel excelle Siri, c'est bien la peinture de caractères féminins complexes, à l'instar d'Harriet. Une femme multiple, paradoxale, presque impossible à cerner dans ses facettes paraissent parfois irréconciliables, mais tout cela ajoute, bien entendu, à l'intérêt de l'oeuvre, au halo de mystère qui entoure ce qui aurait pu n'être autrement qu'anecdotique.
Harriet ne peut être résumée en un ou deux traits de sa personnalité, elle est d'une richesse et d'une complexité indéniables, manifestation sensible du talent de l'auteur.
Son parcours est passionnant, et les relations nouées avec ses proches et, surtout, avec ses "partenaires artistiques", complètement ambiguës, ce qui n'est pas pour déplaire.

Une lecture intéressante donc, dans laquelle on peut parfois avoir le sentiment d'être accablé, étouffé par la profusion du style, et qui porte toute la singularité de l'empreinte de Siri Hustvedt.


Pour vous si...
  • Vous ne vous lassez jamais d'un personnage insaisissable ;
  • Une écriture fourmillant n'est pour vous pas rédhibitoire ;
  • Vous n'avez pas fui à la lecture des autres ouvrages de l'auteur - le style reste très proche.

Morceaux choisis

"Moi, Harriet Burden, je confesse par la présente que mes divers fantasmes étaient issus :

  1. d'un désir général de me venger des crétins, des imbéciles et des sots;
  2. d'un isolement intellectuel continu et douloureux, ayant pour effet la solitude, parce que je rôdais dans trop de livres dont personne ne pouvait parler avec moi;
  3. du sentiment croissant d'avoir toujours été incomprise, moi qui brûlais d'être vue, vraiment vue, et dont tous les efforts restaient vains."
"Je sais maintenant qu'il est moins pénible d'être déçu par un conjoint que par ses parents. Ce doit être parce que, au moins dans la petite enfance, les parents sont des dieux. Ils s'humanisent lentement, avec le temps, et c'est un peu triste, à vrai dire, quand ils se réduisent à de simples vieux mortels."

"Je suis une Insurrection. Un Opéra. Une Menace! Je suis Margot la Folle, Mad Hatter Harriet : Harriet le Chapelier fou, une hideuse anomalie [...]. 
Je veux flamber et gronder et rugir. 
Je veux me cacher et pleurer et m'accrocher à ma mère.
Mais nous en sommes tous là."

"J'ai encore à faire. Il reste en moi des mondes à découvrir, mais je ne les verrai jamais."


Note finale
2/5
(pas mal)

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